Algérie

Démission de l'État



Ciudad Juarez est une ville mexicaine proche de la frontière américaine. Elle a une sinistre réputation. Les gangs de trafics en tout genre (drogue, armes, êtres humains) sont les maîtres de la ville. Ils se sont tellement développés au fil des ans qu'ils ont réussi à éjecter tout ce qui représente l'Etat. Un reportage diffusé récemment par une télévision étrangère montrait des militaires traversant à toute vitesse la ville dans leurs véhicules blindés pendant que des narcotrafiquants leur tiraient dessus ; ils n'étaient même pas en mesure de riposter et l'essentiel, pour eux, était de fuir le plus rapidement possible cette cité maudite. Ce n'est pas de la fiction. C'est malheureusement la réalité. Est-il possible qu'une telle situation puisse se produire en Algérie ' On ne peut plus répondre avec certitude par la négative. Le pays, en effet, a vécu à deux reprises, à une petite échelle certes, des comportements de ce genre.C'est Tébessa, ville frontalière elle aussi, qui en a été le théâtre. Il y a trois semaines, des gendarmes qui ont arrêté des contrebandiers ont été agressés par les membres de la tribu de ces derniers et ont été obligés de restituer la marchandise de contrebande. Les malfrats ont même organisé un défilé à travers la cité pour manifester leur « victoire ». Avant-hier, deux contrebandiers sont morts dans un accident, dans leur véhicule, après une course poursuite avec des douaniers à Bir El Ater, non loin de Tébessa. Des dizaines de personnes ont attaqué le siège des Douanes et ont brûlé des véhicules appartenant à cette institution. Dans les deux cas, le pouvoir a observé un étrange silence. L'Etat a donc fui ses responsabilités, comme il continue de le faire à Berriane et comme il l'a fait également en Kabylie où cette région abandonnée à son sort est laissée face à face avec les terroristes depuis qu'elle a osé défier le pouvoir central.Les autorités ont même donné l'impression de mettre de l'huile sur le feu. En tout cas au plus haut sommet, nous n'avons entendu aucun discours apaisant. Le ridicule a même été atteint avec une surprenante « médiation » entre tribus rivales dans le M'zab alors que c'est à l'Etat d'imposer les lois de la République, ou ce qu'il en reste. Les foyers de tensions se multiplient dans l'indifférence et une incompétence nourrie parfois par la corruption qui a gangrené dangereusement l'administration.La démission de l'Etat devant le pourrissement de la situation est telle qu'on est en droit de s'interroger sur les motivations et les buts de nos gouvernants. La stabilité du pays et son avenir sont en jeu. L'Algérie n'a pas encore atteint le stade de la « somalisation », mais elle est proche d'un phénomène du type Ciudad Juarez. La mauvaise gouvernance s'est installée et ses conséquences peuvent être terribles.


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