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Derrière le miroir



Derrière le miroir
Brillant, cultivé, talentueux et touche-à-tout un créateur exceptionnel...C'est une traversée dans le Cabinet intime, artistique et littéraire de Jean Cocteau (1889/1963), celui qui fut l'une des figures majeures du XXe siècle, que nous propose le Musée des Lettres et Manuscrits de Paris* jusqu'au 23 février 2014. Et ce, dans le cadre d'une exposition montée à l'occasion du cinquantenaire de sa disparition en 1963, à l'âge de soixante-quatorze ans, dans sa maison de Milly-La-Forêt.Tel un miroir, le corpus exposé renvoie l'image d'un homme qui avait du talent et le don de l'originalité. «Brillant», «cultivé», «intelligent», «sensible», «touche-à-tout», celui qui a «provoqué des scandales», «soulevé l'indignation» et exploré et initié de nouveaux horizons, aussi bien sur le plan littéraire qu'artistique, était un personnage aux talents multiples.La dimension protéiforme de son ?uvre considérée comme «un objet difficile à ramasser» transparaît clairement à travers l'extrait qui suit : «Pourquoi faites-vous des pièces ' me demande le romancier. Pourquoi faites-vous des romans ' me demande le dramaturge. Pourquoi faites-vous des films ' me demande le poète. Pourquoi dessinez-vous ' me demande le critique. Pourquoi écrivez-vous ' me demande le dessinateur. Sans doute pour que ma graine vole un peu partout».Intitulée «Jean Cocteau le magnifique. Les miroirs d'un poète», l'exposition couvre une grande partie des champs où Jean Cocteau a donné libre cours à son imagination, à son talent et son génie. Celle-ci est structurée en cinq parties qui retracent de manière chronologique la trajectoire littéraire et artistique de ce personnage hors du commun qui a fréquenté les salons littéraires de la Belle Epoque et pour lequel tout est poésie : poésie de dessin, poésie de théâtre, poésie de cinématographe...Dans cet espace très intimiste qui sert de salle à des expositions temporaires, les sections proposent au regard un ensemble de documents rassemblant plus de cent cinquante manuscrits, de lettres autographes envoyées à des artistes, à son ami Jean Marais, de photographies de Jean Cocteau et d'ami-e-s, de dessins, d'autoportraits, d'éditions originales, d'affiches de films, d'ouvrages illustrés. L'originalité de ces documents réside dans leur caractère essentiellement inédit.De section en section, le public découvre l'homme et l'artiste dans son intimité personnelle, littéraire et artistique. Il prend ainsi connaissance de la trajectoire de Jean Cocteau qui s'articule autour de deux objets qui occupent une place prépondérante dans son ?uvre : l'étoile en tant qu'objet graphique et le miroir, «objet phare de la mythologie personnelle» de l'auteur-artiste, selon Gérard Lhéritier, président du Musée des Lettres et Manuscrits et président de la société Aristophil. «Les miroirs, écrivait Jean Cocteau, sont ces portes par lesquelles entre la mort. Regardez-vous toute votre vie dans un miroir et vous verrez la mort travailler sur vous».Parmi les documents exposés figurent le manuscrit du scénario du film La Belle et la Bête (1946), classé Trésor national ; les manuscrits autographes du journal du film et du script (signé mais non daté) ainsi que des photographies prises lors du tournage ; le manuscrit autographe du poème L'ange Heurtebise, écrit sous l'effet de l'opium et publié par Stock en 1925 ; un dessin réalisé pour une affiche d'intérieur pour la sortie du livre La Machine infernale (Edition Grasset, 1934) ; le manuscrit du premier livre de Jean Cocteau, La lampe d'Aladin ; un de ses trente-neuf dessins originaux pour son ouvrage Opium. Journal d'une désintoxication ; un manuscrit autographe complet de la pièce Les Parents terribles (1938) ; Le mystère de Jean l'Oiseleur (1924), une ?uvre poétique, écrite aussi sous l'effet de l'opium et agrémentée de dessins constituant un ensemble de trente-et-un autoportraits, dont quatorze en couleurs.Dans quelles circonstances «Le mystère de Jean L'oiseleur a-t-il été produit ' Après la mort de son ami Raymond Radiguet (1903-1923), auteur du célèbre roman Le Diable au corps, son compagnon décédé des suites d'une fièvre typhoïde, Cocteau sombre dans la tristesse et le désespoir. Il se réfugie dans une chambre de l'hôtel Welcome à Villefranche-Sur-Mer, près de Nice. Assis à sa table, devant une armoire à glace, il contemple son visage. Il se regarde attentivement. Il scrute ses traits minutieusement. Il se parle. Il monologue tout en dessinant ce qui se présente sous ses yeux, gravant sur le papier les réflexions suscitées par le reflet de son image dans le miroir.La série d'autoportraits et de textes produits durant cette période mettent sous notre regard des expressions de son visage, des textes qui reflètent ses états d'âme, des mots d'une profondeur qui nous touche et nous émeut. Dans ce contexte de profond désespoir et d'introspection, la feuille devient un espace d'expression et d'extériorisation où il dépose, en mots et en images, ses pensées, ses peines, ses souffrances, ses hallucinations. Le langage poétique et iconographique de cette ?uvre nous parle de l'intérieur. C'est également l'occasion pour Jean Cocteau d'évoquer des noms de personnes qui ont marqué sa vie, comme Raymond Radiguet.Une bonne partie de l'exposition est consacrée à la relation que Jean Cocteau a entretenue avec Jean Marais qu'il auditionna pour sa pièce ?dipe-Roi en 1937. Fasciné par la beauté de ce personnage, il l'engage immédiatement pour jouer. Eperdument amoureux, JeanCocteau va lui écrire une série de lettres enflammées à travers lesquelles il exprimera son profond attachement à son amant qu'il surnommait tendrement «mon Jeannot». Dans les premières correspondances, Jean Cocteau écrit : «Je sais maintenant le mal dont je souffre et que je traîne : c'est toi. C'est vivre sans toi. Je te cherche partout comme un pauvre chien aveugle et je me couche pour une minute (...). Comment te remercier de ce miracle. De cette étoile sous laquelle tu marches et qui est une vraie étoile à côté de mon étoile écrite».A travers cette exposition, un hommage est également rendu à Edith Piaf pour qui Jean Cocteau avait une grande admiration et lui a écrit une pièce intitulée Le Bel indifférent. Ce monologue met en scène une femme éprise d'amour, qui pleure de jalousie et de désespoir pour un homme qui, indifférent à la passion de cette dernière, la délaisse pour d'autres femmes. La relation entre Edith Piaf et Jean Cocteau est illustrée par un certain nombre de documents écrits et iconographiques tels que la lettre écrite le jour de la mort de Marcel Cerdan (ndlr : champion de boxe né en 1916 à Sidi Bel Abbès et mort en 1949 dans un accident d'avion au dessus des Açores), le manuscrit du monologue, Le Fantôme de Marseille, que Jean Cocteau a également écrit pour elle, les photographies prises lors des répétitions du Bel indifférent. Jean Cocteau mourut quelques heures après Edith Piaf.Jean Cocteau a contribué au renouvellement du genre théâtral en développant un théâtre moderne. Il a puisé dans la tradition des grands mythes de l'Antiquité et de la tragédie grecque. Son but ' «Retendre la peau des mythes» de manière à leur redonner une dimension contemporaine.En 1955, Jean Cocteau a été élu membre de l'Académie française et de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Il fut commandeur de la Légion d'honneur, membre de l'Académie Mallarmé, de l'Académie américaine et allemande. Il a été également président d'honneur du Festival de Cannes, de l'Académie du jazz et de l'Académie du Disque.Son ?uvre transdisciplinaire est un long Poème qui met en scène l'Art d'un manouvrier des mots et de l'image et qui était incontestablement un avant-gardiste et un visionnaire d'une grande lucidité d'esprit.*Le Musée des Lettres et Manuscrits de Paris est un musée privé situé au 222, Bd. Saint-Germain (7e).




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