Algérie

Des chefs d'entreprise commentent la tripartite


Tous les patrons du secteur privé, ou presque, se réjouissent de la reprise du dialogue avec le gouvernement. Mais tous ont leurs réserves sur les résultats de la tripartite, sur les priorités de l'heure et un point de vue sur les conditions du succès. Réactions de trois acteurs avisés.

Le secteur privé est devenu le premier employeur dans le pays depuis 2010. Il a créé plus d'emplois que le secteur public durant ces 20 dernières années. Son organisation phare le Forum des chefs d'entreprise (FCE) a donc naturellement joué le rôle de principal interlocuteur dans la tripartite dédiée à l'économie. Les réactions dans le monde de l'entreprise ont été très nombreuses au lendemain de la publication des résultats de la tripartite. Mais tous les chefs d'entreprises s'ils saluent la reprise du dialogue et même la plupart des mesures qui visent à encourager l'investissement, ils ne sont pas au diapason quant à leur portée. Le point de vue de trois acteurs de la scène entrepreunariale, sélectionnée parmi d'autres peut aider à cerner le chemin qui reste à parcourir, pour le gouvernement autant que pour son vis-à-vis patronal.

«Le non retour au transfert libre est une perte de temps»

Mehdi Belhadj est PDG de Distrim, SPA basée à Reghaïa à capitaux mixtes espano-algériens spécialisée dans le traitement et la distribution des matières premières chimiques destinées au secteur de la production : «Le dialogue est rétabli avec les acteurs de l'économie et c'est une bonne chose. Considérons cette tripartite comme un premier pas. Je pense qu'avec le temps les pouvoirs publics vont poursuivre cette inflexion vers la concertation pour le bien du climat des affaires. Maintenant en ce qui concerne directement notre activité, nous ne sommes pas particulièrement contents. Nous importons des matières premières pour le secteur productif et nous continuerons à subir les surcoûts du crédit documentaire. Cela dit, la mesure d'allègement pour les importations des entreprises de production ne supprime que les 1,25% de la lettre de crédit. Le mécanisme ne change pas. Pour sortir sa marchandise du port il faut ramener des documents de sa banque qui sont conditionnés par le paiement immédiat de l'importation. Dans la remise documentaire, concédée par le gouvernement, l'importateur ne bénéficie pas du financement fournisseur en vigueur dans le monde entier. C'est un surcoût inutile pour l'économie nationale. Il faut revenir au transfert libre, la pratique quotidienne continuera de montrer que c'est le mode le plus avantageux pour le financement des importations pour ceux qui peuvent l'obtenir et le garantir. Pour le reste les aides dans le financement des crédits d'investissements sont appréciables pour ceux qui ont engagé des projets. Je pense en particulier au rallongement du délai de grâce et à la prise en charge par le Trésor public des intérêts intercalaires.»

«Attention à ne pas nous faire ressembler à des entreprises publiques»

Ramdane Battouche est PDG de Général Emballage, entreprise basée à Akbou, leader depuis 2010 dans la filière de l'emballage sur le marché algérien : «Alléger certaines mesures prises par le passé au profit des entreprises productives est de bon augure pour l'investissement du privé en Algérie. Après tout c'est le premier pourvoyeur de l'emploi et de la richesse dans le pays. Je trouve intéressante la mise en place d'un groupe de travail pour réfléchir sur l'environnement de la PME. Il serait judicieux d'y associer les acteurs des différents secteurs d'activité et de les écouter sur les problèmes rencontrés au quotidien. Les enjeux sont dans les détails. Le principe est positif il faut lui adjoindre un planning.

Nous applaudissons aussi les facilitations financières à l'adresse des entreprises algériennes. Cependant, le fond du problème n'est pas là.

Les sources de financement ont certes besoin d'être développées davantage et l'accès au financement d'être constamment amélioré, mais il faut faire attention de ne pas faire ressembler les entreprises privées à des entreprises publiques, avec le trésor public à leur chevet. Ce dont j'ai essentiellement besoin en tant que chef d'entreprise, c'est l'amélioration du climat des affaires en Algérie dans tous ses aspects. Une des machines de ma principale chaîne de production est tombée en panne. Une affaire de trois jours pour remplacer la pièce. Chez nous c'est dix jours, et je vous épargne le détail des acrobaties. La maîtrise des coûts ordinaires est notre mission naturelle de chef d'entreprise, notre problème ce sont les surcoûts inhérents à l'environnement. La chute d'une grue au port de Bejaia m'a coûté 8 millions de dinars de surestaries. J'attends des prochaines réunions et de ce dialogue amorcé qu'elles se penchent sur cela en priorité. Il faut, en particulier, clarifier les textes appliqués aux entreprises et les stabiliser, améliorer la qualité de services des douanes, des impôts, du registre de commerce, des banques. Je suis potentiellement compétitif pour exporter et même demain pour m'étendre à l'étranger et rapatrier des dividendes. Mais pensez-vous que nous puissions le faire dans un tel environnement ?»

«Il faut muscler les groupes de travail et leur donner un deadline»

Abdelkrim Boudraa est chef d'entreprise et membre du bureau du cercle d'action et de réflexion sur l'entreprise (CARE) qu'il a présidé (2009-2010) : «Je suis dans le positif. Je ne crois pas que nous soyons tout à fait encore dans un vrai dialogue, mais l'on peut considérer qu'il s'agit cette fois de son début. Il faudra reconnaître au FCE, le mérite d'avoir progressivement réussi à déplacer le curseur du débat vers des réflexions plus importantes sur le climat des affaires et la place de l'entreprise. Globalement, les mesures prises ne répondent pas encore aux attentes des chefs d'entreprises. Par contre on peut légitimement attendre quelque chose des prochains groupes de travail par thèmes. C'est pour cela que j'appelle à ce qu'ils soient constitué ensemble avec les acteurs de l'entreprise en total transparence et en y favorisant clairement l'expertise. Il faudrait fixer à ces groupes de travail des objectifs clairs dans des délais courts. Le gage est de muscler les commissions et leur donner un deadline. C'est là une occasion de faire travailler en bonne intelligence pour la première fois les expertises de l'entreprise et l'administration. Il ne faut pas la manquer».


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