Algérie

Déjà un an !


Il y a quelques temps, l?hebdomadaire Courrier International a publié la traduction d?un article de la correspondante à Paris du New York Times. Cette dernière s?amusait la propension des Français à passer leur temps à célébrer des anniversaires et au-delà de la moquerie, il faut convenir que c?est une observation des plus pertinentes. Il suffit en effet d?ouvrir un journal ou d?allumer la télévision pour s?en rendre compte. Chaque semaine ou presque, il y a quelque chose à commémorer en France.La liste pourrait s?étendre sur plusieurs colonnes. C?est bel et bien la célébration en continu : la date d?un événement, de la mort d?un écrivain, d?un artiste ou d?un homme politique, celle de leur naissance, celle de la publication d?un livre, de la sortie d?un film ou de l?inauguration de telle ou telle ligne de métro. On a droit à tout, de l?anniversaire de la Peugeot 404 à celui du soutien-gorge, du disco, de l?affaire des diamants de Bokassa? Bref l?indigestion guette et on comprendra qu?en ce moment, c?est tout ce qui se dit ou s?écrit à propos de la période de mai 68 qui me casse les pieds mais c?est une autre histoire.Revenons donc à cette obsession du rétroviseur et nuançons le jugement de ma consoeur américaine. Ce ne sont pas tous les Français qui en souffrent mais d?abord les hommes politiques qui éprouvent un besoin compulsif de toujours se raccrocher à l?Histoire pour légitimer leur action ou faire diversion par rapport à leur responsabilité vis-à-vis d?un présent voire d?un avenir bien maussades. Mais les médias et l?industrie de la culture sont eux aussi responsables de cette permanence du souvenir. Jacques Brel est mort il y a trente ans en octobre 1978 ? Allons-y, sortons compilations et livres à l?automne prochain. Avec la complicité des magazines et des émissions spéciales de télévision, on fera même durer la promotion jusqu?au printemps 2009 puisque l?on fêtera alors le quatre-vingtième anniversaire de sa naissance. Titre auquel on échappera pas : «Jacques Brel aurait eu quatre-vingt ans aujourd?hui». Dans ce petit jeu, les journalistes ont leur responsabilité. Je le reconnais, nous sommes programmés mentalement pour penser aussi en terme de date anniversaire. En 2006, ne vous ai-je pas infligé une chronique sur le disco en prenant prétexte du fait que l?on fêtait les 30 ans de cette musique qui a permis à tous les péquenots de la terre de se déhancher ? Et cela fait très longtemps que je gamberge une chronique sur celui que je considère comme le meilleur guitariste du monde (il vous faudra patienter un peu pour savoir de qui il s?agit) mais il me faudra tout de même trouver la justification temporelle d?un tel écrit après l?examen minutieux d?un almanach. C?est ainsi. Nous sommes formatés. Et c?est à celui qui aura l?idée avant les autres. On n?est jamais aussi heureux que lorsqu?on évoque un anniversaire avant les concurrents. Cela s?appelle tirer le premier et ce jeu procure une dose de satisfaction que d?aucuns qualifieront de puérile mais qui est tellement délicieuse. Ah, le confrère qui enrage parce qu?à nous lire, il réalise qu?il a loupé le deuxième anniversaire de l?entrée en Bourse de telle entreprise ou qu?il ne s?est pas souvenu, honte sur lui, qu?il y a dix ans éclatait la crise financière russe.Et en ce jeudi 17 avril, je suis bien aise de tirer parmi les premiers à propos du premier anniversaire du premier tour de l?élection présidentielle française. Hé oui, c?était il y a un an, le 22 avril pour être plus précis. Voilà une belle occasion pour faire le bilan d?un an de présidence de monsieur «j?ai-beacoup-bougé-et-trop-bavassé-mais-je-me-suis-calmé-sauf-qu?en-réalité-je-n?ai-pas-changé. » Je sais, je suis un peu en avance et c?est un peu tricher que d?aborder ce sujet au lieu d?attendre les parages du 6 mai, jour anniversaire de la soirée au Fouquet?s. Mais c?est ainsi, dans la presse, il faut savoir anticiper? Mais je sens monter votre impatience. Et ce bilan, me dites-vous ? D?abord, il me faut rassurer celles et ceux qui m?ont reproché d?avoir écrit beaucoup de méchancetés à propos du mari de madame Carla Bruni. C?est promis, je vais essayer de ne pas récidiver. Pourtant, ce n?est pas l?envie qui me démange chaque semaine mais j?ai tenu compte de sages avis même si je persiste à penser qu?il y a des colères saines qui ne sont pas des aigreurs (et Obama en sait quelque chose, lui qui vient de recevoir une volée de bois vert après avoir traité les habitants des zones désindustrialisées d?« aigris ».) Bref. Le bilan. Cela me coûte de l?écrire et de le reconnaître, mais il est magnifique et apte à entrer dans la liste des plus belles réalisations de ce début de siècle. La croissance est de retour. Certes, elle a coûté quelques chicots mais elle est bien là. De son côté, le pouvoir d?achat ne cesse d?augmenter grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires. Et il est bien étrange, pour ne pas dire scandaleux, d?entendre des économistes, des statisticiens et des conjoncturistes affirmer que cette défiscalisation n?a servi à rien ! Mais où va-t-on avec tant de mauvaise foi ? Et l?on ne peut qu?être optimiste pour la suite puisque le patron à Paris est désormais en contact étroit avec le nouveau patron à Rome. Quelle bonne nouvelle que cette formidable dream-team que le monde entier, Espagne socialiste en tête, va envier aux Français et aux Italiens.Poursuivons. En un an, la droite française a retrouvé l?harmonie et l?intelligence. Elle est unie, cohérente et solidaire comme elle vient de le démontrer avec panache et élégance dans le dossier des OGM. Et c?est bien la marque d?une grande présidence que cette décision d?abandonner quelques villes à la gauche durant les municipales afin de lui permettre de se consoler de sa défaite d?il y a un an. Quant aux relations internationales, rien à ne redire, tout baigne. De Washington à Kaboul en passant par Tripoli, N?djamena et Pékin, la France est dans la place ! Voilà, c?est tout ce qu?il y avait à dire sur un an de présidence de l?ère nouvelle et illuminée. Et je vous donne rendez-vous pour un autre anniversaire, celui du fameux et fraternel discours de Dakar dont on soufflera bientôt la première bougie.
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