Algérie

«Der krieg» ou la guerre en gravures



«Dans l'après-Première Guerre mondiale émerge en Allemagne le mouvement pictural dit de la « Nouvelle objectivité ». Empreintes de réalisme, les ?uvres de George Grosz, Otto Dix ou Max Beckmann portent un regard corrosif sur la société de leur époque.George Grosz, Otto Dix, Max Beckmann : trois artistes, trois personnalités bien distinctes. Mais un ancrage commun dans un pays et une époque, l'Allemagne de la République de Weimar (1918-1933), dont ils sont probablement aujourd'hui les trois peintres les plus connus d'Allemagne. Ils sont tous trois, membres d'un même mouvement, la «Neue Sachlichkeit » ou la « Nouvelle Objectivité », tous trois furent profondément marqués par la guerre, qu'ils vécurent en tant que soldats. Etant artistes, ils n'auront alors de cesse de dénoncer les affres de cette guerre maudite, en intégrant les accès esthétiques fulgurants de ce que l'on appelle aussi la figuration critique. Les trois useront de la diglossie du titre et de la figure pour produire un rendu formel fait des plus belles outrances. L'une de ces « outrances » justement nous fait apprécier depuis le 23 mars 2019, au Mama, une très belle exposition de gravures et de lithographies qui nous montre l'étendue et la force pertinente d'un artiste plasticien formidable dans sa façon de faire, et formidable dans sa façon de dire. Otto Dix sur quelques 70 planches originales numérotées pour la plupart sur un début de série (à peu près vingt sur les soixante-dix tirages) ce qui en fait une exposition extraordinaire par sa qualité et la richesse de ses expressions. Il faut dire que dans cette série de travaux exposés, il y'a diverses techniques comme les eaux fortes, les travaux à la pointe sèche et la lithographie. On doit savoir que, par exemple, pour la pointe sèche, l'âpreté du support et le travail entrepris marquent la dureté du sujet qui lui-même reste très dur à dessiner. La même chose est relatée sur les eaux fortes qui, de par leur noir profond, donnent aux traits forts de ces travaux toute leur dimension dramatique, tout cela est aussi enrichi par les lithographies en couleur qui donnent le ton d'une critique acerbe de la part d'Otto Dix concernant les thématiques de tous les personnages et pans de la société interlope que le plasticien critiquera dans ses travaux d'une force et d'une rare pertinence. Otto Dix représentera une bourgeoisie inscrite dans le « ploutocratie », grimaçant son argent dans des postures clownesques, ubuesques traduisant de la fatuité des personnages et de leur indigence intellectuelle entre prostitution grossière et étalage de richesses indécents. L'expérience de cette première guerre mondiale a hanté Otto Dix pendant de longues années, il en fera la représentation dans un travail systémique sur plus de 600 pistes dessinées et gravées, cela entre 1915 et 1918 sur des expériences de guerre dans toute son horreur sur les fronts de Belgique, de France et de Russie. Ces réalisations se verront «éditées», donc tirées et produites sur des séries de quelques 70 exemplaires de chaque par le galeriste Karl Nierendorf sur la thématique « Der Krieg » (La guerre). Otto Dix y représente comme nous l'avons cité plus haut une violente diatribe contre la guerre et ses effets, mais aussi une rétrospective élargie des effets de cette guerre, de ses traumas, conséquences sociales et son impact sur la société de l'époque par l'entremise d'une représentation graphique des marginaux de tous bords dans le cadre de ce qui était appelé « Kritische grafik ». Ce qui vaudra pour le peintre en 1933 avec l'arrivée des nazis une exclusion de fait de son travail de professorat et aussi une interdiction formelle d'exposer. Il continuera malgré tout de réaliser avec notamment avec Georg Grosz et Max Beckman des travaux qui seront d'une rare fulgurance et qui ne manqueront pas de les installer dans une grande notoriété par leur caractère thématique assez expressionniste dans les formes mais qui répondait aux impératifs d'une critique lancinante de la société de l'époque. Cette série que nous avons sous les yeux, aujourd'hui, est une formidable étape issue d'une longue série de travaux d'Otto Dix. Elle a été proposée au Mama par la république fédérale d'Allemagne, en compagnie du ministère algérien de la culture, du Goethe Institut et de l'Institut für Auslandsberziehungen allemand, on notera qu'il s'agit d'une très rare approche de l'?uvre d'Otto Dix qui, de par son caractère quasi documentaire interpellant la vie et la mort dans une danse aussi ironique que macabre entre Eros et Thanatos, nous met en face d'une esthétique féroce, ironique, acide, sarcastique qui nous met encore en face de nos contradictions historiques avec de nombreux pieds de nez, de traits qui, par leur caricature insolente, nous traduisent le ridicule des guerres humaines. Le peintre garde intact donc sa force d'évocation surtout par les techniques redoutables entreprises qui restent paradoxalement au service d'idées humanistes qui dénoncent en fait les affres de la toute puissance voulues par des idées dictatoriales. Otto Dix revenu bien-sûr en grâce après la période nazie, vivra de sa belle vie avant de décéder de sa belle mort en 1969 à Singen, dans le bourg de Hohentwiel. L'exposition est à visiter de toute urgence, elle est une séquence d'histoire de l'art primordiale pour notre culture à tous. Jaoudet Gassouma Exposition de gravures des années 1920, du peintre allemand Otto Dix du 23 mars au 30 avril 2019, au MAMA, 25 rue Larbi Ben M'hidi, 16002, Alger, entrée : 200 Da. Ouvert de 10h00 à 18h00.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)