Algérie

DECODAGES ECONOMIE ALGERIENNELibéralisme : certes non. Etatisme : non plus



Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
L'économie algérienne doit-elle éviter le libéralisme ' Oui. Mais sans tomber dans l'étatisme.
Expliquons-nous
Il nous faut d'abord rappeler ce qu'est le libéralisme économique. Cette théorie postule que l'homme est avant tout un être individuel, et que l'harmonie sociale, la gestion harmonieuse des intérêts individuels sont assurées par le mécanisme des prix et des marchés. La répartition se fait sur des bases objectives et chacun «y trouve son compte». Le libéralisme sacralise le droit de propriété. Il fait passer la concurrence avant le profit. Il préconise la liberté totale des échanges. En théorie, une économie libérale n'a pas besoin d'Etat. Dans les faits, la pensée libérale peut être distinguée en deux grands courants :
1- Le courant radical qui souhaite la disparition de l'Etat de l'activité économique.
2- Le courant qui s'attache à limiter, autant que faire se peut, le rôle économique de l'Etat. Dans ce dernier courant (qui admet un rôle économique de l'Etat), on distingue deux tendances :
a - celle des libéraux traditionnels qui ont toujours cherché à définir un «Etat minimal» ;
b - celle des libéraux qu'admettent quelque interventionnisme et qui acceptent un Etat garant d'une réalisation optimale dans l'utilisation des ressources.
Les libéraux définissent deux fonctions à l'Etat :
• Une fonction négative : l'Etat ne doit pas se mêler de l'activité économique qui doit rester privée. Le principe de base est ici celui de la non-intervention de l'Etat dans l'économie.
• Une fonction positive : l'Etat peut aider et seulement aider l'activité économique privée. Il peut le faire de deux façons :
a) en assurant les conditions qui garantissent un déroulement, dans les «règles de l'art», c'est-à-dire dans le respect des règles de la liberté d'entreprendre et de commercer et dans celui des règles de la «concurrence non faussée», des activités de production et de distribution. On retrouve ici le rôle de l'Etat régulateur ;
b) en garantissant un cadre monétaire stable et en fournissant des services collectifs nécessaires à une efficacité maximum du fonctionnement de l'économie de marché.
L'ensemble des libéraux exigent la libéralisation totale de l'économie, la liberté et la vérité des prix, la liberté du crédit, la concurrence non faussée. L'Etat doit recentrer ses missions sur les fonctions qui touchent à la souveraineté, à la solidarité et surtout à la sécurité. Un Etat «garant» et non pas un Etat «gérant». Mais se développe aussi aujourd'hui le courant des libéraux qui demandent à l'Etat d'assurer le financement des biens collectifs tels que santé, éducation, logement... tous ces biens qui améliorent l'efficacité de l'entreprise privée. De même, ces libéraux appellent à la régulation par l'Etat du fonctionnement de l'économie. Les ultralibéraux, pour leur part, réclament le retrait total de l'Etat, non seulement de l'activité économique mais aussi de la sphère sociale en mettant fin à l'Etat providence, c'es-à-dire à la protection sociale financée par l'Etat et en libéralisant toutes les prestations de protection sociale. Cette doctrine a connu une application aux USA avec Reagan et en Grande-Bretagne avec Thatcher, pays dans lesquels l'Etat se suffisait de faire respecter par tous les règles de l'économie de marché «libre, ouverte et concurrentielle».
En quels termes se pose la question en Algérie '
Dans une économie comme l'économie algérienne, doit-on être des libéraux refoulant l'Etat jusqu'à ses extrêmes frontières, l'autorisant seulement à veiller au bon fonctionnement des mécanismes du marché ' Qui s'occuperait alors du rattrapage dans l'équipement du pays qui souffre, dans plusieurs régions, d'un déficit dramatique en infrastructures de base : eau, électricité, routes, infrastructures sociales et sanitaires...De même, dans les domaines de la recherche scientifique, de l'innovation, de l'industrie de pointe, où sont les opérateurs privés intéressés par des investissements dans ces secteurs ' Enfin, les institutions de régulation nécessaires au fonctionnement de l'économie de marché ne sont pas encore en place et le libéralisme économique aujourd'hui en Algérie déboucherait, sans aucun doute et au mieux, sur «l'économie de bazar» et à de plus graves déséquilibres, dont on perçoit déjà aujourd'hui les manifestations. Bref, chercher à appliquer le modèle libéral à l'économie algérienne aujourd'hui serait assurément «aller dans le mur» et créer des tensions que ne pourraient supporter ni l'économie ni la société. Pourtant, dans le même temps, le gouvernement serait bien avisé de réduire considérablement l'étatisme auquel il soumet, depuis quelque temps, l'économie nationale. Continuer à renflouer des entreprises publiques déstructurées financièrement depuis longtemps, interdire aux entreprises «bancables » d'être domiciliées auprès des banques privées pourtant légalement installées (comme l'a fait le gouvernement l'an passé), ériger des barrières à l'entrée dans de nombreux secteurs d'activité (comme le transport aérien et maritime par exemple), ne rien entreprendre pour faire respecter la loi sur la concurrence en vigueur depuis près d'une décennie et faire ainsi la chasse aux activités informelles, maintenir une législation du travail qui empêche toute fluidité et toute flexibilité du marché du travail, enjoindre aux institutions de l'Etat de donner la préférence aux entreprises publiques lors de la passation de leurs marchés, revenir aux magasins étatiques de distribution de produits... C'est tout cela qui explique aussi et pour une large part, la rigidité de l'économie algérienne, son manque de dynamisme et son inefficacité. Construire l'économie de marché, ce n'est pas opter forcément pour le libéralisme économique. Une économie de marché dominante, qui fait toute sa place à l'allocation des ressources par les prix, à la liberté d'entreprendre et de commercer, à la concurrence non faussée, n'est pas incompatible avec une présence de l'Etat dans certains secteurs d'activité stratégique, dans la redistribution, dans la régulation et la vigilance au respect des lois du marché. L'économie de marché n'est même pas antinomique de la planification stratégique. Il nous faut revenir au bon conseil du «autant de marché que possible, autant d'Etat que nécessaire». En terminant d'écrire cette chronique, j'ai été interpellé par une question que j'ai presque honte d'évoquer : comment se peut-il que, plus de vingt ans après les premières réformes structurelles de 1988/1989, on en soit encore en Algérie à nous poser la question de savoir s'il faut quitter l'étatisme et aller résolument à l'économie de marché '! Serons-nous, contre vents et marées, le dernier bastion de l'économie de commandement '!


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