Combien sont-ils ces enfants à Oran, ou dans d'autres villes du pays, qui
errent dans les rues parce que, pour la plupart, ne disposant pas de domicile
fixe ? Aucune institution n'a malheureusement pu se prononcer avec exactitude
sur leur nombre.
Aucune statistique n'a pu être établie à cet égard, en partant du
principe que l'on ne saurait inclure dans des données officielles une situation
qui n'est pas censée exister.
Les services de police de la sûreté de wilaya ont procédé au ramassage de
210 enfants à Oran à l'issue de plusieurs opérations menées au cours de l'année
dernière. Il y a quelques jours, d'autres enfants ont été ramassés au niveau
des arcades de la rue Larbi Ben M'hidi. Ces enfants ne sont en fait que l'arbre
qui cache la forêt car ils sont beaucoup plus nombreux et leur nombre va
crescendo au fil des jours.
Afin de tenter de juguler ce phénomène, les services de police ont donc
mis les bouchées doubles à travers une autre opération de grande envergure de
ramassage dans les rues et artères de la ville. Selon des sources proches de ce
dossier, les parents, quand ils sont identifiés, sont convoqués par les
enquêteurs de police chargés de ce volet. Ils sont astreints à expliquer la
présence de leurs enfants à des heures indues et en permanence dans les rues de
la capitale de l'Ouest. Ceux dont les parents ne se sont pas manifestés pour
diverses raisons, sont placés dans les centres spécialisés, notamment celui
pour garçons sis à la cité Djamel. Ils seront orientés ultérieurement en
fonction des résultats des procédures judiciaires initiées dans ce contexte parallèlement
à cette opération.
Un grand nombre de ces enfants a intégré le monde du travail à un âge
précoce, sans parler de ceux qui ont carrément versé dans la petite
délinquance. Leur recensement pose d'énormes problèmes à Oran à l'instar des
autres villes du pays. Même certains pays développés, qui s'efforcent de
recenser ces enfants sans domicile fixe, ont buté sur de grosses difficultés.
La principale raison est qu'une grande partie de ce travail est « invisible»,
cachée dans le secteur non structurel, à l'intérieur des maisons, au foyer même
de l'enfant ou encore dans les champs. Dès lors, les estimations peuvent
présenter d'énormes différences. Toujours est-il que le phénomène des enfants
sans domicile fixe, SDF, ou/et travailleurs à Oran, est constaté de visu dans
les marchés et autres endroits publics. C'est généralement la pauvreté qui
pousse ces bambins à travailler, avec l'accord de leurs parents dans la plupart
des cas, qui sont en majorité chômeurs ou sous-employés, ou encore à la
recherche d'un travail avec un revenu sûr.
L'ironie du sort veut que c'est à
leurs enfants qu'on offre des emplois, car faciles à exploiter et ne rechignant
pas devant un salaire dérisoire. « J'ai proposé à son père un travail dans mon
atelier de confection. Je lui ai fait comprendre qu'il ne sera pas assuré et
évidement non déclaré à la caisse de retraite. Moi-même j'exerce dans la
clandestinité», a confié le gérant d'un atelier, installé dans un quartier
populaire de la ville, qui emploie des mineurs des deux sexes.
Ce cas n'est pas isolé à Oran, où des dizaines d'enfants se font
exploiter dans des usines et dans d'autres secteurs. Certains transporteurs
privés font également appel à des adolescents en qualité de receveurs, sans se
soucier manifestement des conséquences.
Le regard éveillé et constamment aux aguets, certains commencent à
sillonner, dès les premières heures de la matinée, les rues et les cités de la
capitale de l'Ouest. Leur mission est de faire les poubelles et autres
dépotoirs pour ramasser des objets recyclables ou du pain rassis qu'ils
fourgueront à leurs exploiteurs. Ces derniers, installés généralement dans les
localités limitrophes de la ville, leur offrent en contrepartie le gîte et la
nourriture avec, évidement, une ponction sur le prix du produit rapporté. Selon
des recoupements d'informations concordantes, ces enfants sont issus en général
de familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté, ou/et abandonnés dès leur
jeune âge par leurs parents pour de multiples raisons relatives à de fâcheux
concours de circonstances.
Cet état de fait a été constaté par les policiers chargés de la mission
de ramassage, qui ont aussi relevé qu'un grand nombre de ces enfants n'a jamais
mis les pieds dans un établissement scolaire. «Je n'ai jamais connu mon père.
Ma mère m'a confié à une femme alors que j'étais encore bébé. Au début, elle
venait de temps à autre me voir et donner de l'argent à la femme. J'avais à
peine 6 ans lorsqu'elle a subitement cessé de venir me voir. Je n'ai plus
entendu parler d'elle depuis. La bonne femme à laquelle m'a confié ma mère
m'exige de travailler pour payer ma nourriture et le gîte, au même titre que
d'autres enfants vivant chez elle et qui ont été abandonnés par leurs parents
», a confié un jeune revendeur de sachets, âgé d'à peine 11 ans. Nombre d'enfants
qui lui ont été confiés, plus de 20 ans auparavant, vivent toujours sous son
toit. Elle a même réussi à unir deux couples d'enfants abandonnés, qui viennent
lui rendre visite à l'occasion.
Près d'une centaine d'enfants, nés hors mariage et abandonnés par leurs
parents, sont pris en charge chaque année par la direction de l'action sociale
de la wilaya d'Oran. Certains sont placés dans des structures d'accueil au
titre de la kafala et d'autres sont confiés à des familles postulantes. Un
nombre dérisoire a été finalement récupéré par leur mère biologique.
Il importe de signaler dans ce contexte que des cellules de veille ont
été installées dans le cadre d'un plan national pour la lutte contre la
délinquance juvénile. Ces cellules sont assignées à porter assistance aux
enfants abandonnés et les prévenir contre les dangers de la rue. Des
possibilités de formation professionnelle en faveur des enfants exclus du
cursus scolaire sont également incluses dans ce plan.
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Posté Le : 27/02/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Rachid Boutlélis
Source : www.lequotidien-oran.com