Publié le 14.12.2023 dans le Quotidien l’Expression
Après quatre romans publiés (et quels romans !), Mouloud Mammeri n’a pas hésité une seule seconde à sacrifier sa carrière d’écrivain pour se consacrer corps et âme à la langue et culture amazighes.
Un chantier des plus immenses, des plus ardus aussi, s'ouvrit alors. Mouloud Mammeri a consacré la deuxième moitié de sa vie à la recherche dans les deux domaines linguistique et littéraire amazighs. Il lui a fallu d'immenses efforts pour pouvoir aboutir au résultat que tout le monde connaît et lui reconnaît bien sûr. D'abord, celui de sauver de l'oubli des centaines de poèmes kabyles anciens menacés sérieusement de disparition car jamais transcrits auparavant. Sur un autre registre, dont l'importance est également déterminante sur l'avenir de la langue amazighe, Mammeri a réalisé des recherches en matière linguistique ayant principalement fini par la réalisation de la grammaire de langue amazighe.
Il s'agit pour rappel, de«Tajerroumt n tmazight» qui est le premier manuel de grammaire berbère entièrement rédigé en tamazight. Ce livre qui peut être considéré comme étant l'acte de naissance de l'enseignement de la langue amazighet a été édité pour la première fois en 1967 au moment où la langue amazighe était encore interdite en Algérie et loin de bénéficier du statut de langue nationale et officielle dont elle jouit aujourd'hui, grâce au combat mené par des centaines, voire des milliers de militants pacifiques, sincères et dévoués.
Mouloud Mammeri était donc en avance sur son temps. Ses compétences exceptionnelles et uniques, ajoutées à sa rigueur intellectuelle et son profil de travailleur acharné, ont permis à la langue amazighe de «s'armer» pédagogiquement et littérairement afin que le jour où le combat pour sa reconnaissance finisse par aboutir, la matière première pour prendre à bras- le- corps son enseignement soit prêt.
Depuis la parution de la Grammaire de tamazight de Mouloud Mammeri, pour la première fois en 1967, cette dernière n'a jamais cessé de faire l'objet de rééditions. Il s'agit d'un outil incontournable pour les enseignants et les apprenants, mais aussi pour l'ensemble des chercheurs dans le domaine en question. Faut-il aussi rappeler, que Mouloud Mammeri avait défié le parti unique en enseignant la langue amazighe, sous son instigation, en 1972 à l'université d'Alger. C'était un défi qu'il n'était point facile de relever à une époque où la langue amazighe ne jouissait d'aucun statut, pis encore elle était franchement combattue.
Toujours dans le domaine amazigh, Mouloud Mammeri a effectué des recherches interminables ayant d'aboutir à l'écriture de nombreux livres sur la poésie kabyle. Il a contribué à faire connaître l'un des plus grands poètes algériens d'expression kabyle, à savoir Si Moh Ou Mhand, mais aussi, il a déterré des textes poétiques d'autres grands poètes anciens comme Youcef Oukaci.
Il a consacré un livre entier au barde Cheikh Mohand Oul Hocine. C'était d'ailleurs son tout dernier livre qui n'a été publié qu'à titre posthume. Mouloud Mammeri est ainsi le pionnier et le précurseur de la recherche dans le domaine amazigh.
Le plus prolifique aussi puisque le nombre de livres qu'il a publiés à ce sujet est élevé: «Les isefra de Si Mohand Ou Mhand», «Poèmes kabyles anciens», «L'Ahellil du Gourara», «Cheikh Mohand a dit», «Machaho, contes berbères de Kabylie» et «Tellem chahou, contes berbères de Kabylie» ainsi que «Précis de grammaire berbère», «Tajerumt n tmazight», «Lexique français-touareg», et «Amawal tamazight-français et français-tamazight». Il aurait eu 106 ans en ce mois de décembre 2023.
Aomar MOHELLEBI
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Posté Le : 15/12/2023
Posté par : rachids