Algérie

DECODAGES Remettez-nous vite en action le plan et la planification !



Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
L'Etat est redevenu chez nous démiurge : il fait tout : il investit, il emploie, il redistribue. En soi, c'est déjà aujourd'hui une rareté mondiale pour ne pas dire une anomalie. Depuis la chute du mur de Berlin, les Etats de type soviétique avec économie de commandement ont laissé place à des Etats modestes avec économie de marché où l'investissement privé fait l'essentiel de la croissance, de l'investissement et de l'emploi.
Mais en plus, chez nous, l'Etat, qui est redevenu le principal investisseur (mais a-t-il vraiment déjà quitté cette première place), le fait dans un contexte de transition à l'économie de marché qui d'ailleurs ne cesse de s'étaler depuis de plus de vingt ans. L'Etat investit beaucoup mais sans plan, sans planification comme s'il était piégé par ses propres effets d'annonce : nous sommes en économie de marché, nous n'avons donc pas à avoir de plan. L'Etat a tourné le dos à toute action, à toute idée même de planification comme si plan et marché étaient antinomiques. Pourtant, ni la théorie économique, ni des expérience concrètes ne préconisent le rejet de la planification en économie de marché. Des économies de marché réelles comme l'économie française ou l'économie belge pour ne citer que celles-là fonctionnent en s'appuyant sur des institutions de planification et de prévisions efficaces (commissariat général au Plan en France, Bureau central de la prévision en Belgique). De même en Asie, l'économie sud-coréenne fonctionne à base de plans. Plus près de nous, et à simple titre d'illustration, la Tunisie, qui a toujours déclaré rejeter l'étatisme, possède bien un ministère du Développement économique et de la Planification et en était à son Plan X de développement à la veille de sa révolution. L'économie de marché n'est donc pas exclusive de planification ni de plan. Et il nous faut préciser que la régulation n'est pas la planification et que l'Etat régulateur ne peut pas remplacer, particulièrement dans le cas de l'économie algérienne, l'Etat planificateur. Et comment comprendre que des «programmes de relance » quinquennaux de près de 200 milliards de dollars chacun puissent être conçus et mis en œuvre en dehors de toute planification et de plans ' ! Depuis le début des années 90, nous mettons en œuvre dans notre pays des politiques conjoncturelles contra ou procycliques qui visent à rééquilibrer les finances de l'Etat, à juguler l'inflation ou à relancer et soutenir la machine économique. Bien évidemment, de telles politiques économiques sont indispensables. Mais elles ne sauraient remplacer les travaux de planification surtout, encore une fois, en contexte de retour de l'Etat comme principal investisseur. Les politiques conjoncturelles n'ont pas pour vocation d'organiser le développement économique. Ce sont des politiques de court terme qui n'agissent pas sur les structures économiques. De plus, le marché cette «main invisible» n'a jamais assuré concrètement une allocation optimale des ressources car il ne fonctionne jamais à l'état pur, dans le respect strict de toutes ses règles. Ce fameux marché qui assure et concilie automatiquement les intérêts individuels et les intérêts collectifs n'existe que dans la tête des économistes classiques mais pas dans la réalité. Les mécanismes de marché charrient des imperfections qui ont, dans de nombreux cas, des effets négatifs sur la performance économique et sur la cohérence globale des politiques sectorielles. Pour ne citer que quelques exemples, on dit du marché qu'il est myope pour montrer, entre autres, qu'il ne fournit que des informations immédiates, à très court terme et dans une totale asymétrie et que le moyen et le long terme ne sont nullement pris en charge. De même, le marché ignore les données spatiales ou plutôt les incorpore pour accentuer les disparités régionales et, subséquemment, les inégalités sociales. Enfin, et plus particulièrement dans les économies en transition, comme cela est le cas de l'économie algérienne, les marchés sont imparfaits et les informations qu'ils produisent ne signalent que rarement les nouvelles opportunités. De ce fait, l'allocation des ressources qu'ils organisent est loin d'être optimale. Ainsi, à côté du marché, en accompagnement du marché et même quelquefois pour rectifier le marché, l'Etat est responsable au moins de la réunion des conditions du développement. En économie de marché, le plan est l'instrument qui permet à l'Etat d'assurer au moins quatre missions : 1. Informer les agents économiques et les décideurs. 2. Organiser la concertation entre agents économiques. 3. Inciter les agents économiques à orienter leurs actions dans telle ou telle autre direction souhaitée pour sauvegarder l'intérêt collectif. 4. Encadrer et faire respecter les règles de l'économie de marché. On voit bien ici que plan et marché, loin de s'exclure, se complètent. Dans le cas de notre économie, il est clair que l'ancien système de planification centralisé, de type soviétique, fonctionnant à base d'injonctions et d'indicateurs physiques en volume, n'a plus sa place. Le plan, en économie de marché, change de nature, de statut et de méthode. Cela est un fait entendu, y compris chez nous. Mais ce qui reste inexplicable, dans le cas de l'Algérie, c'est le passage à la trappe du plan et de toute planification ! Interrogation d'autant plus lourde que depuis le début des années 2000, l'Etat investisseur, producteur, stratège est de retour. Et nous disposons aujourd'hui d'un commissariat à la prévision et à la prospective qui est la structure tout à fait idoine pour nous permettre de renouer avec les travaux de planification sérieux et très utiles.


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