Algérie

Des bombes à retardement


Des bombes à retardement
Tout commence à Sidi BouzidEn occultant les revendications, Habib Essid apporte de l'eau au moulin des détracteurs et affiche une singulière incompréhension du front social.Après une semaine d'une contestation sociale inédite depuis la révolution de 2011, le Premier ministre tunisien Habib Essid a appelé à la «patience», n'envisageant, pour l'immédiat, aucune mesure contre le chômage et l'exclusion. Alors que le pays vit depuis vendredi sous un couvre-feu étendu à tout le territoire, pour une durée indéterminée, le calme semble enfin revenu dans les principales villes touchées par les troubles.Au sortir d'un Conseil des ministres extraordinaire, Habib Essid a développé un discours pédagogique, invitant l'ensemble des Tunisiens, et en particulier la jeunesse, à «faire preuve de patience». Les exhortant à «comprendre qu'il y a des difficultés», il a implicitement laissé entendre que son équipe gouvernementale ne dispose pas, pour l'instant, de moyens qui permettraient de résoudre les problèmes et de sortir de la crise.Au contraire, c'est à une mise en garde selon laquelle la Tunisie est «en danger malgré les choses positives que nous avons accomplies, surtout au niveau de la transition démocratique», que le Premier ministre s'est astreint, évoquant pêle-mêle les défis «sécuritaire, économique et social» du pays.En appelant à la «patience et à l'optimisme», il a néanmoins entrouvert la porte à une possible amélioration de la situation, dès lors que «les solutions existent» et que le gouvernement est «mobilisé» pour y parvenir. Avec une marge de manoeuvres des plus réduites, les contraintes endogènes et exogènes ayant culminé ces temps derniers, on ne peut que constater l'absence de solutions réelles à proposer, compte tenu de moyens financiers extrêmement réduits.Or, si les manifestants de Kasserine, Feriana, Sidi Bouzid, Jendouba, Gafsa, Kebili et du Grand Tunis avaient revendiqué l'emploi de prime abord, ils avaient également d'autres doléances qui ont trait au népotisme, à la corruption et autres magouilles politico-économiques. Pour y remédier, point n'est besoin de moyens financiers conséquents, la volonté politique y suffit qui permettrait de résorber le chaos dans lequel certains milieux n'hésitent pas à précipiter le pays.En occultant ces revendications, Habib Essid apporte de l'eau au moulin des détracteurs et affiche une singulière incompréhension du front social, mis en ébullition, de temps à autre, dans des régions déshéritées où l'espoir de 2011 a cédé la place au désespoir de 2016. Les Tunisiens savent bien que le gouvernement est sans grands moyens réels de gouvernance et que le pays vit d'expédients mais les mesures, ou plutôt l'absence de mesures prises, face aux immenses attentes des plus démunis risquent d'avoir de graves conséquences.Le danger est tangible, la colère de toute une jeunesse confrontée au chômage et à la misère en est l'illustration. Avec la menace terroriste qui a déjà, hélas, porté un lourd préjudice à l'économie du pays, il existe d'autres menaces non moins visibles. Qui ne sait, par exemple, que le nombre de femmes voilées est passé de 2% en 2011 à plus de 52% en 2015'C'est un indice de la dérive qui affecte la société tunisienne et va hypothéquer son devenir. Et que dire de l'essor de la contrebande et du commerce informel, ajoutés à un trafic d'armes, sur la frontière libyenne, des plus inquiétants au point de polluer le système fiscal et de gangrener l'économie. Ce sont là autant de dossiers que le gouvernement Essid va devoir prendre à bras-le-corps et, plus tôt il s'y attellera, mieux cela vaudra, dans une conjoncture lourde de bombes à retardement...


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