Les Occidentaux qui ont fait la
guerre à Kadhafi au nom de l'humanité vont chercher à prendre des dividendes
fossiles auprès d'un nouveau pouvoir à la configuration informe entre islamisme
et fédération de tribus. Alger qui a choisi une position statique et n'a pas
investi doit s'attendre à des relations orageuses avec les nouveaux dirigeants
de la Libye.
Le roi des rois a bien perdu son trône. Il l'avait perdu irrémédiablement
le jour où il a fait un discours rageur appelant à traquer ceux qui se sont
rebellés contre lui «zengua zengua»…
En validant l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne, le Conseil de
sécurité avait scellé le sort du régime. Ce n'était, au vu de la disproportion
des moyens, qu'une question de temps. Kadhafi qui a passé ses quarante ans de
pouvoir, délirant, à se protéger n'a pas compris le grand signal que
constituait le non recours au veto de la part de la Russie et de la Chine. Il a tenu six
mois. On ne sera pas surpris d'apprendre - plus tard - que l'accélération de la
donne sur le terrain a été non seulement le fruit d'une intensification des
frappes aériennes de l'Otan mais également d'un engagement au sol des forces spéciales
occidentales. Cette intervention au sol aurait eu lieu à partir du 14 août
dernier entraînant un changement qualitatif sur le terrain. Les choses sont
devenues irréversibles à partir du 17 août. Mais ce n'est qu'un aspect
historique anecdotique. Les puissances occidentales engagées dans la guerre
contre Kadhafi ne pouvaient lui permettre de tenir et ne lui offraient pas de
porte de sortie que celle de quitter le pouvoir. C'est désormais fait.
Retour sur investissement pour les Occidentaux
Il faut d'emblée noter que les puissances occidentales engagées dans la
guerre vont peser sur le futur de la Libye. Il faudra sans doute surveiller la manière
dont le retour sur investissement va se faire. Et dans la Libye, cela ne peut se faire
que dans le secteur des hydrocarbures. Les actions des compagnies pétrolières
britanniques et françaises ont pris des couleurs à la Bourse après la chute de
Tripoli. C'est dire que les «marchés» savent que des
dividendes vont être pris. Cela ne prend pas nécessairement l'apparence de
grands contrats - encore qu'il y a des affaires à prendre pour reconstruire des
infrastructures - mais le «nouveau» régime pourrait libéraliser davantage le
cadre juridique en faveur des entreprises occidentales. Dans ce cadre la France et la Grande- Bretagne -
et bien entendu les Etats-Unis - qui ont couvé le Conseil national de
transition ont de bonnes chances d'être les premiers et les mieux servis. Cela
est de l'ordre du prévisible. Ce qui l'est moins est la configuration du
prochain régime. On sait que la rébellion est composée - c'est l'aspect le plus
visible - de gens du régime qui ont quitté le navire Kadhafi après la rébellion
de Benghazi et la condamnation mondiale des vitupérations vengeresses de
Kadhafi. L'aspect le moins visible est la présence très forte des islamistes
qui sont les opposants historiques du régime. Si les deux parties paraissent
s'entendre sur le but évident de bouter dehors Kadhafi et sa progéniture, rien
n'indique que cette entente est durable. L'assassinat du général Abdelfatah Younès dans des
conditions toujours non élucidées serait, selon une version, une exécution
menée par des islamistes contre un homme qui les a durement réprimés quand il
officiait sous Kadhafi.
Le poids pour les islamistes
Dans un pays où les partis politiques ont été considérés comme un «fléau»,
il n'est pas sûr que les hommes du régime passés à Tripoli et mis en avant
parce qu'ils parlent «bien l'anglais» feront le poids électoralement face aux
islamistes. Ces derniers, très présents sur le terrain des combats, partent
sans le défaut d'avoir été les servants de Kadhafi. La seule réponse évidente -
et pas forcément efficace - aux islamistes serait de jouer sur la fibre tribale.
C'est d'ailleurs une donnée lourde avec laquelle il faudra compter et qui
pourrait être, en fonction des distributions de pouvoir et de rentes, une
source d'instabilité. Il n'est pas fortuit que l'Otan ait rappelé, hier, qu'elle
allait continuer à appliquer sa mission de «protéger les civils». Le nouveau
régime sera placé sous surveillance occidentale… et la mise en avant d'un
«risque islamiste» pourrait servir d'argument supplémentaire pour justifier, éventuellement,
une présence physique. Le discours sur la menace d'AQMI
formulé par les officiels algériens et non entendu jusque-là, pourrait
soudainement être entendu et servir d'argument. Il est clair que la
«transition» ne sera pas de tout repos dans la Libye débarrassée de Kadhafi. Et on peut
s'attendre à ce que les relations de l'Algérie avec les nouveaux dirigeants
libyens ne le soit pas non plus.
Des relations fraîches avec Alger
Alger, au nom de la non-ingérence, n'a eu aucun rôle actif dans la crise
libyenne. On ne peut pas dire que l'action dans le cadre de l'Union africaine
ait eu une quelconque incidence. Le gouvernement algérien, sans cesse accusé de
soutenir Kadhafi, s'en est tenu à une application des décisions de l'Onu et à
des mesures de sécurisation de la frontière avec la Libye (982 km !). Aujourd'hui, qu'il
le veuille ou non, le gouvernement algérien paraît avoir tablé - ce qui était
pour le moins étonnant quand des forces aussi disproportionnées sont engagées
avec le label onusien - sur une tenue du régime de Kadhafi. Il est hautement
probable que les relations avec le nouveau régime seront dans le meilleur des
cas des plus «fraîches» pour ne pas dire tendues. Sonatrach
qui a quelques intérêts en Libye pourrait en subir les contrecoups. Mais il est
vrai également qu'une frontière de près de 1000 km impose du réalisme
à toutes les parties. Pour l'instant, l'Algérie, à défaut d'un «investissement»
politique précoce dans la crise libyenne en faveur de la population, est
contrainte à observer et à… surveiller ses frontières. C'est d'ailleurs la
seule chose qu'elle faisait d'ailleurs ces derniers mois. La non-ingérence
était-elle de mise en Libye qui sur 982 km est une affaire intérieure algérienne.
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Posté Le : 23/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com