Algérie

Démocratie : l'explication coloniale du décolonisateur



Long, mal lu, confus et abîmé par trop de philosophie, le dernier discours de la semaine, de Bouteflika, pour la journée du Savoir se résume à un point essentiel : on peut tout importer, sauf la Démocratie. Pourquoi ' Parce que c'est la seule marchandise qui peut enrichir le peuple et appauvrir le régime. Et ce n'est pas le but du commerce extérieur. Ensuite, si on importe de la démocratie, on ne peut pas payer, sur son conteneur un agent, un transitaire, un corrompu, un contrôleur. Importer la démocratie est une opération qui n'enrichit pas les véreux mais les cerne dans l'exercice affolant de la transparence et du contrôle public. Ensuite, si on importait de la démocratie, comment justifier la surfacturation, les pots de vin dans les banques, la fuite des devises, les exercices de monopoles maffieux, le racket de certaines administrations ' Par conséquent , on peut tout importer donc, sauf la démocratie, et surtout pas de Chine, ce grand pays esclavagiste.
Donc, on comprend. Mais pour être plus sérieux, on ne comprend pas cet axiome qui dure depuis des décennies : ce peuple ne peut pas être démocratisé de l'extérieur (bien que le régime aille importer 300 ONG pour valider ses élections). Sauf qu'on fait en sorte qu'on ne puisse pas le démocratiser de l'intérieur. Le seul exercice, qui semble être toléré, pratique et efficace, c'est couper la route. Cela se transmet désormais même entre générations : A Bejaia, ce sont des collégiens qui ont coupé une route, hier, pour demander aux gendarmes l'arrestation d'un agresseur. Pour le reste, le peuple ne peut pas se démocratiser : il est encouragé à se diviser, se tribaliser, s'émietter, spéculer, priser, radoter, mais pas à s'organiser en dehors de l'ENTV et sa propagande, du FLN et ses clones. Pour pouvoir produire la démocratie en interne, il faut une bonne école, la liberté, la franchise et le pacte d'intérêts communs entre les classes et leurs sous. Là, l'école est à Benbouzid depuis vingt ans, le pétrole est au régime depuis 50 ans, les classes sociales sont artificielles et n'ont pas de partis qui les représentent, la liberté est celle de partir. Il n'y pas donc pas de conditions réunies pour que le peuple produise sa démocratie chez lui, par lui-même. Du coup, le Régime est dans la bonne position : policier quand il interdit la production locale de la démocratie, philosophe et grand intellectuel international quand il explique qu'on ne peut pas l'importer.
Le plus étrange est que les régimes durs et peu démocrates ont cet étrange habitude de reprendre les préjugés racistes des ethnologues coloniaux d'il y a un siècle : les autochtones ne peuvent pas être libres de leurs choix, ne peuvent pas se gouverner, n'ont pas vraiment une âme et ne peuvent pas être démocrates sauf après quelques dizaines de siècles de rééducation chrétienne ou blanche ou culturelle ou « authentique ». Le même mépris scientifique, la même sociologie du mépris et de suprématie. La solution commune aux deux, le Père du peuple et le missionnaire occidental ' Le temps. Il faut du temps pour que les peuples locaux soient capables d'être traités comme des peuples. Quel temps ' Le temps que je sois président jusqu'à la mort. Moi et les miens. Les proches, les parents. Beaucoup de temps. 5 fois cinquante d'indépendance…etc.
D'ailleurs cette idée est même intégrée par l'indigène qui n'a pas lu Frantz Fanon : nous méritons la dictature car c'est la seule solution de barrage contre notre sauvagerie évidente et naturelle. La logique du sale arabe qui devient vraiment sale, de l'ingouverné qui devient ingouvernable.




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