Algérie

Denis Gril témoigne



Denis Gril témoigne


Lors de sa présence à la deuxième édition du Colloque international sur le "Soufisme, culture et musique" à Tlemcen, la semaine dernière, l’intellectuel chercheur arabisant et islamisant français, Denis Gril nous a expliqué, en substance, ce qu’est " Le soufisme dans l’islam ", " la relation de l’islam avec le christianisme et le bouddhisme dans le soufisme ainsi que " la problématique du " haram dans le samâ " dans l’islam, (l’écoute de chant et des musiques instrumentales) où les " foukhaha ", docteurs en théologie se contredisent. Denis Gril a fait des études à Paris, il a résidé au Proche-Orient dans plusieurs pays arabes. Il a également enseigné pendant deux ans au Lycée Descartes à Alger, de l’année 1974 à 1976. L’intellectuel islamisant, part, par la suite en Egypte, puis un peu partout, dans différents pays arabes où il se spécialise beaucoup plus dans la question. Il est actuellement professeur à l’université de Provence, où il enseigne, à la fois, la langue arabe et la pensée islamique en général. Le domaine de recherche de Denis Gril est spécifiquement le soufisme, aussi bien comme doctrine dans l’époque médiévale, que comme réalité historique à travers l’étude des villes saintes.

Le SoufismeLe soufisme, selon, Denis Gril, est une réalité, beaucoup plus ancienne que son nom. Cela veut dire que Cette doctrine véhicule les mêmes préceptes que le Coran, appellant vers Dieu. L’islam, préconise que l’homme doit se sacrifier et s’orienter à travers une voie spirituelle vers Allah tout en profitant de la vie terrestre. De s’orienter intérieurement par un cheminement spirituel à travers la progression intérieure vers Dieu. Du temps du prophète Mohamed et de ses compagnons, cela commençait par la prière du "Kiam El Leil", réciter le Coran durant la nuit. Et ce, pour vivre d’une manière qui ne peut pas être détournée par la "Dounia", la vie passagère. Cette idée est fondée par la communauté musulmane puisque elle avait pour but le désir de retourner à Dieu. Les premières révélations coraniques insistent sur l’imminence de la derrière heure et sur l’importance de la résurrection ainsi que l’attente à la fois du futur mais en même temps la réalité intérieure que l’homme doit revivre. D’un autre coté, ce dernier doit renoncer à la vie provisoire pour s’orienter vers une vie intérieure, celle de l’orientation vers Dieu, sans obligatoirement attendre la mort physique et la résurrection du corps.Au début de l’islam, se sont progressivement constitués des mouvements qu’on appella les " Zouhades " et qui signifie les “ascètes”. Ces mouvements se caractérisent par le renoncement de l’homme au monde, en restant détaché des choses matérielles, puisque ces hommes sont convaincus que cette vie n’est pas destinée à durer car la vraie vie est ce que le coran appelle "Dar El Hayaouen" ou la demeure de vraie vie. Les Zouhades se caractérisent par l’adoration intense de Dieu, bien avant de créer la "Tarika", les méthodes par lesquelles l’on approche Allah. Ces mouvements évoluent par la suite et sont pris en charge par les savants, les cheikhs des "zaouïa" et prennent l’appellation de la "tarika". Selon Denis Gril, cela n’existait pas encore, mais il y avait l’idée de création de personnages appellés "Maîtres spirituels". Ces derniers étaient toujours accompagnés par un nombre de disciples, appelés "El Ashabe". Ils avaient, presque la même mission que les "souhaba", qui accompagnaient le prophète Mohamed.Durant le temps, où ces savants et cheikhs faisaient des recherches scientifiques et religieuses, dans le Coran et le Hadith, (textes du prophète) et le (Fikh), la jurisprudence musulmane, les méthodes ou la tarika du soufisme progressaient. Des écoles d’idéologies ont été créées et chacune avait ses propres spécificités. Ces méthodes spirituelles deviennent de plus en plus des voies constituées par des maîtres. Les disciples quant à eux, doivent maîtriser et pratiquer l’islam et la jurisprudence.L’islamologue nous confie que le terme de soufisme n’a eu jusqu’à aujourd’hui, aucune explication par rapport à son origine. Il est à signaler que ce mouvement a beaucoup été pratiqué et s’est développé en Irak où l’un des savants Abdelkader El Djilani a marqué l’histoire dans le monde musulman. Un cheikh qui a suivi l’école " Hanbalite " à Bagdad. Celui-ci a eu beaucoup de disciples qui ont repris sa voie dont Ahmed Arifaîi. Le soufisme s’est beaucoup répandu au 13 ème siècle, également en Turquie où Abou Al Hacen A chazili a fondé la méthode Chazilite. Au début du 19 ème siècle, le soufisme s’est développé, sous l’égide entre autres du cheikh Ahmad El Djilani. Cette " tarika " est répandue beaucoup plus en Afrique du nord, l’Afrique noire. Denis Gril nous parle, également de la "tarika rahmania" qui était très connue en Algérie et qui a été fondée par les cheiks, Mohamed Abd Erahamen et Boukabrine. Ce dernier a étudié en Orient auprès des maîtres qui lui apprennent la "tarika el Khaloutia". Il y a en fait, aujourd’hui plusieurs "tarika" ou méthodes du soufisme répandues dans le monde mais qui ont le même objectif et le même concept, celui de l’orientation de l’âme vers Allah. Pour ceux qui rapportent que le mot soufisme vient du mot "sof" ou laine, avec laquelle se couvraient les musulmans pauvres qui s’abstenaient et renonçaient à la vie provisoire pour la "vraie vie", Denis Gril dément cette information.

Le chant et la musique dans le soufismeSelon Ibn Al Arabi, explique l’islamologue Denis Gril, le chant, la musique et l’utilisation des instruments musicaux n’est pas "haram", illicite dans l’islam. Aucun verset des textes coraniques ne prononce ou définit un mot qui interdit "A samâ" ou l’écoute et l’interprétation des textes musicaux. Ceux-ci ont été, explique t-il interdits par les "Hadith" du prophète. Rabiîa El Aâdaouia, une femme musulmane irakienne était justement très connue dans cette pratique, signale-t-il. Elle a chanté en vers l’amour de Dieu, la séparation de la bien-aimée, la nostalgie, le bien-être, le voyage et autres. Elle a rajouté une touche spécifique au soufisme, transposé ces mots en voie spirituelle. Rabiiâ El Aâdaouia avait le désir de la recherche nostalgique de Dieu provoquant "El Ouajed", une sorte d’extase, une émotion qui provient de l’intérieur de l’être.Les "foukaha", rapporte le chercheur, se contredisent sur cette question du "haram" dans le "samâ". Est-ce que le chant est accompagné ou pas du "Daf", le tambourin ? Denis Gril prononce à cet effet le mot de " drôle " du chant et de la musique s’ils provoquent le pêché dans l’islam ?Dans les milieux bédouins dans le monde, en Inde, en Turquie, dira-t-il l’utilisation des instruments musicaux est très connue par les tambourins, la flûte. Le soufisme a inspiré beaucoup de chanteurs et de compositeurs dans le monde, comme “David Sh Tourneur” qui organisait des concerts spirituels. Nous trouvons, justement des musiques raffinéees transportés par le soufisme dont l’andalou et les musiques savantes." Il ne faut pas être entraîné par des divertissements futiles et inutile. En soufisme l’homme cherche également une sorte de repos de l’âme dans la musique ", estime t-il.Les maîtres du Soufisme expliquent, selon lui, que l’homme n’a pas toujours la disposition d’âme pour écouter le Coran et être suffisamment concentré pour être transporté par l’audition de la parole divine même si le Coran est la parole par excellence.En fait ce sujet, nous renseignent, l’islamologue, est un vieux débat dans l’islam. Il n’y que les paroles du prophète Mohamed qui interdisent "asmâ" et qui sont négatifs vis-à-vis les instruments musicaux.

“La relation du Bouddhisme et de Christianisme avec le Soufisme”En parlant du soufisme dans l’islam, Denis Gril évoque sa relation avec le Bouddhisme et le Christianisme dans la voie spirituelle. L’homme, selon lui ne connait par de frontières spirituelles. Et chaque tradition religieuse a développé une forme de spiritualité. " Il est vrai que c’est un peu étrange, car nous sommes convaincus que le soufisme est lié à l’islam, mais on peut l’employer dans un sens plus général en disant que c’est la voie spirituelle qu’on retrouve dans les différentes formes religieuses et même dans le Judaïsme ", informe-t-il. Il y a eu des théories qui ont été anciennement reprises par des critiques du monde musulman et qui considèrent que le soufisme n’est pas originaire de l’islam, c’est un courant qui vient d’influences extérieures, du Christianisme, voire de l’Indouisme. En ce qui concerne ce sujet, Denis Gril dira que cela ne semble pas pour lui, défendable du point de vu historique.

F. B



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