Dans un ancien article[1] dont j'aimerai bien retrouver la trace, j'essayais de caractériser la nature du régime algérien à partir de la guerre de libération nationale. L'hypothèse était que le système de pouvoir s'était construit pour faire face à la technique de la contre-insurrection mise en place par le colonialisme. Pour construire son autonomie, le pouvoir algérien se devait d'être une réponse à cette technique aussi a-t-il voulu se soustraire à ses effets et a eu tendance à faire de l'immersion de ses processus de décision dans l'informel un principe de base. Par construction donc, le pouvoir qui se défiait du monde extérieur comme du colonialisme, ne résidait pas dans les institutions, ne faisait pas confiance aux institutions qu'il avait importé, mais à côté d'elles. Le pouvoir est caché, ne se donne pas à voir, pour se soustraire au travail du pouvoir caché des autres Etats bien plus puissants. Le manque de substance sociale de nos institutions renvoie à cette tare d'origine du pouvoir algérien avant de renvoyer à la défiance sociale qui elle, est nouvelle et date de la période du pluripartisme. Le pouvoir algérien s'est construit sur la base d'une double défiance : vis-à-vis des services de renseignements de l'ancienne puissance coloniale d'une part et vis-à-vis de la société d'autre part, que cent trente ans de guerre coloniale avait largement corrompue, fragmentée[2].
C'est avec le pluripartisme que le système de pouvoir a voulu étendre son importation et son contrôle des institutions aux institutions démocratiques. Il faut voir que cette importation ne lui posait pas de grands problèmes étant donné son ancien rapport aux institutions. Mais avec le pluripartisme, il ne s'agissait plus seulement de se défendre de l'extérieur, il s'agissait d'établir la dictature par le bas : faire en sorte que l'activité sociale soit animée par le bas mais par les centres de décisions du pouvoir clandestin. La théorie du chaos constructeur appliquée par l'Etat (le pouvoir clandestin) à la société dont il se dit émaner.
Avec l'échec de l'industrialisation et la guerre contre le terrorisme, la sécurité devient le champ d'investissement majeur du pouvoir. La rente permet au pouvoir clandestin d'employer la population dans son auto-surveillance pour ' qu'elle puisse consommer son capital à dominante naturel.
En vérité c'est donc tout le système de pouvoir qu'il faut reconstruire. Les puissances occidentales ont pour objectif de détruire ce système de pouvoir bicéphal, en vue d'établir des pouvoirs plus dépendants d'elles, légitimées en cela par la crise aux dimensions multiples qui frappe les sociétés arabo-berbères. Elles échouent en cela dans la mesure où elles n'envisagent pas de transformer le rapport de défiance de ces sociétés au monde. Des incidents réguliers veillent à perpétuer ce rapport fondamental de défiance. Elles voudraient seulement orienter ce rapport de défiance vers d'autres qu'elles-mêmes. D'où ces fins de guerres sans paix, ces guerres qui ne veulent pas en finir.
La reconstruction du pouvoir doit s'effectuer sur une double confiance : vis-à-vis du monde et vis-à-vis de soi-même. Une confiance à surmonter l'adversité, la duplicité du monde, dont nous avons les dispositions. La jeunesse de la population en est la principale garantie. C'est donc du grand djihad et non du petit que nous avons besoin.
Pour le reste je vous renvoie à un autre article, « Fausses Routes », moins ancien, que publia Salima Ghezali sur son site le mardi 26 Avril 2011. » Qu'il est doux à demander Iskat ennidham ! Quand on est persuadé que le Nidham c'est l'Autre ! etc. »
Arezki DERGUINI
Sétif le 25 février 2012.
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[1] Violence, pouvoir et société : «nidham wilayate al-makhfi». Le Quotidien d'Oran du 24-08-2003.
[2] Le thème du traître est une grosse blessure au c'ur de la société algérienne.
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Posté Le : 25/02/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Arezki DERGUINI
Source : www.lequotidienalgerie.org