Algérie

Décembre 1960 est à marquer d'une pierre blanche



Parmi les phases de la lutte de libération nationale, "décembre 1960 est à marquer d'une pierre blanche aussi bien pour l'impact des manifestations populaires qu'en hommage à la mémoire des martyrs tombés sous les balles de l'occupant", affirme dans son livre-témoignage sur les manifestations populaire du 11 décembre 1960 contre le colonialisme français le moudjahid Mohamed Fréha.Dans son ouvrage intitulé "Décembre 1960 à Oran", paru aux éditions Dar El-Qods El-Arabi en 2016, Mohamed Fréha décrit la situation vécue par la population algérienne de la ville d'Oran durant les manifestations de décembre 1960 face aux colonisateurs déchaînés et qui ont duré une semaine ininterrompue.
Pour l'auteur, ces manifestations populaires constituent une étape marquante de l'histoire du peuple algérien dans sa quête de liberté et d'indépendance. "Ces manifestations ont eu un retentissement considérable qui allait précipiter les événements et faire basculer les thèses coloniales qui faisaient de ce peuple des sujets à part entière de la Vème république française", écrit l'auteur.
La genèse des manifestations
Mohamed Fréha rappelle, dans son livre-témoignage, que le Président français d'alors avait parlé, dans son allocution du 4 novembre 1960, pour la première fois, de la "République algérienne". "Les ultras ont vu dans cette déclaration une confirmation de leurs craintes et un signe d'abandon", écrit l'auteur, ajoutant que "le 8 décembre 1960, le lobby colonial s'est mobilisé pour perturber la visite présidentielle. Un ordre de grève générale est lancé par le Front de l'Algérie française (FAF), basé à Oran, contre la venue du général De Gaulle en Algérie, prévue le lendemain, 9 décembre, à Aïn-Temouchent".
"Des tracts sont diffusés à Oran, Tlemcen et Aïn-Temouchent, appelant à une grève générale de 24 heures, et à une gigantesque manifestation pour combattre la nouvelle politique de De Gaulle", rappelle Mohamed Fréha, ajoutant que le tract incitait la population européenne à faire part de son mécontentement par des "manifestations musclées".
Lors des manifestations des européens, le 9 décembre, le ton est monté. Les violences ont commencé et se sont transformées en émeutes. Des voitures et des magasins ont été incendiés et des pillages sont perpétrés, sous la houlette des "ultras", raconte Mohamed Fréha. Le lendemain, la tension est montée d'un cran lorsque trois éboueurs algériens ont été victimes de violences et blessés par des manifestants européens.
"La nouvelle fit le tour d'Oran et s'est répandue comme une traînée de poudre dans les quartiers musulmans d'Oran", indique l'auteur, ajoutant que les manifestants européens ont voulu pousser leur mouvement plus loin encore, notamment vers M'dina Jdida.
Au plateau St-Michel, près de l'actuel musée Ahmed Zabana, les manifestants européens, conduits par les ultras, se sont retrouvés face aux Algériens. "Les renforts d'Algériens continuaient d'affluer de toutes parts. Leur nombre grossissait. L'emblème national vert, blanc et rouge , retrouvait ses couleurs au grand jour. Il est fièrement brandi contre ceux qui voulaient que notre pays reste français", se rappelle le moudjahid Mohamed Fréha.
L'inévitable affrontement
L'affrontement est devenu ainsi inévitable. "Le FLN et le FAF étaient face à face et les manifestants algériens affluaient de toutes parts, malgré le dispositif impressionnant de l'armée coloniale", seremémore l'écrivain.
"Face à cette démonstration de force de la part de la population algérienne, les émeutiers européens ont pris la fuite, abandonnant sur place toutes les armes qu'ils arboraient fièrement auparavant", indique l'auteur de "Décembre 1960 à Oran", tout en précisant que plusieurs gardes mobiles ont été blessés lors des affrontements. Les manifestants algériens ont été stoppés dans leur élan par l'armée qui ouvrit le feu, blessant plusieurs d'entre eux. "Des renforts de l'armée coloniale arrivèrent et la répression fut sanglante", écrit-il.
Dans ce contexte, l'auteur relève la réaction disproportionnée de l'armée française. "Alors que les émeutiers ultras eurent droit à quelques bombes lacrymogènes pour être dispersés, la population algérienne a été elle accueillie avec des balles réelles", écrit-il.
"C'était le massacre à sens unique. La répression a continué durant cette semaine effroyable à Oran où les actes de violence se généralisèrent à l'ensemble des quartiers. Il y a eu des dizaines de morts, de blessés et de disparus. Les corps jonchaient la chaussée", se souvient Mohamed Fréha.
Retentissement international
Ce jour-là, le 10 décembre, l'organisation urbaine d'Oran a engagé tous ses membres à préparer une grève générale. Elle devait démontrer à l'opinion internationale l'adhésion massive de la population au FLN et paralyser du même coup l'économie de la région.
Le lendemain 11 décembre, l'absence d'activité est totale. Toute la ville est paralysée. Aucune activité n'est relevée. Toute la population prendra part aux manifestations.
"En ce jour du samedi 10 décembre, la population oranaise a démontré, d'une façon forte, qu'elle était unie par une même volonté et qu'elle obéissait comme un seul homme aux ordres du FLN et de l'ALN pour agir et contrecarrer les manifestations du FAF et, surtout, bousculer l'ordre établi par les forces d'occupation", souligne l'auteur.
Pour lui, "le colonialisme a perdu totalement l'espoir de la politique dite de pacification. C'est pour cette raison qu'il s'était acharné de plus en plus, les deux dernières années de sa présence, contre les civils totalement désarmés".
Et c'est ainsi que tout le peuple algérien, partout à travers le pays, est descendu, le 11 décembre 1960, dans la rue pour manifester son attachement au FLN et à son pays. "La quasi-totalité du peuple algérien était enclin à la rupture avec le système colonial", souligne l'auteur, malgré l'infâme répression qui s'en suivie.
"Au plan mondial se fut la grande révélation. Le 19 décembre 1960, après les manifestations, les Nations Unies reconnaissaient au peuple algérien son droit à l'autodétermination et le GPRA se voit, du coup, reconnaître une légitimité internationale", indique Mohamed Fréha dans son ouvrage "Décembre 1960 à Oran".


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