Au Caire, devant un auditoire choisi, le président américain, Barack
Hussein Obama, dans son adresse au monde musulman, a exercé ses talents de
séducteur et de brillant rhétoricien sans pour autant apporter quelque chose de
nouveau. Tout est en définitive dans le «ton».
A lire et entendre les réactions dans le monde arabe, un constat s'impose
: Barack Obama est crédité d'une sincérité et d'intentions louables sans que
cela n'atténue la profonde méfiance à l'égard de la politique des Etats-Unis.
Cela peut paraître paradoxal, mais il faut bien y voir le résultat d'une
accumulation de «savoir» sur la politique américaine au sein des opinions
arabes et musulmanes sur le modèle de fonctionnement du système américain. La
relative bonne image de Barack Obama ne déteindra sur les Etats-Unis que s'il
apporte la preuve en acte qu'il est en mesure de faire bouger les choses et
d'aller au-delà des invariants d'une politique totalement pro-israélienne. Même
s'il a dit des choses importantes, le président américain s'est livré à
l'exercice factice de la symétrie des concessions que doivent faire les parties
concernées par le conflit du Proche-Orient. Or, la symétrie est la seule chose
qui n'existe pas entre Israël et les Palestiniens. Comment pouvoir affirmer que
face à une situation coloniale vécue par les Palestiniens «la résistance par la
violence et la mort est erronée et ne peut l'emporter».
Situation «intolérable» des Palestiniens
A cette aune, le colonialisme aurait eu la vie longue et l'indépendance
américaine aurait attendu longtemps. Et surtout comment être pacifiste quand M.
Obama reconnaît lui-même que la «situation pour le peuple palestinien est
intolérable». Le discours symétrique est faussé. Le président américain est
trop intelligent pour ne pas le savoir. La question est de savoir s'il y a
recours pour admettre les «limites» de sa propre capacité de rééquilibrer la
politique étasunienne ou s'il s'adresse à Israël pour lui signifier que le
moment est venu de changer la donne. Il faut néanmoins reconnaître à Obama de
rompre, au plan du discours, avec les platitudes guerrières de son
prédécesseur. Ses propos sur l'impératif des deux Etats et son refus des
colonies tranchent, en effet, avec l'attitude habituelle des Américains. Il
suffit de se souvenir du discours haineux de Bush à la Knesset pour mesurer
l'évolution. Les propos d'Obama sur les colonies paraissent encore généraux,
mais comment ne pas les opposer à l'affirmation de Bush décrétant que les
Palestiniens devraient tenir compte des «réalités du terrain». Si l'équipe de
Bush avait choisi de ne parler qu'avec ses «amis» au Proche-Orient et de vouer
aux gémonies les autres, ceux de l'axe du mal, Barack Obama a une approche plus
pragmatique. Quand il parle du Hamas, ce n'est pas pour le traiter de mouvement
terroriste mais pour lui rappeler que le soutien qui lui est apporté par une
partie des Palestiniens impose qu'il «assume ses responsabilités» et «joue un
rôle dans la réalisation des aspirations palestiniennes». Le constat de
divergences avec le Hamas est fait sans acrimonie et laisse ouverte la
possibilité qu'il soit un interlocuteur.
Jeu de séduction
Tout le jeu de séduction mené par Barack Obama a consisté en fait à
s'adresser aux acteurs «indésirables» mais socialement présents, que la
précédente administration ignorait et combattait : le Hamas, l'Iran, la
Syrie... Le discours d'Obama n'annonce pas des mesures mais il crée des
attentes. S'il ne lève pas les méfiances et les haines suscitées par l'ère
Bush, il prend option pour une relation moins crispée, pour un «nouveau
départ». «Aucun discours ne peut éliminer des années de méfiance», mais «tant
que nos relations seront définies par nos différences, cela renforcera ceux qui
sèment la haine plutôt que la paix, ceux qui font la promotion du conflit
plutôt que de la coopération». Sa manière de parler des Palestiniens est très
différente de ses prédécesseurs. Il reconnaît leurs «souffrances» qui durent
depuis plus de 60 ans et les «humiliations quotidiennes» qui accompagnent
l'occupation. Mais d'un autre côté, il semble exiger des Etats arabes d'aller
plus loin que le plan de paix qu'ils ont proposé. Que peuvent-ils offrir de
plus même si Obama n'a pas tort - et les Etats-Unis y sont pour beaucoup - de
souligner que beaucoup de responsables arabes ont instrumentalisé la cause
palestinienne pour leurs propres intérêts. Fait remarquable dans ce discours,
Obama a reconnu que son pays a joué un rôle dans la chute du gouvernement de
Mossadegh en 1953 qui avait été renversé par un coup d'Etat fomenté par la CIA.
Il se dit prêt à un dialogue sans conditions préalables sur le nucléaire tout
en admettant que l'Iran a «le droit, comme toutes les autres nations, d'accéder
à l'énergie nucléaire», à condition qu'il «respecte ses obligations concernant
le traité de non-prolifération (TNP)». Il estime, dans une formulation qui
semble menaçante, que sur le dossier nucléaire «nous sommes arrivés à un point
décisif».
Suppôt d'Al Qaeda
Globalement, Barack Obama, au risque de se faire fustiger par les
néoconservateurs et les ultra-sionistes, a réussi son coup de marketing dans une
région où l'appréciation positive à son égard ne s'étend pas aux Etats-Unis. Il
est difficile d'attendre davantage d'un discours qui a été calculé au
millimètre près. Il y a eu un beau discours, quelques avancées rhétoriques. Se
traduiront-elles par du concret ? C'est toute la question et c'est toute la
raison qui fait que les opinions arabes peuvent apprécier Obama tout en restant
plus que méfiants à l'égard des Etats-Unis. Et pour cause, aux Etats-Unis,
certains à droite n'hésitent déjà pas à présenter Obama comme un suppôt
d'Al-Qaeda.
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Posté Le : 06/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com