Algérie

Dégradation de l'éducation, que faire '



De plus en plus de citoyens veulent consacrer une partie de leur revenu à l'éducation de leurs enfants. Est-ce une mauvaise chose 'Certainement pas, ce qui l'était, c'était le faible engagement de la société dans l'effort d'éducation. Maintenant qu'une telle épargne existe chez une minorité, que la majorité de la société devient sensible à l'intérêt de l'investissement dans l'éducation, il convient de bien réfléchir à l'usage d'une telle épargne et d'une telle prédisposition de la société. La privatisation est la solution pour la minorité disposant d'un revenu suffisant, elle ne l'est pas pour l'ensemble de la société. Ce qu'il faut prendre en compte pour ce faire c'est d'autres ressources que le revenu. Nous pouvons dire que la politique publique d'éducation dans le passé ce préoccupait à postériori plus de démographie que d'éducation proprement dite. On escomptait sur l'éducation des filles pour ralentir la progression démographique. Il faut retenir que cette politique n'a pas atteint son objectif précisément parce qu'elle a cru pouvoir séparer les deux politiques. Faute d'une politique d'éducation qui soit une politique de formation d'un citoyen responsable et compétent, l'éducation des filles qui ne sera pas soutenue par une progression du travail féminin piétine. Notre pays depuis le décès de Boumediene n'a plus de politique. Comme le relève le professeur ADDI dans sa contribution à un récent colloque[1], à la différence de la Chine où « l'Etat est dirigé par un parti » où une politique est explicitement énoncée, chez nous il est dirigé « par une haute administration dont les membres, civils et militaires, sont divisés idéologiquement ». On peut être plus précis. En Algérie, était active une politique de privatisation rampante qui s'est efforcée d'être explicite avec le président Bouteflika. Depuis l'indépendance la légitimité de l'Etat algérien résidait dans son assumation des fonctions sociales d'éducation, de santé publique et d'emploi.
La société algérienne qui avait ignoré la propriété privée dans son histoire précoloniale, qui en avait souffert avec le colonialisme et la bourgeoisie privée qu'il a léguée, n'avait aucune confiance dans le libéralisme. La propriété privée signifiait pour elle le moyen pour une minorité de s'accaparer ses ressources collectives. Elle acceptera l'autogestion, la révolution agraire et ses villages socialistes qui remirent la terre à des déracinés comme pis-aller. Les terres auraient dû être rendues aux collectivités, mais on a voulu enterrer les restes des tribus. Depuis une nouvelle « clientèle » du libéralisme, comme dirait le Pr Benachenhou, s'est constitué ; bien entendu à partir des plus riches, des nouveaux riches, du sommet de l'Etat à la base de la société. La politique a, depuis l'échec du volontarisme de Boumedienne, compté sur une évolution en douceur vers le capitalisme. Elle sera confirmée par le triomphe mondial du libéralisme sur le socialisme. En dehors de la privatisation, il n'y a pas d'autre solution que la mobilisation collective. Il faut remettre les ressources aux collectivités locales afin que toutes leurs ressources, ressources marchandes et non marchandes, puissent être mobilisées. Il faut accorder aux collectivités la gestion des ressources publiques et locales afin qu'une saine compétition entre les collectivités puisse les pousser à mobiliser toutes leurs capacités.
La compétition entre les collectivités existe, mais parce qu'interdite, elle se dégrade en racisme et régionalisme. La privatisation ne sera plus négative, spéculative, elle pourra dans le cadre d'une telle gestion retrouver une certaine légitimité. Les riches dans ce cadre ne penseront pas à divorcer du reste de la société, mais à l'enrichir. Ils constitueront des exemples.
Les « riches » constituent toujours (pour la société, moins pour nos idéologues d'importation) des exemples, bons ou mauvais. Aujourd'hui les plus « riches » s'efforcent d'envoyer leurs enfants achever leurs études à l'étranger. Cela doit pouvoir être le désir et la capacité de tout citoyen.
Achever ses études à l'étranger, ce devrait être comme pour les émigrés des premières générations : sortir pour apprendre un métier et revenir à sa famille, à son pays et non pour s'installer avec sa famille ensuite à l'étranger et pour finir, donner ses enfants à un autre pays que le sien.
Car un citoyen ancré dans une collectivité tendue par le désir de savoir, à qui il doit sa formation, reviendra apporter sa contribution, car il y trouvera une place honorable. Les enfants des « riches » sont aujourd'hui contraints de partir, ils sont contraints de ne pas revenir. Pourquoi partir, comment revenir, devraient être des questions claires aux réponses claires.
Elles le sont aujourd'hui, mais elles ne sont pas les bonnes. Voilà encore une différence avec la Chine, mieux enracinée culturellement et plus prospère économiquement. Il faut accorder à toutes les écoles, celles des collectivités et celles privées, les mêmes avantages que l'école publique afin que l'école performante soit désirable et accessible pour chacun qui veut en faire l'effort. Il faut partager les expériences, encourager une saine compétition des collectivités ainsi qu'une solidarité entre riches et moins riches. Ce n'est pas aux riches de construire des écoles. Car si c'est le cas, qui pourra y accéder ' S'il faut mettre de l'ordre dans les écoles privées où aujourd'hui se mêlent écoles des riches et spéculateurs, ce n'est pas pour abandonner le terrain à des riches qui ne pensent qu'à se désolidariser de la société, c'est pour encourager l'investissement social dans l'éducation. Il faut faire confiance aux collectivités qui acceptent de jouer le jeu pour ne pas autoriser la spéculation sur les attentes sociales. Il faut mettre de la compétition dans l'éducation et la santé, oui, mais pas en faveur des plus riches seulement. À bon entendeur, salut.
Nots
[1] Pourquoi le modèle autoritaire algérien, au contraire du modèle autoritaire chinois, n'a pas conduit au développement ' https://maghrebemergent.net/pourquoi-le-modele-autoritaire-algerien-au-contraire-du-modele-autoritaire-chinois-na-pas-conduit-au-developpement/


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