Algérie

Dépassionner les relations entre l'Algérie et la France



L'objet de cette analyse est de dépassionner les relations entre la France et l'Algérie, étant convaincu que notre destin est commun pour un avenir solidaire au sein du bassin méditerranéen. Espérons que la prochaine visite du Président Nicolas Sarkosy en Algérie, lors de sa tournée maghrébine, pourra renforcer les liens d'amitié entre la France et l'Algérie et contribuer à impulser un nouvel élan dans la coopération entre nos deux pays. Ce d'autant plus que la France représente un acteur important au niveau européen et influence bon nombre de décisions concernant le sud de la Méditerranée. L'accord de l'Algérie pour une zone de libre-échange avec l'Europe entre dans ce cadre, en précisant que l'Europe entend s'étendre sur son flanc Est mais également Sud face au poids de l'APEC (Asie) et de la NAFTA (Amérique) et qu'elle constitue un des espaces les plus riches du monde. Les objectifs de coopération de la France et de l'Algérie sont ancrés dans le processus de Barcelone, une politique de proximité qui reflète l'importance économique, politique et stratégique de la région méditerranéenne pour l'Union européenne et explique l'initiative du Président Sarkosy. Cela a été formalisé dans la stratégie commune adoptée par le Conseil européen de Feira en juin 2000 qui insiste sur:  a- la création d'une zone de paix et de stabilité basée sur des principes fondamentaux, incluant le respect des droits de l'homme et la démocratie; b- la création d'une zone de prospérité par le biais d'un développement économique et social durable, et plus particulièrement l'établissement progressif du libre-échange entre l'UE et ses partenaires méditerranéens, et parmi les partenaires eux-mêmes, en vue de la création d'une zone euroméditerranéenne de libre-échange étendue d'ici 2010; c- enfin, l'amélioration de la compréhension mutuelle entre les peuples de la région et le développement d'une société civile active.  Le programme MEDA fournit l'aide financière nécessaire à la réalisation des objectifs des Accords d'association et du processus de Barcelone qui insiste sur l'urgence d'une intégration maghrébine dans le cadre de l'espace euroméditerranéen pour des entités économiques fiables.  Prenant en considération les domaines prioritaires identifiés par la politique de développement communautaire, les principaux documents de l'Union européenne relatifs à l'Algérie relèvent, pour l'essentiel, de trois grandes catégories: il s'agit notamment de la réforme de l'Etat, de la justice et de l'éducation.  La première réforme comprend l'adaptation, l'harmonisation de la législation, le renforcement de l'indépendance de la justice, la spécialisation des magistrats, en particulier dans les domaines économiques, la décentralisation de la gestion des juridictions et la réhabilitation du système pénitentiaire. La seconde réforme concerne l'administration publique et le renforcement des collectivités locales avec pour objectifs de rendre l'administration plus efficace et de la réhabiliter aux yeux des citoyens. La troisième réforme concerne le volet économique afin de sortir de la dépendance des hydrocarbures et d'améliorer le niveau de vie des populations, l'Accord d'association avec l'UE définissant les priorités suivantes pour l'Algérie:  a- la promotion de l'investissement et de l'environnement des entreprises qui doit être centrée autour des PME, considérées comme pourvoyeurs de croissance et d'emploi; b- la réforme du secteur public/privatisation; c- la réforme du secteur financier qui doit viser l'assainissement des banques, leur mise à niveau technique, la modernisation du système des paiements et l'amélioration de la supervision des banques avec une ouverture sélective des banques au capital privé; d- la libéralisation des infrastructures avec l'amendement des règles législatives pour permettre une gestion privée; e- la modernisation des finances publiques en vue de combattre la fraude et d'augmenter le rendement de la fiscalité ordinaire, l'administration fiscale devant être dotée d'un statut spécial, réorganisée et modernisée afin d'élargir la recette et permettre une meilleure efficacité des dépenses publiques; f- l'agriculture/sécurité alimentaire afin d'accroître le faible rendement des exploitations et de réduire la forte dépendance de l'Algérie vis-à-vis des importations, et ce par la clarification du statut foncier par un dispositif juridique sécurisant les exploitants; g- l'eau et l'environnement pour améliorer le service et réduire les gaspillages d'eau par un effort de mobilisation des ressources, y compris l'assainissement, et de remise à niveau des opérateurs du secteur avec la participation du privé à la gestion. Et enfin une politique écologique qui évite la dégradation importante tant des villes que des campagnes, devant revoir le mode architectural, avec des coûts indirects exorbitants.  Comme fondement du développement économique durable, le document de l'Union européenne table surtout sur le développement humain, dont justement la coopération devrait être renforcée, impliquant des actions vigoureuses dans des secteurs aussi divers, lorsqu'on sait que le classement 2007 des meilleures universités par l'Observatoire mondial des activités scientifiques et académiques de l'Institut de l'Université Jisao Tong de Shanghai (1 à 7.000) classe l'Algérie à la 6.995ème place sur les 7.000 dans le monde soit parmi les 5 derniers. En Afrique, nous sommes loin derrière la Tunisie et le Maroc, avec l'université de Tlemcen qui fait exception, arrivant à la 39ème place, Batna à la 48ème et l'université de Boumerdès 63ème; Annaba Alger, Sétif, Tizi-Ouzou, Constantine, Oran, pourtant supposées fleurons de nos universités, n'existant même pas. Cela explique en partie que, selon le rapport de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement de juin 2007, nous sommes classés, en termes d'efficacité économique, reflet de la mauvaise gouvernance, le dernier au Maghreb, impliquant derrière la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie, et de mettre fin aux discours démagogiques par l'amélioration du rendement du système (qualité de l'enseignement), le rapprochement de la formation professionnelle du monde du travail et donc d'établir un bilan, qui hélas ! est très mitigé, de la réforme de l'école du primaire au secondaire, l'Université n'étant que l'aboutissement (1).  Les nouvelles relations internationales ne se fondent plus sur des relations personnalisées entre Chefs d'Etats mais plutôt sur des réseaux et organisations décentralisés. Le couple MEDEF/parlementaires français nous paraît être le moyen idéal sur lequel s'appuyer pour développer un groupe de pression favorable à l'Algérie, impliquant de favoriser les organisations non gouvernementales crédibles, et ce pour toutes nos relations internationales avec d'autres pays, dont les relations économiques sont fortes, qui servirait de relais efficace à l'Etat, dans la mesure où l'Europe comme les USA sont dominés par les acteurs privés. L'action de ces ONG, composées d'intellectuels de renom, d'entrepreneurs, de parlementaires, de certains segments de la société civile acquis aux réformes, est de mettre en face de nos interlocuteurs une force vendant au sens positif du terme l'image de l'Algérie (nos ambassades ne remplissant malheureusement pas leurs missions, étant des guichets administratifs) et qui aura à charge d'appuyer et de conforter dans leurs démarches tous les investisseurs potentiels.  Le travail à réaliser serait d'organiser et de suivre avec le même soin que celui déployé par une entreprise privée et performante. Car il y a urgence pour la mise en place de lobbying, dans un monde où la concurrence internationale est rude, et ce afin que notre pays, sous réserve de l'accélération de la réforme globale esquissée précédemment, devienne attrayant pour les investisseurs en général (américains, arabes, asiatiques) et français en particulier, d'autant plus que notre pays possède plus d'avantages comparatifs que ses voisins mais qui ne sont pas exploités. C'est ainsi qu'il faut identifier les réseaux influents de nos partenaires.  C'est dans ce cadre que l'expérience française est utile à étudier à travers le fondement du triangle qui constitue le fondement du pouvoir en France. Le couple MEDEF/parlementaires français nous paraît être le moyen idéal sur lequel nous devons nous appuyer pour développer un groupe de pression favorable à l'Algérie et à ses intérêts. C'est à ce titre qu'il est utile de rappeler les fondements du triangle en France. Car les grandes décisions sont prises par les représentants de trois catégories ou trois « hiérarchies institutionnelles » composées des dirigeants politiques de premier plan, les grands intellectuels-fonctionnaires—entrepreneurs et les responsables du complexe militaro-industriel. Entre les membres de ces trois hiérarchies, ou des groupes qui les représentent, s'établit une très forte solidarité, de telle sorte que les dirigeants forment le « triangle du pouvoir ». Cette pratique du système militaro-politico-industriel français conduit à une interprétation de plus en plus marquée entre les parlementaires, les intellectuels/fonctionnaires et les représentants du monde économique.  Ces hommes de pouvoir se retrouvent souvent dans des cercles très fermés: au Siècle, à la Fondation Saint-Simon, à l'AFEP (Association française des entreprises privées) ou au MEDEF. Ainsi, le Siècle a été créé en 1944 par le journaliste Georges Bérard-Quelin. Il comprend plusieurs centaines de membres très influents. Le Siècle réalise sans aucun doute la plus fantastique concentration d'hommes de pouvoir en France, comprenant des hommes politiques, des hauts fonctionnaires, des banquiers et de grands entrepreneurs de différents horizons. Il faut dire que l'admission, très convoitée, est d'autant plus difficile que la rotation est très faible. Quant à la Fondation Saint-Simon, elle est à la fois plus intellectuelle et plus ambitieuse sur le plan politique. Le lieu de sa naissance n'est pas neutre: la fondation a vu le jour à l'automne 1982 dans les locaux de l'Ecole pratique des Hautes Etudes.  Les sensibilités y sont diverses. La plupart sont en même temps membres du Siècle. Il est même arrivé aux deux associations d'avoir un président commun. Enfin, l'AFEP n'a pas les mêmes ambitions intellectuelles que la Fondation Saint-Simon. Elle a été créée en 1982 par Ambroise Roux pour défendre, aux côtés du patronat français, les grandes entreprises contre l'empiétement de l'Etat. L'AFEP regroupe aujourd'hui les plus grandes sociétés. Ces dernières sont représentées au plus haut niveau, c'est-à-dire par leur président ou directeur général. Par un habile travail de relations publiques, ses membres influencent toute politique gouvernementale, qu'elle soit de droite ou de gauche.  Quant au MEDEF, il représente toutes les entreprises françaises soumises à la concurrence, présentes à tous les niveaux de la vie économique et sociale. Il est représenté par des chefs d'entreprise dans un très grand nombre d'organismes départementaux, régionaux, nationaux et internationaux, notamment au Centre français du commerce extérieur (CFCE), à la Banque française du commerce extérieur BFCE), à la Compagnie française d'assurance du commerce extérieur (COFACE). Le MEDEF possède plusieurs grandes commissions, dont les plus importantes sont celle de l'économie et l'autre sociale. La commission économique a pour mission d'étudier les problèmes d'actualité concernant l'économie intérieure et internationale, de proposer des solutions et d'élaborer la politique du MEDEF sur les problèmes généraux de l'économie. Elle coordonne notamment les actions menées par les différents comités géographiques (CG) et groupes techniques internationaux du MEDEF. Les CG ont pour mission d'approfondir l'étude des problèmes particuliers que posent les relations économiques avec certains pays ou groupes de pays dans le monde. Ces CG existent pour tous les pays.  Le «CG Algérie» n'est pas ou faiblement animé, malgré pourtant des déplacements plus fréquents depuis I999. La Tunisie et le Maroc, pour ne citer qu'eux, ont chacun un comité très actif. L'activité de ces «CG Tunisie» et «CG Maroc» a permis de réaliser des investissements considérables d'entreprises privées chez nos deux voisins. Les investissements inducteurs de croissance et d'emplois utiles réalisés en Tunisie et au Maroc sont massifs, alors qu'ils sont faibles pour l'Algérie, le commerce étant prépondérant.  Troisième pilier, les parlementaires, dans la mesure où les relations qui existent entre groupes de pression et gouvernement montrent que le Parlement est un segment de pouvoir sollicité. On peut considérer que la relation entre les hommes politiques et les intérêts économiques revêt les apparences suivantes. Les députés et les sénateurs sont considérés comme les agents d'intervention et de représentation des groupes de pression dont ils sont issus. Ils déposent des propositions de lois au nom de leur famille politique, mais ils défendent ces propositions en présentant d'une manière dissimulée les positions de leur groupe de pression dans les débats parlementaires. Ces derniers sont surtout les responsables politiques les mieux placés pour asseoir le succès d'une opération de lobbying.  L'essentiel de leurs interventions consistera à intervenir auprès des administrations françaises, européennes ou dans d'autres régions du monde pour « activer » ou « débloquer » une procédure, intervenir auprès de bailleurs de fonds nationaux et internationaux susceptibles de financer des opérations, et enfin mobiliser l'administration pour l'impliquer dans les opérations, qu'il s'agisse d'obtenir un soutien technique ou une aide financière.  En résumé , bien que les relations entre la France et l'Algérie soient souvent passionnées pour des raisons historiques, je pense que l'intensification de la coopération entre l'Algérie, la France et l'Europe, fondée sur un véritable co-développement, le partenariat et l'introduction de l'investissement direct permettrait de bouleverser les comportements négatifs, les inscrire dans une perspective dynamique profitable aux populations de la région et faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité.  C'est que l'Algérie et la France, et d'une manière générale le Maghreb et l'Europe, sont deux régions géographiques présentant une expérience millénaire d'ouverture sur la latinité et le monde arabe, avec des liens naturels, et dans son ensemble porte de culture et d'influences anglo-saxonnes. Economiquement, l'Algérie et la France présentent l'une et l'autre des atouts et des potentialités pour la promotion d'activités diverses et cette expérience peut être un exemple de ce partenariat global, devenant l'axe privilégié du rééquilibrage du sud de l'Europe par l'amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes, permettant par des actions concrètes de promouvoir la synergie de systèmes privés, politiques et administratifs afin de développer une approche « coopération » qui pourrait être mieux perçue par l'interlocuteur algérien qu'une approche purement commerciale, l'émigration, ciment des liens culturels, pouvant être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération. Et ce afin de favoriser un quadruple objectif solidaire: la démocratie politique, une économie de marché concurrentielle basée sur la mise en oeuvre d'affaires communes, n'oubliant jamais que les entreprises sont mues par la seule logique du profit et que dans la pratique des affaires, il n'y a pas de sentiments; et enfin, les débats contradictoires d'idées par des actions sociales et culturelles pour combattre l'extrémisme et le racisme grâce au dialogue des cultures, fondement de la symbiose des apports de l'Orient et de l'Occident. *Expert international 1) Programme du gouvernement: améliorer la bonne gouvernance, l'efficacité économique et le pouvoir d'achat, Quotidien d'Oran 21/22 juin 2007, où a été établi le bilan du classement international de l'Algérie, dont ceux de l'efficacité économique et les indices de corruption. Sur ces sujets - articles de A. Mebtoul -, voir les sites internationaux www.yahoo.fr ou www.google.fr.


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