Dans la vitrine d'une minuscule échoppe s'empilent des fragments de poupées anciennes. Vision d'horreur ou beauté surannée, les passants s'arrêtent bouche bée devant l'intrigante boutique de restauration de la famille Squatriti, en plein c?ur de Rome. Federico et sa mère octogénaire Gelsomina réparent des objets de porcelaine ou de nacre, de papier mâché ou de cire. Autour d'eux, marionnettes et petits soldats de plomb, idoles mexicaines et faïence centenaire s'empilent jusqu'au plafond. « Nous réparons à la fois des objets d'une valeur inestimable et des petits objets de rien du tout, qui n'ont qu'une valeur affective », explique Federico, en s'attaquant à un vase brisé en provenance d'une grande collection privée après avoir recollé une bougie parfumée. Mais les objets phare sont les poupées anciennes, une niche pour la restauration depuis qu'elles sont devenues des objets de collection. Certaines datent du XIXe siècle. Pourtant, « en Italie, la tradition des poupées est moins forte qu'en France ou en Allemagne, parce qu'ici on jouait dehors plutôt qu'à la poupée à la maison », estime Gelsy. « Les poupées, c'est tout un univers. Les yeux fixes ou mobiles, en verre ou en plastique. Le corps en porcelaine ou en papier mâché. Et il y a une grande variété de mains ! Des poignets et des doigts différents », détaille-t-elle. Selon les Squadriti, il n'y a qu'une poignée de restaurateurs comme eux en Italie. Et les clients viennent de tous le pays, parfois même de plus loin, de Londres ou d'Afrique. « Récemment, une cliente nous a envoyé une poupée brisée de Sardaigne, accompagnée d'une photo d'elle avec son jouet en 1932 », s'amuse Federico. Acteurs de théâtre napolitains poussés à la reconversion par la misère de l'après-guerre, les Squatriti ont ouvert leur boutique en 1953. Depuis, l'atelier est resté figé dans le temps, s'emplissant au fur et à mesure des objets oubliés par les clients. « Certains matériaux - colles, couleurs - n'existent plus, alors on les invente. On utilise à la fois des clous d'époque, des terres naturelles... et des matériaux modernes et résistants », explique Federico.Défier le temps« Aujourd'hui, si on casse une petite tasse, on va avoir le réflexe de la jeter et d'en racheter une nouvelle. Ou de tout acheter chez Ikea, sans penser à réparer les meubles de ses parents », regrette Federico. « Une boutique comme la nôtre, cela n'est possible qu'à Rome. Les Romains conservent leurs affaires, les réparent. Il y a une culture de la conservation », estime-t-il. Il arrive cependant que certaines poupées soient irréparables. Elles viennent alors peupler la vitrine, les étagères et la cave que les restaurateurs ont baptisée « les limbes ». Gelsy et son mari ont appris le métier auprès des parents de ce dernier, et ont ensuite formé Federico. « C'était un autre rythme. J'ai passé sept ans à nettoyer des spatules avant que mon père me laisse coller un premier morceau », raconte-t-il. Dans leur petite boutique, mère et fils ont vu passer des princesses, des intellectuels, des acteurs de cinéma. Certains sont devenus des amis. « La mère d'un magistrat nous apporte régulièrement des aubergines grillées », confie Gelsy. « Et une comtesse vient de nous envoyer de l'huile d'olive de ses terres pour nous remercier ». « Un neurochirugien qui me complimente pour mon travail, un ministre qui nous salue avec déférence », autant de souvenirs qui font la fierté de ces artisans d'un autre temps
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Posté Le : 07/09/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Horizons
Source : www.horizons-dz.com