Algérie

DECODAGES



Par Abdelmadjid Bouzidi
abdelmadjidbouzidi@yahoo.fr
Le deuxième mais surtout le troisième mandat de Bouteflika seront incontestablement marqués par le retour en force de l'Etat dans l'économie. La poursuite de l'effort de l'Etat dans l'investissement public, l'assainissement financier et la mise à niveau des entreprises publiques, la recapitalisation des banques publiques, le renforcement de la politique de lutte contre le chômage et du programme des emplois aidés, financés par la dépense publique, la politique sociale clairement affirmée, les importants programmes de développement agricole et rural..., toutes ces mesures s'inscrivent dans cette orientation aujourd'hui clairement affichée du renforcement du rôle de l'Etat dans l'économie.
Les dernières circulaires du Premier ministre, tant celles relatives aux investissements directs étrangers que celles qui réorganisent les activités d'importation exercées par les opérateurs étrangers et qui remettent en bonne place les intérêts des opérateurs algériens publics et privés, la réforme du code des marchés publics qui consacre le principe de la préférence nationale en accordant la priorité aux opérateurs nationaux dans la passation des marchés, tout en maintenant un contrôle tatillon de l'administration, sont aussi des mesures qui vont dans le même sens et qui affichent clairement le retour de l'Etat. Enfin, il faut rappeler aussi la création d'un Fonds d'investissement d'Etat qui a pour mission de permettre à l'Etat de financer des investissements productifs publics ou en partenariat, notamment dans le secteur industriel. Mais c'est surtout le programme d'équipement du pays 2010-2014 d'une enveloppe financière globale de 280 milliards de dollars qui va estampiller la décennie 2010 comme une décennie marquée par le retour en force de l'Etat. Pourtant nombreux étaient ceux qui pensaient que l'arrivée de Bouteflika, en 1999, à la tête de l'Etat algérien allait marquer le début d'une nouvelle aventure pour l'économie algérienne empreinte d'un engagement clair dans le libéralisme économique à la mode au niveau mondial depuis l'adoption de ce fameux «consensus de Washington» et ses «dix commandements» que l'on cherchait à imposer à toutes les économies du monde et que l'on peut rapidement rappeler :
1/- Refus de l'utilisation de l'instrument budgétaire pour soutenir l'économie
2/- Suppression des subventions publiques
3/- Baisse des impôts
4/- Taux d'intérêt fixés par le marché
5/- Adoption de taux de change compétitifs (d'évaluation pour fouetter les exportations)
6/- Ouverture commerciale
7/- Encouragement des investissements directs étrangers
8/- Privatisation des entreprises publiques
9/- Déréglementation de l'économie
10/- Respect du droit de propriété.
En un mot, retrait de l'Etat et priorité au marché et au libéralisme. Bien évidemment, la crise financière et économique mondiale actuelle a rendu tout à fait inapproprié et même bien osé de se prévaloir du «consensus de Washington» : le libéralisme a produit d'immenses dégâts et le capitalisme triomphant a tendance à se faire discret. Mais il faut reconnaître que ce retrait par rapport au libéralisme a commencé, en Algérie, dès la fin de l'année 2001. Bouteflika affirmait devant les cadres de la nation «pas de marché libre sans un Etat régulateur» et mieux encore : «Les entreprises publiques sont un patrimoine de l'Etat qu'on ne peut abandonner.» Cette décennie 2000 et notamment sa seconde moitié est bien caractérisée par une politique volontariste digne de celle des années 70 qui réhabilite le dirigisme et pousse l'Etat à investir massivement certes, surtout dans les équipements du pays et les infrastructures de base mais aussi dans le développement de l'agriculture et de zones rurales et de plus en plus dans le secteur industriel malgré l'absence d'une stratégie industrielle qui attend toujours d'être élaborée et mise en œuvre certainement dans sa grande partie, par l'Etat et ses entreprises publiques. Sur un autre plan, la politique des salaires et celle des taux d'intérêt est toujours définie centralement par le gouvernement même s'il y a quelques séances de concertation avec le syndicat et le patronat. Le commerce extérieur libre dans le discours est contrôlé par l'Etat dans les faits : des règlements sont produits au gré de la conjoncture avec comme objectif de garder sous contrôle les opérations de commerce extérieur soit par le biais des lois de finances ou des circulaires internes aux banques ou des règlements douaniers. La loi sur la concurrence adoptée et publiée est appliquée avec prudence et l'Etat continue d'intervenir sur les prix de certains produits. On peut donc constater que contrairement à ce que préconisaient certains ministres qui géraient l'économie au début du premier mandat de Bouteflika, le président de la République a engagé une rectification de la politique économique dans le sens d'un plus grand engagement de l'Etat. Les réformes économiques sont reportées, la construction de l'économie de marché, sans être reniée, est recadrée, la liberté d'entreprendre et de commercer est sévèrement régulée. Il faut aussi souligner que dans le domaine social, l'Etat est très actif. Dans la lutte contre le chômage, la précarité et la pauvreté il engage des ressources financières publiques considérables. Il reste à présent à l'Etat à afficher clairement sa volonté de «passer la main» aux opérateurs privés pour relancer investissement et production en les accompagnant et en leur facilitant leurs activités productives. Il y a là une bataille dure et longue à mener et les opérateurs privés doivent aussi être des bâtisseurs déterminés et coriaces, même si plusieurs d'entre eux donnent aujourd'hui l'image d'être aussi des rentiers.




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