Algérie

Déclarations contradictoires sur l’histoire de la guerre de libération: Cacophonie algérienne



Déclarations contradictoires sur l’histoire de la guerre de libération: Cacophonie algérienne
Comme l’identité et la nature de l’Etat, l’histoire est aussi une question que l’Algérie indépendante peine à trancher. Au moment où le pays célèbre l’anniversaire du cessez-le-feu et à quatre mois de la célébration officielle du cinquantenaire de l’indépendance, la cacophonie règne.



Alors que de l’autre côté de la Méditerranée, l’ex-puissance coloniale livre, à travers ses médias et ses officiels, ses messages pour mieux vendre son point de vue de l’histoire de la guerre d’Algérie, chez nous, les zones d’ombre sont non seulement nombreuses, mais se retrouvent accentuées.

Même quand les langues commencent à se délier, le «solde des comptes» avec l’histoire nationale n’est toujours pas fait. La famille dite révolutionnaire, censée être soudée sur la question, se révèle divisée même sur les points les plus essentiels.
Illustration. Dimanche dernier, le ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbès, et le secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, ont étalé leurs divergences en public sur la proposition d’un projet de loi criminalisant le colonialisme français (1830-1962). Un projet rejeté par le gouvernement il y a plus d’une année. Saïd Abadou a réitéré, à l’occasion du 11e congrès de l’ONM, son attachement à ce projet en souhaitant que la future Assemblée le remette à nouveau sur la table.

Ce n’est pas l’avis du ministre des Moudjahidine, qui s’appuie en l’occurrence sur un argumentaire pour le moins vague : «Chercher à tout prix que le projet de loi criminalisant le colonialisme, intervenu en réponse à la loi glorifiant le colonialisme adoptée par le Parlement français en 2005, soit adopté, nous distrairait de questions plus profondes et plus importantes susceptibles de servir l’intérêt de la nation», a lancé M. Cherif Abbès lors de son passage sur les ondes de la Chaîne I de la Radio nationale. Selon lui, «au cas où ce projet de loi n’était pas adopté, les atrocités du colonialisme français qui a spolié les richesses de l’Algérie et brisé les plus grands de ses symboles ne seront pas effacées de la mémoire des Algériens».

Le ministre a estimé qu’il est plus important de concentrer les efforts sur la récupération des archives nationales détenues par plusieurs pays, dont la Turquie, la Grande-Bretagne, la France et l’Egypte. M. Cherif Abbès a «omis» d’évoquer, dans ce sens, l’ouverture des archives disponibles déjà en Algérie aux historiens et la récupération de celles détenues encore par certains acteurs de la Révolution pour permettre l’écriture de l’histoire nationale.
En outre, l’opinion publique nationale assiste, ces derniers jours, à une profusion de témoignages contradictoires, émanant toujours des cercles officiels ou de leur périphérie, sur la Révolution et ses acteurs. Chacun des témoins livre ses vérités qu’un autre vient démentir en bloc. C’est le comble, en cette année du cinquantenaire qui devrait voir le pays accorder ses voix face à une France qui semble avoir adopté le principe de l’union sacrée autour du sujet.

Cela déroute les générations post-indépendance qui s’interrogent encore sur le rôle des uns et des autres durant la lutte pour la Libération nationale. Qui a fait quoi ? Qui est l’ange et qui est le démon ? Malheureusement, les Algériens sont contraints de revoir, à plusieurs reprises, leurs connaissances de l’histoire du pays, car ce qu’ils croyaient être la vérité absolue s’avère inexact. Le rôle du GPRA et de ses responsables, l’assassinat des leaders de la Révolution… sont toujours des sujets à polémique. Ainsi, le ministre de l’Intérieur et président de l’Association des anciens du MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales) regrette le fait d’avoir écarté, en 1962, les négociateurs d’Evian et les membres du GPRA du pouvoir, ce qui a fait perdre à l’Algérie plusieurs années, a-t-il reconnu.

«Cela a fait perdre à l’Algérie 40 ans pour sa construction», a-t-il lancé lors d’une conférence animée dimanche dernier à Tizi Ouzou. Une vérité sur laquelle il n’y a toujours pas de consensus chez les responsables au pouvoir depuis l’indépendance. Daho Ould Kablia défend également la mémoire de Abane Ramdane, assassiné par «ses frères» en décembre 1957 au Maroc.
Le parton du MALG dément les propos de Ali Kafi qui a accusé Abane «d’intelligence avec l’ennemi». «Après l’échec de plusieurs tentatives de négociations secrètes et dans l’impossibilité de contrôler la situation malgré le rappel des contingents, les autorités françaises recherchaient de nouveaux contacts qui ont débouché sur une rencontre, en mars 1956, entre Abane Ramdane et des émissaires de Mendès-France autour de l’organisation de négociations officieuses, et Abane a immédiatement fixé ses conditions», a précisé M. Ould Kablia.

L’on ne sait si l’orateur de Tizi Ouzou avait été influencé par son auditoire, ou s’il s’agissait chez lui d’une prise de conscience, même tardive, sur la nécessité de rétablir les «vérités».
Force est de relever qu’avec la multiplication des «sons de cloche» dans le contexte de ce 19 mars et à la veille de la célébration du 5 Juillet, les officiels algériens présentent la triste image d’une direction politique toujours minée par ses contradictions, ses «fonds de commerce» et ses contentieux, quitte à ce que cela se fasse sur le dos d’un patrimoine qui appartient à tous les Algériens.


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