A une dizaine de jours des élections pour le renouvellement de l'Assemblée populaire nationale, les Algériens donnent l'impression d'avoir la tête ailleurs. Alors que les partis politiques, partie prenante dans la compétition, s'échinent pathétiquement à conjurer le signe indien, celui de l'abstention, il y a dans le même temps comme un réveil concomitant d'un paquet de contestations sociales qu'on eût dit rallumées par une main invisible. En d'autres temps, d'aucuns auraient tout de suite désigné du doigt une invisible réaction interne ou encore un néo-colonialisme de retour comme l'auteur identifié d'un sabotage programmé de nos élections législatives. Dieu merci, aussi bien du côté des autorités que des partis politiques, personne n'a osé franchir le pas d'une dérision qui aurait achevé de décrédibiliser un scrutin au résultat plus qu'improbable. Mais ce n'est pas parce qu'on n'en est pas là qu'il faudra continuer à fermer les yeux sur l'émergence d'un phénomène qui empoisonne sérieusement le quotidien des Algériens, depuis quelques années. L'entrée en grève illimitée, hier, d'une partie des travailleurs de l'Education nationale, après une série d'arrêts de travail qui ont jalonné l'année scolaire depuis la rentrée, est une illustration forte de l'émergence de ce phénomène. Le corporatisme socioprofessionnel, il faudra désormais compter avec. Et ses dégâts -tous les parents d'élèves le savent- sont palpables, vérifiables et mesurables. Gardons-nous, toutefois, de jeter la pierre sur les seuls grévistes, car quand des secteurs entiers de la Fonction publique ou parapublique s'installent dans un cycle durable de grèves ou menaces de grève à répétition, c'est que, quelque part, les réponses aux revendications brandies n'ont pas été apportées. Légitimes et raisonnables, elles doivent être satisfaites. Dans le cas contraire, la responsabilité et le devoir des pouvoirs publics sont de préserver la continuité du service public, de se substituer aux usagers pour la défense de leur intérêt et de garantir pour les millions d'écoliers, collégiens et lycéens une poursuite des cours dans des conditions plus ou moins normales. Au lieu de quoi, la fuite des responsabilités et le pourrissement des situations installent à leur tour un statu quo dont la victime n'est ni l'une ni l'autre des parties en conflit. Tant et si bien qu'il n'est pas du tout exagéré de dire, aujourd'hui, que l'école algérienne est réellement la victime d'une prise d'otage qui aggrave l'érosion continue du niveau de l'enseignement qu'elle dispense.Le gouvernement a-t-il pris toute la mesure de la gravité des conséquences de l'action revendicative telle qu'elle est en train de s'exprimer dans des secteurs vitaux placés directement sous sa tutelle ' Entre le populisme laxiste et ruineux pour les finances publiques, d'une part, et le refus autoritariste, d'autre part, sa réponse aux demandes des grévistes est nécessairement entre les deux et doit prendre à témoin ses administrés par une transparence totale sur tous les points de litiges, y compris les salaires et les augmentations demandées. On demande toujours à voir. Il ne se passe pas un jour, pratiquement, sans qu'un titre ou un entrefilet dans les colonnes de la presse n'annonce une grève, une menace de grève, un débrayage sauvage, un sit-in de mécontents, une occupation de lieux de travail' Pour des raisons, d'ailleurs, que les citoyens, blasés, ne cherchent même plus à savoir. La semaine dernière encore, alors que le syndicat des médecins spécialistes agitait pour la énième fois la sempiternelle même menace de grève, le personnel navigant commercial d'Air Algérie, tel un commando déterminé, bloquait tous les vols plusieurs heures durant en une action quasi-simultanée avec une marche des greffiers empêchés de se rassembler aux abords de la Présidence de la République. Et dire que l'année dernière, déjà, ces chevilles ouvrières des tribunaux avaient paralysé le fonctionnement des instances judiciaires pendant une bonne dizaine de jours et qu'on avait cru leurs doléances satisfaites.L'approche des élections législatives ne réglant rien, car s'insérant et inséré parfaitement dans le timing choisi pour les actions revendicatives, le champ social se trouve bel et bien menacé par une dérive corporatiste que les autorités semblent prendre à la légère. Par-delà les aspects syndicaux de la question, dans la tradition ou dénaturés, comment ne pas y voir les effets pourtant attendus d'une politique salariale à la hussarde ' Si la paix sociale n'a pas de prix, elle a un coût et ce sont les enfants scolarisés et les usagers des services à vocation de service public qui sont en train de le payer. En desserrant brutalement les cordons de la bourse des deniers publics, accordant des augmentations à tout-va et inconsidérées avec à la clé des rappels parfois faramineux, le gouvernement a déclenché le starter pour une course à l'échalote salariale qui ne s'arrêtera pas de sitôt.
A. S.
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Posté Le : 29/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : A Samil
Source : www.latribune-online.com