Algérie

Déperdition


Il est devenu malaisé pour la ménagère de dénicher quelque artisan qui fait partie de ce qu'on appelle la corporation des petits métiers, dont le service était, à une certaine époque, louable. Mais autres temps, autres m'urs ! Ma voisine de palier ronge son frein, à l'approche du mois sacré qu'elle prépare, comme chaque année à passer, dans des conditions « clean ». Les motifs sont nombreux, me dit-elle. Elle trouve des difficultés à faire appel au plombier du Clos-Salembier qui, autrefois, volait à son secours. Elle a du mal aussi à s'attacher les services d'un électricien pour lui refaire l'installation. Elle rencontre moult arias pour croiser un maçon qualifié pour lui réparer le muret en brique de son balcon fissuré. Elle supplie le menuisier de se déplacer pour lui aménager un placard dans le vestibule. Elle attend toujours le serrurier qui trouve un malin plaisir à lui faire faire le pied de grue, non sans avoir pris le soin de prendre la clé des champs après lui avoir soutiré des arrhes. Elle prend son mal en patience devant le plâtrier qui la tourne en bourrique avant de daigner s'engager à reprendre les travaux de crépissage des murs extérieurs de sa maison. Elle téléphone au technicien en froid qui repousse sine die la date duu rendez-vous pour lui réparer le congélateur. Elle prie le jeune matelassier du coin qui refuse de grimper plus de trois étages arguant qu'il a le vertige. Les ateliers spécialisés dans ce genre de petits métiers courent de moins en moins les rues. Solliciter le savoir-faire de cette corporation pour des besoins domestiques qui urgent sans avoir à piquer une colère relève de la gageure. « Il faut faire le parcours du combattant pour dénicher l'oiseau rare, honnête, efficace et qui fait moins dans la bricole », grommèle ma voisine sur un ton dépité. La « pôvre » septuagénaire, elle doit en baver et doit faire des pieds et des mains pour « accrocher » un ouvrier spécialisé et le voir poindre au seuil de sa maison pour de menus travaux de réparation. A croire que les centres de formation n'accordent plus de crédit à ces métiers et nos mairies voient de moins en moins utiles d'ouvrir des centres d'apprentissage, comme jadis. Les échoppes artisanales de ce corps de métiers ont cédé le pas, sommes-nous tenus de dire, à des affaires plus juteuses et moins rebutantes, qui collent à l'air du temps. Une raison sociale dominée par une activité plus rémunératrice tels les « quatre-saisons » avec leur lot de cas d'intoxication, les magasins de ballots de fripe, les agences immobilières, les cyber ou encore la dernière trouvaille, celle qui verse dans le négoce des essences des extraits de parfum dont les labels de fragrance viciés importés sont déclinés au chaland.
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