Révolution arabe,
crise du nucléaire, dérapages financiaro-monétaires :
alors que l'histoire s'accélère, c'est le tohu-bohu dans l'UE
La classe
politique française offre ces temps-ci un triste spectacle. L'affaire
Strauss-Kahn n'en finit pas de dérouler ses effets délétères. L'ex-candidat aux
futures élections présidentielles, hier favori des sondages, s'est déclaré
lundi «non-coupable» de tous les forfaits dont
l'accuse la justice américaine. Dominique Strauss-Kahn, formellement accusé de
viol et d'agression sexuelle, continuera néanmoins un parcours judiciaire
complexe, pendant de nombreuses semaines voire plusieurs mois, sous le regard
des télés du monde entier. Innocent, imprudent ou franchement coupable ? DSK a
vu, dans tous les cas, sa carrière politique exploser en plein vol
ascensionnel. Hébétés par le déversement continuel d'informations
depuis le 14 mai, les Français ont appris le 25 mai que l'inculpé quittait sa
prison pour emménager dans une luxueuse maison-yorkaise
de 600 m2
à 50 000 dollars par mois. Une nouvelle au moins qui a su rassurer l'électorat
populaire.
Depuis, sous
couvert de «transparence», se multiplient les rumeurs sur les errements réels
ou supposés de membres du mundillo politique
français. On apprenait ainsi qu'un secrétaire d'état de Sarkozy, se livrait à
d'étranges attouchements sur ses secrétaires. Démissionné, le fétichiste ! Luc
Ferry, ancien ministre pontifiant de Jacques Chirac, dénonce sur Canal +, la
pédophilie, «notoire» d'un autre ministre, pas nommé évidemment.
Bref ! Un climat
bien pourri. De quoi agrandir encore un peu plus la fracture déjà constatée
entre les électeurs et les partis traditionnels. De quoi peut-être accroître le
vote Front national. De quoi nourrir un peu plus la suspicion vis-à-vis des
élites qu'elles soient politiques, financières, économiques, membres de
l'intelligentsia, de la haute-administration, gourous
des médias… Dans un sondage récent, 40% des Français n'ont aucune confiance
dans les médias quand ils traitent de grands sujets internationaux comme
l'affaire DSK, la révolution arabe ou l'accident nucléaire de Fukushima !
L'impossible
régulation financière
Le spectacle un
peu ridicule que donne la classe politique française pourrait même faire rire
l'anarchiste qui sommeille en chacun de nous… si la situation internationale
n'était pas aussi grave. Prenons trois dossier
d'importance, l'Euro, le nucléaire, le Moyen-Orient, et l'on ne pourra que
constater l'agitation impuissante, la rhétorique ampoulée, le croc-en-jambe
permanents échangés entre les principaux états de l'Union européenne.
Octobre 2008 : il
y a vingt mois, le système économique mondial était furieusement ébranlé par
une crise bancaire et financière. La planète allait payer chèrement les folies
spéculatives accumulées par les dérives d'une libéralisation à tout-va des systèmes économiques et notamment de l'intense
circulation des capitaux internationaux par le biais de produits financiers
aussi miraculeux que bricolés. Cette économie de casino, menée par les seuls
grands établissements financiers internationaux débouche sur une crise pire que
celle de 1929. Pour éviter la banqueroute générale, les principaux états
injectent des sommes folles pour sauver le système bancaire et pour éviter
autant que faire se peut une récession générale de leurs économies. Et pour se
faire, ces états s'endettent… auprès des banques qu'ils viennent de sauver. Celles-ci,
une fois la honte bue, recommencent à spéculer sur les états les plus faibles !
Comme la croissance est atone, le paiement de la dette devient difficile voire
impossible pour certains pays. En Europe, la Grèce et le Portugal sont dans le rouge. L'Espagne,
l'Italie, l'Europe de l'Est, l'Irlande ne vont pas très bien. La France pourrait suivre.
Qu'importe ! Pour honorer leurs intérêts aux préteurs, les états n'ont plus
qu'à réduire leurs dépenses publiques, augmenter les imports, couper les
dépenses sociales. S'ils ne le font pas, les agences de notation les menacent
de baisser leurs «notes» de solvabilité, ce qui augmenterait le coût du crédit
qu'ils recherchent sur les marchés, entrainant des
politiques de rigueur encore plus fortes…
Présentation caricaturale
de mécanismes bien plus complexes ? A peine ! Rappel : le prêt est un métier à
risques. Pour un préteur, le taux d'intérêt demandé représente à la fois son
gain et la couverture du risque d'insolvabilité de son client. Pas de risque
zéro.
Les états sont de
plus des débiteurs un peu particuliers. Ils possèdent une parade vis-à-vis de
leurs créanciers. C'est la dévaluation. En baissant la valeur de leur monnaie,
ils baissent la valeur de leurs emprunts et payent leur créancier en «monnaie
de singe». C'est en partie pour cette raison que les États-Unis, nation la plus
endettée du monde, sous-évalue sa monnaie. La Chine faite de même avec le Yuan mais c'est
essentiellement pour stimuler ses exportations.
Les Grecs et les Portugais
paieront la note !
Les Européens ont
prôné, à l'encouragement de l'Allemagne, dès sa constitution une politique d'un
Euro fort. La Banque
centrale européenne, les yeux fixés sur toute dérive possible de l'inflation, a
encore rigidifié cette volonté. La dévaluation est devenue dogmatiquement
impensable. Seconde difficulté, l'Euro est inachevé : la création d'une monnaie
unique ne s'est pas accompagnée de l'adoption de règles fiscales et budgétaires
communes. Cette carence ne peut que favoriser le manque de solidarité entre les
pays -adhérents en cas de difficultés.
Les populations
grecques et portugaises sont en train de payer chèrement l'addition de tous ces
phénomènes mis bout-à-bout. Incapables de réguler le
système financier international, les gouvernements européens subissent une
nouvelle fois une spéculation qui frappe d'abord les économies les plus faibles
de l'UE. Les mécanismes de régulation internes à
l'Euro n'ayant pas été crées, la solidarité minimale
fait place au retour des égoïsmes nationaux. Et Mme Merckel
menace et admoneste : les économies des Allemands ne paieront pas les folles
dépenses des Européens du sud.
Au résultat,
l'Union européenne et le FMI imposent en Grèce et au Portugal, à la veille
d'être en cessation de paiement, une cure d'une extrême austérité à des
populations qui ne sont pour rien dans cette accumulation de malheurs. Le tout
contre la promesse de quelques menues monnaies. Trois problèmes. 1)
l'intégralité des fonds versés à la Grèce au cours de l'année 2010 a été affectée au
remboursement des échéances sur la dette ancienne détenue essentiellement par
les banques privées et les fonds d'investissements à risque. Il faut d'abord
sauver les spéculateurs ! 2) Les plans de rigueur affaiblissent davantage une
demande intérieure fragilisée : l'économie ne redémarre pas et les pays doivent
constamment faire appel à de nouveaux emprunts. 3) par effet de contamination,
cette crise d'un nouveau genre peut rapidement gagner des économies plus
fortes. Sur le bateau Euro, la panique monte à bord et tout le monde tire à lui
le gouvernail.
Les retombées de
Fukushima sur l'UE
Il y a trois
mois, le 11 mars 2011, la côte-est
nord de l'Archipel nippon subissait un tremblement de terre et un tsunami d'une
ampleur exceptionnelle. Le même jour, la centrale de Fukushima voyaient trois
de ses quatre réacteurs nucléaires s'arrêtaient sans que les dispositifs de
refroidissement et de secours, endommagés, ne se mettent en marche. A ce jour,
les fuites radioactives continuent.
Contrairement à
Tchernobyl dans une URSS décomposée, l'accident nucléaire de très grande
gravité intervient dans un pays très développé. L'incompétence de l'industriel Tepco dans la gestion de la crise, le désarroi manifeste
des pouvoirs publics, l'inquiétude et le courage des Japonais rappelèrent avec
force à l'opinion publique mondiale que le nucléaire est bien une énergie à
part dont les potentialités immenses étaient à la hauteur des risques encourus
par les populations.
Les gouvernements
naturellement ont voulu rassurer. Dans l'UE, ils décident d'un audit de toutes
les centrales. Hélas, la mesure bute encore sur d'incompréhensibles problèmes
bureaucratiques. Et les opinions restent inquiètes. Avec 143 centrales
nucléaires, l'Europe est en effet le continent le plus nucléarisé. Après l'épuisement
du charbon, dépourvus de ressources énergétiques, inquiets devant la hausse
continue du pétrole depuis 1973, les gouvernements de l'UE et tout
particulièrement la France,
ont résolument parié sur l'atome. Chaque hausse du baril les a confortés dans
ce choix, de même que l'effet de serre et les débats sur le réchauffement de la
planète : les centrales produisent peu de CO2. Certes, les mouvements
écologistes protestaient mais ils n'avaient guère encore d'influence, sauf dans
le nord de l'Europe et particulièrement en Allemagne.
Fukushima change
la donne en profondeur. Mais loin de se concerter, les gouvernements ont réagi
en ordre dispersé. Le gouvernement Merkel décide tout
de go de fermer l'ensemble de ses centrales d'ici 11 ans. Celles-fournissent
22% de son énergie. L'industrie nucléaire française en fournit 75% et le pays
est un exportateur important de technologies dans ce domaine. Autosuffisance
énergétique, marchés extérieurs, sans oublier les inévitables connexions avec
le nucléaire militaire, le dossier est chaud ! Mais les sondages indiquent
néanmoins que 7 Français sur dix souhaitent un abandon du nucléaire. Pas facile
pour l'exécutif en place. Nicolas Sarkozy ou son éventuel successeur pourront
toujours gloser sur la très hâtive décision allemande (les énergies dites
«alternatives» ne suffiront pas ; il faudra acheter plus de pétrole polluant et
la note pour les ménages allemands sera plus lourde ; l'Allemagne continuera à
acheter de l'électricité «nucléaire» à la France…), l'exécutif français sera bien coincé
entre les impératifs économiques et l'état de l'opinion. Sur un sujet aussi
stratégique et déterminant pour l'avenir européen, on aurait pu espérer une
décision concertée de l'UE. Fallacieuse illusion !
Orient compliqué
Il y a cinq mois
(seulement) la fuite honteuse de Ben-Ali en Tunisie
ouvrait le 1er chapitre de la révolution arabe en cours. On ne peut guère
reprocher aux gouvernements européens d'avoir été surpris et médusés (nous le
furent tous !) devant l'ampleur et la rapidité de ce mouvement qui toucha sous
une forme ou une autre tous les pays arabes en quelques semaines. On n'en
regrettera pas moins la calamiteuse gestion de la transition tunisienne par la
diplomatie française.
La révolution
arabe -le terme convient-il ? - porte à l'évidence de profondes aspirations
démocratiques, sociales, égalitaires et le plus souvent pacifiques. Elle est
néanmoins portée par des peuples très différents, dans des histoires
politiques, des cultures, des contextes économico-politiques
fort dissemblables. Les régimes en place sont également très hétérogènes. Les
uns tentant de résister a tout changement, y compris par la répression comme en
Syrie, les autres concédant, bon gré mal gré, des réformes qui seront longues à
aboutir. Enfin, l'horizon économique mondial reste fort sombre.
Les réactions
occidentales si l'on ne prend que les seuls pays européens frappent par leur
caractère timoré, contradictoire et non dénué d'arrière-pensées. Les enjeux
géopolitiques ou énergétiques ont rapidement retrouvé toute leur place.
L'aventure militaire en Lybie garde, malgré le
blanc-seing de l'ONU, un fumet irako-afghan. L'OTAN
bombarde dorénavant Tripoli nuit et jour et la chasse à l'homme-Kadhafi
est officiellement ouverte. On est loin de la croisade humanitaire…
En matière de
coopération économique, les récentes promesses du dernier G20 sont restées très
évasives et l'UE est inaudible. Les Européens n'ont pas confiance ou pire, ne
se sentent pas concernés. On est loin de l'enthousiasme qui accueilli la libération
des peuples de l'est au moment de l'effondrement de l'empire soviétique.
Les Européens
peuvent se rattraper, notamment en reconnaissant clairement l'état palestinien
lors du vote prévu à l'Onu, l'automne prochain !
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Posté Le : 09/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com