Algérie - A la une

Défis internationaux: Pour une diplomatie plus offensive



L'essentiel et le plus important des travaux de la conférence des chefs de missions diplomatiques et consulaires à l'étranger ont été exprimés, débattus et critiqués durant les trois jours pendant huit plénières tenues à huis clos.Excluant les représentants des médias nationaux et interna tionaux «comme cela se fait de par le monde », nous ont précisé les responsables de la communication du département ministériel de Ramtane Lamamra, les plénières tenues à huis clos ont enregistré, apprend-on, de profondes divergences de vue sur des questions substantielles devant être traitées, comprises, portées et défendues par la diplomatie algérienne là où elle est accréditée à travers le monde.
«Sécurité régionale et internationale (ensembles maghrébin et sahélien, terrorisme)»; «L'Algérie dans le monde arabe et en Afrique, facteur de paix et de développement sur les scènes globale et régionales» ;«Le nouveau paradigme»; «Coopération avec les pays et les institutions européens et les grands partenaires de l'Algérie»; «Coopération multilatérale»; «Communauté nationale à l'étranger, partie prenante au changement»; «Diplomatie économique au c?ur du nouveau paradigme»; «Introspection critique de la diplomatie algérienne», sont les problématiques exposées et débattues lors de ces huis clos très hermétiques. Si toutes traitent de thèmes d'actualité et d'importance cruciale pour l'Algérie en ces temps de fortes perturbations politiques, militaires et sécuritaires, la première en est la principale tant le monde mais surtout la région est secouée par des perturbations, menaces, dangers et instabilité qui visent le pays après que beaucoup d'autres avant lui les ont subies. « L'Algérie se situe dans un espace géopolitique perturbé et non stable. Certainesforces étrangères ?uvrent en défaveur des peuples de la région», avaient noté des responsables des services de sécurité tout au début de son examen.
L'encerclement de l'Algérie
Les intervenants ont tenu à affirmer que «l'Algérie est limitrophe au sud à la bande sahélo-sahélienne où le terrorisme transnational, sa recrudescence, le crime organisé, la dégradation effrénée de la sécurité(...), à l'est à la Libye qui a été noyée depuis 2011 après les frappes de l'OTAN, dans un bourbier sécuritaire, les mercenaires étrangers et les ingérences intempestives de nombreux pays et à la Tunisie où depuis le 25 juillet dernier, la situation est devenue plus instable et risque de provoquer des mouvements sociaux et autres révoltes, à l'ouest à la Mauritanie dont la stabilité est précaire parce qu'elle risque de devenir une zone de repli pour les groupes terroristes en provenance du Mali et cible d'attentats, et le Maroc dont l'hostilité n'est plus à démontrer et dont l'officialisation des relations avec Israël est devenue le facteur et dangereux pour toute la région ». Les accords du royaume avec Israël sur son acquisition de drones et d'autres équipements militaires de dernière génération, la formation de Marocains par des spécialistes de Tel-Aviv en cybercriminalité et dans la guerre de 4ème génération, le déclenchement des conflits armés après la violation du cessez-le-feu le 13 novembre 2020 à Gargarat seront, selon les spécialistes de la sécurité, inévitablement suivis par d'autres provocations dans un prochain avenir(...) ». L'on pense que l'Algérie ne répondra pas par la guerre après l'assassinat de trois de ses ressortissants à Bir Lahlou le 1er novembre dernier, «autrement, elle participera dans la mise en ?uvre de plans machiavéliques minutieusement préparés par des forces qui veulent justement pousser les deux pays voisins à s'entretuer ». Les spécialistes de la sécurité affirment toutefois que «les facteurs de riposte doivent être bien pensés et efficaces ». Il est avancé en préambule de toute réaction de part et d'autre des voisins que « la région ne peut pas supporter plus d'une force ». Mais, « celle de l'Algérie est particulièrement visée pour l'empêcher d'être ce facteur qui participe grandement à la stabilité de la région ». L'approche semble être partagée par de nombreux pays occidentaux mais aussi arabes, du Moyen-Orient, par leurs influences néfastes qui servent de courroie de transition aux dangereuses tentatives de déstabilisation qui visent l'Algérie. Ce genre de tentatives sont aussi « portées à l'intérieur du pays par des milieux pas vraiment occultes et qui menacent depuis un certain temps à provoquer l'implosion de la société et l'atteinte à sa cohésion ».
«La sécurité nationale dans le monde arabe est fortement menacée»
L'évidence pour l'Algérie est que « la posture du Maroc est celle d'un ennemi dans le sens plein du terme, ce qui est d'une extrême gravité pour la région ».
Les spécialistes des questions sécuritaires relèvent que « les crises régionales ont engendré comme conséquences un vide politique au niveau des pays en crise et en même temps une polarisation d'Etats étrangers, ce qui a donné forcément l'absence d'espaces de dialogue, ce qui a permis à des forces étrangères d'adapter leur politique étrangère en relation avec ces conflits ».
Pour les diplomates « les pays du Golfe qui se gargarisent de discours sur la liberté des peuples et le respect de leur souveraineté et leur indépendance, participent militairement (cas du Yémen et la Libye) à les broyer avec la bénédiction des Occidentaux ». Nos spécialistes s'accordent à soutenir que « la sécurité nationale dans le monde arabe est fortement menacée après l'officialisation des relations de certains pays avec Israël ». L'évocation de « la sécurité nationale dans le monde arabe à la lumière des nouvelles évolutions (normalisation avec Israël) » laisse penser qu'elle sera exposée lors de la 31ème réunion ordinaire du sommet des chefs d'Etat arabes prévu en mars prochain à Alger. Un sommet qui risque de faire voler en éclats le peu de cohérence de ses membres qui maintiennent artificiellement une organisation panarabe qui marquera la 77ème année de sa création.
Les plénières à huis clos sur « la coopération internationale » et « le rôle de la communauté nationale à l'étranger dans le développement du pays » ont été marquées par des interventions qui portaient en général sur entre autres la révision de l'accord d'association avec l'Union européenne pour en faire « un accord gagnant-gagnant » mais une révision dont certains sont pour et d'autres contre, et des questions récurrentes telles comment rapprocher la diaspora des préoccupations ' « Mais avant il faut que la communauté à l'étranger devienne une réelle et véritable diaspora », comment profiter des compétences nationales à l'étranger ', les problèmes consulaires, coûts des billets de transport aérien et maritime, le transfert des dépouilles, le visa algérien aux hommes d'affaires étrangers et aux touristes(...) ».
La diplomatie économique a été, hier, exposée par l'ancien ministre des Finances, Abdelkrim Harchaoui, devenu récemment envoyé spécial pour les dossiers économiques et financiers, en présence des ministres du Commerce, du Transport, de l'Agriculture et certains chefs d'entreprises et d'organisations patronales.
En débat, les difficultés liées à l'exportation des produits algériens, l'attraction des investissements étrangers, le soutien de la diplomatie algérienne pour permettre aux entreprises d'exporter(...). Et l'épineuse question du transfert illicite de l'argent vers l'étranger et la récupération pour laquelle les diplomates devront en convaincre les 15 pays (selon l'ambassadeur Salah Boucha) déjà recensés à cet effet.
La difficile mission diplomatique de «renverser les équilibres»
L'autre plénière à huis clos d'hier a abordé «la coopération multilatérale», un atelier animé par Nadir Larbaoui, le nouveau représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies, un poste où Larbaoui est attendu pour renverser des équilibres qui ont souvent été en défaveur de l'Algérie et au profit du Maroc dont les lobbys sont fortement soutenus par des membres permanents du Conseil de sécurité notamment la France et les Etats-Unis sous une lourde influence des lobbys israéliens là où ils se trouvent.
L'on note que la conférence de Lamamra est intervenue après le vote par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 2602 qui confirme la vision du Maroc de son accaparement du Sahara Occidental. Il est, sans nul doute, admis que les diplomates algériens sont mis aujourd'hui face à des situations très complexes au plan régional, international, notamment institutionnel communautaire. «La place de l'Algérie dans le Maghreb et au Sahel » doit être en premier examinée en profondeur pour prévoir des stratégies de « rebondissement » en cas de débordement(...) », affirment nos sources. Les propos de Lamamra «l'Algérie est-elle menacée ' » et ses réponses « il n'y a rien d'imaginaire, elle l'est comme tous les autres pays arabes qui ont été déstabilisés » ainsi que son affirmation « je préfère pécher par excès de vigilance que par manque de vigilance » semblent être des sentences pour que la diplomatie algérienne s'arme d'offensive, d'efficacité, d'entrisme, de lobbying pour déjouer tout complot et protéger les intérêts du pays qui sont malmenés à plusieurs niveaux, national, régional et international.
Le premier constat pour toute riposte diplomatique «les Occidentaux ont leur propre stratégie de déstabilisation, les guerres de 4ème génération, les conflits entre pays voisins, les manipulations internes et externes, les facteurs de l'implosion(...) ».
Les autorités du pays affirment «on n'a pas de pays amis, il n'y a que des intérêts, ils doivent être convergents avec tous, avec qui on traite, avec nos partenaires...».
Dans son intervention préliminaire, l'ambassadeur Larbaoui a souligné à propos du multilatéralisme qu' «il est caractérisé aujourd'hui par une situation de stagnation causée tant par l'absence de réformes de fond lui permettant de faire face aux défis multiples et multidimensionnels auxquels le monde fait face actuellement, que par le jeu des grandes puissances dont les velléités hégémoniques ont freiné voire paralysé l'action multilatérale internationale ».
Le statut d'observateur de l'Algérie au Conseil de sécurité (2024-2025), une priorité pour la diplomatie
Tout en plaidant pour « un multilatéralisme inclusif et efficace », il estime que « le multilatéralisme n'a pas occulté en réalité les relations de puissances des Etats qui restent à la base de la politique internationale.
Les Nations unies sont ainsi dépourvues de capacités de trouver des compromis politiques aux crises et défis et s'emploient à compenser leur inefficacité par des actions humanitaires ».
Les débats au niveau du panel, nous dit-on, ont porté sur « les actions à engager par la diplomatie algérienne et au terme des présentations et discussions un certain nombre de recommandations ont été proposées et convenues axées sur le renforcement du rôle de notre pays au sein des instances internationales multilatérales, à la tête desquelles comme l'a martelé le ministre Lamamra, la mobilisation de tous les efforts et moyens pour la campagne soutenue pour l'accession de notre pays au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent au titre du mandat 2024-2025 ».
Une accession qui, est-il souligné, « constitue la priorité de notre action diplomatique au double plan bilatéral et multilatéral pour une consécration de l'Algérie nouvelle partant de son expérience accumulée à travers l'histoire en tant que pays exportateur de paix, de sécurité et de stabilité ».
Avant que le MAECNE ne procède, hier, à la clôture de la conférence, d'autres recommandations relatives à l'ensemble des thèmes exposés devaient être données au corps diplomatique algérien accrédité à l'étranger.


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