Une manifestation monstre, vendredi à l'appel des islamistes, a mis en avant les capacités d'organisation de ces mouvements, mais elle ne signifie pas pour autant que des élections démocratiques mèneront à un Etat islamique en Egypte, estiment les analystes.
Des centaines de milliers de personnes, venues de tout le pays, se sont rassemblées vendredi sur la place Tahrir pour défendre ce qu'ils ont appelé «l'identité islamique de l'Egypte», dans la plus importante manifestation depuis la chute de Moubarak le 11 février. Le rassemblement islamiste était certes impressionnant, mais les analystes considèrent que les divisions internes entre leurs divers groupes et l'absence de soutien dont ils bénéficient au plan national limitent l'importance que les islamistes ont voulu donner à leur mouvement à travers cette manifestation. Les manifestants scandaient des slogans appelant à «appliquer la loi de Dieu» en Egypte et certains d'entre eux brandissaient les drapeaux de l'Arabie  Saoudite, un pays de la région connu pour son interprétation radicale de la charia (loi islamique).
Les appels à manifester étaient lancés depuis plusieurs semaines par les incontournables Frères musulmans et les salafistes, plus radicaux, ce qui avait alimenté la crainte d'affrontements et n'a finalement abouti qu'à l'intimidation des militants laïcs qui occupent la place depuis le 8 juillet. Malgré la démonstration de force de vendredi, les analystes relativisent l'importance effective des forces islamistes dans la société égyptienne. «La démonstration de vendredi représente la capacité totale des forces islamistes, ils ne sont pas plus nombreux que ce que l'on a vu», explique Emad Gad du centre Ahram pour les études stratégiques et politiques. Pour Rabab Al Mahdi, professeur des sciences politiques à l'université américaine du Caire, la manifestation de vendredi «reflète la totalité du pouvoir politique» des islamistes, mais n'est pas représentative de l'ensemble des 40 millions d'électeurs égyptiens.
«Considérer les islamistes comme un groupe homogène est une erreur», a ajouté la politologue. «Il y a plusieurs tendances et elles ont chacune une vision différente de ce que doit àªtre un Etat islamique.» Des réunions entre islamistes et laïcs en amont de la manifestation avaient pourtant cherché à promouvoir l'unité et le dialogue en vertu des buts communs véhiculés par la révolte de janvier et février. A travers cette manifestation baptisée «vendredi de l'unité», il était donc prévu de manifester ensemble pour mettre fin à la traduction de civils devant les tribunaux militaires, le jugement rapide des responsables de l'ancien régime accusés de corruption et d'abus du pouvoir, et la redistribution des richesses. Mais face aux slogans entonnés par les islamistes, les groupes laïcs ont choisi de se retirer. «Cette manifestation va avoir un impact négatif (pour les islamistes) parce que cela a prouvé qu'ils ne sont pas capables de coopérer avec d'autres groupes», déduit Moustafa Kamel El Sayyed, professeur des sciences politiques à l'université du Caire.
«Ils sont puissants et organisés, mais ils ne représentent qu'une minorité de l'opinion publique», a-t-il ajouté. Waël Khalil, un militant laïc, tempère l'analyse: «Nous devons apprécier le fait que la politique en Egypte est maintenant une réalité et il va falloir composer avec les différentes opinions qui s'expriment.» Il rappelle également que sous le régime Moubarak, la religion était une «échappatoire» face à l'absence d'opposition politique, dont les islamistes pouvaient tirer parti. «Mais maintenant, les islamistes sont en concurrence avec d'autres forces politiques», constate-t-il. «Nous savions déjà que les islamistes sont présents sur la scène politique, ils n'ont pas convaincu une seule personne de plus» avec la manifestation de vendredi.
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Posté Le : 02/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Jaylane Zayan de l'AFP
Source : www.elwatan.com