Algérie

Décès de Larbi Belkheir : Le « Cardinal de Frenda » emporte ses secrets avec lui



Larbi Belkheir est décédé hier à l'âge de 72 ans des suites d'une maladie, a annoncé l'agence officielle APS citant sa famille. La longue maladie l'avait contraint à abandonner, des mois durant, son dernier poste, ambassadeur d'Algérie à Rabat, fonction qu'il occupait depuis 2005. Ancien directeur de cabinet du président Bouteflika (2000-2005) et dans les années 1980 de Chadli Bendjedid, ministre de l'Intérieur sous Boudiaf, ancien général-major et dirigeant l'Enita des années 1970, Larbi Belkheir a été de tous les pouvoirs, un homme de pouvoir, un « pan entier de la politique algérienne », selon des observateurs. Celui qu'on nommait le « Cardinal de Frenda » (ville près de Tiaret où il est né le 1er janvier 1938) semble avoir tellement habité les arcanes du pouvoir qu'il avait fini par se confondre avec lui. L'homme, secret (Frenda ne voulait-t-elle pas dire en tamazight « caché ici » !), peu enclin aux interviews, préférant recevoir chez lui amis et proches, dans sa villa sur les hauteurs d'Alger, se jouait bien de cette réputation de « homme fort du régime », « homme de l'ombre », « parrain des généraux », le « président réel de l'Algérie ».En mars 2002, le directeur de cabinet de Bouteflika brise son mutisme légendaire. Au quotidien français le Monde, l'homme à l'imposante taille se lâche : « On a tout dit ! Que je suis à l'origine de la désignation de M. Bouteflika, que je dirige un cabinet noir, que je suis le parrain des décideurs (...). Je ne sais pas ce que tout cela veut dire. On oublie trop souvent que j'ai quitté le pouvoir pendant huit ans, de 1992 à 2000, et que je ne suis pas responsable de tout. » L'allusion est assassine : l'ancien général-major Belkheir invitait à relativiser sa puissance. Le sérail, ce n'est pas que lui. Lorsqu'en 2005 le président Bouteflika le nomme ambassadeur à Rabat, beaucoup y voient le résultat d'une brouille entre les deux hommes qui se connaissent bien. C'est la fin d'une époque, alors que le général-major Mohamed Touati quitte quelque temps auparavant ses fonctions de conseiller à la défense du président. Touati, « janviériste » autant que Belkheir, n'aurait pas adhéré aux projets d'amnistie lancés par le président. Belkheir quitte la Présidence sans claquer la porte. « Le Président et moi sommes en phase. Même si, par extraordinaire, cela doit arriver, je retournerai chez moi, aussi discrètement que j'en suis parti », confiait Belkheir à Jeune Afrique en 2002. Le sérail et les salons d'Alger entendent, depuis peu, parler de lui. Eloigné et malade, celui qu'on présentait comme l'homme fort se faisait discret. Secret. Jusqu'à emporter dans sa sépulture tout ce que l'Algérie politique et militaire (souvent liées) a vécu depuis près de quarante ans.


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