Algérie

Délicieusement underground, la revue !



Délicieusement underground, la revue !
Quand nous avons évoqué en juillet dernier sur les ondes de la Chaîne III l’apparition d’une «movida» à l’algérienne, la réaction de l’animatrice ne se fit pas attendre. Elle sourit et nous démentit du bout des lèvres par ces mots : «n’exagérons rien, nous ne sommes pas encore comme l’Espagne !!!».Et pourtant, elle tourne la planète Culture algérienne, sans tambours ni trompettes, avec hélas nul besoin des moyens de l’Année de l’Algérie en France, à Tlemcen ou en Arabie. Le cinéma ici-bas grandit souvent en orphelin, il rafle des prix à l’international sans pour autant encore faire tache d’huile pour se voir diffuser correctement dans le pays natal. Les musiciens s’assument et la nouvelle scène rock, pop et autres se fraye un chemin d’Alger à Tamanrasset en passant par Jijel, Oran ou Constantine pour voir des garçons et filles pousser la chansonnette dans la plus grande qualité qui soit ; même chose pour des troupes de théâtre alternatives qui font le lit d’une nouvelle culture indépendante, qui le moins que l’on puisse dire est qu’elle est rafraîchissante. Faut-il obligatoirement que cette culture alternative ne passe hélas que par les circuits indépendants, laissant tout le temps les acteurs de cette culture dans une sorte de précarité due au manque de moyens avec juste l’instillation de quelques deniers pour faire surnager la création. Pourtant dans cette constellation de nouveaux talents, l’un d’eux émerge sous une nouvelle forme, une sorte de magazine tous azimuts, avec des bonnes photos, de très bons textes et des plumes au casting flamboyant. «Édité» par Sencho Editions, cette nouvelle apparition dans sa première édition toute en noir et blanc, il y a une évasion du support numérique qui avait fait connaître «Esprit bavard» sur les lignes numériques du Net pour se retrouver après un travail acharné de deux années pleines sur un support papier qui relève de l’excellence graphique. Une option en noir et blanc qui souhaitons-le restera de mise, les éditeurs cherchant déjà à adopter la couleur pour la seconde partie… «Esprit Bavard», le magazine peut sembler décalé aux lecteurs assidus épris d’actualité. Mais à vrai dire, ce magazine reste transcendant, il évoque une «Algérie, autrement dite, autrement vue», avec une succession de textes et d’images sensationnelles, souvent émouvantes, très dures parfois, tendres tout le temps, et fondamentalement sincères éternellement sur ces 210 pages de pur bonheur. L’aspect éditorial laisse penser à des numéros d’exception des revues underground des années 1980 comme Actuel ou Nova Magazine, qui évoquaient les tendances alter mondialistes éclairées d’avant les désordres anarchistes. «Esprit Bavard» est un magazine tendance, branché et novateur, il était nécessaire de la voir jaillir du cru intello algérien. Sur des porte folios de photographes de talent comme Kays Djilali, Louisa Ammi, Amel Haouati, Ashraf Kessaïssia, Réda Samy Zazoun, Samir Abchiche ou Sophie Elbaz, des escales de repos nous permettent de repartir pour d’autres voyages visuels où les images restent aussi puissantes que les mots. Des signatures, en parlant des mots, qui se questionnent sur le théâtre, la musique ou le cinéma algérien vivant d’autres questionnements sont ainsi livrées en vrac sur une superbe mise en scène graphique, nous avons préféré le terme de mise en scène par l’aspect visuel de ce livre est délicieusement vivant par l’originalité de ses compositions esthétiques et ses paginations qui sortent de l’ordinaire, le tout sous la direction éditoriale de Khadidja Chouit, journaliste chevronnée ayant fait les beaux jours de la presse indépendante. Dans cette aventure livresque, K.Chouit est accompagnée de plumes connues comme celle de Keltoum Staali, Samia Khorsi, Ahmed Bedjaoui, Mohamed Redouane, Réda Doumaz, Brahim Hadj Slimane, Abdelmadjid Kaouah, (f) Djamel Souidi, Wassyla Tamzali, Djalila Kadi Hanifi avec aussi le crayon de Ilyes Lichani… et ils sont encore nombreux à se succéder sur cet espace franchement savoureux à déguster et subtilement subversif car permettant une lecture de cette Algérie parallèle qui sans être interlope reste très épicée quand même. C’est en face d’une nouvelle génération d’écriture différente et à une nouvelle image miroir que nous sommes confrontés dans les lignes de cet exceptionnel magazine contemporain ; il est l’équivalent en film de «Mascarades» ou en musique des derniers tubes de «Caméléon ou de Dounia», «Esprit Bavard» laisse son talent dans l’errance hiératique de ses deux cents pages, et les lecteurs seront sans nul doute nombreux à suivre ce nouveau paradigme de la contemporanéité à l’algérienne, une vague de «Movida» comme on l’adore, subversive, belle, insolente… et d’une rare intelligence mutine. bienvenue donc à ce nouveau magazine, au sang chaud, très chaud. Esprit Bavard, magazine édité par Sencho Editions, Alger 2011, sous la direction de K.Chouit, prix conseillé 2000 Da dans toutes les librairies.


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