Algérie

Débloquer le financement de la lutte contre le changement climatique : étape incontournable du rapport et vérification des mesures (MRV)



Publié le 09.09.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

Par Nadjib Drouiche (*)

Le continent africain est, historiquement et actuellement, celui qui contribue le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il est aussi le plus vulnérable aux effets du changement climatique, selon le sixième rapport d'évaluation du Giec.
L'article 4 de l'Accord de Paris souligne que, lors de la communication de leur contribution nationale déterminée (CDN), toutes les parties fourniront les informations nécessaires à la clarté, à la transparence et à la compréhension, conformément à la décision 1/CP.21.
L'Accord de Paris appelle également à la mise en place d'une infrastructure de mesure, de notification et de vérification (MRV) qui fournisse des informations sur les mesures prises et le soutien reçu, fourni ou comptabilisé pour la CDN.
Il est essentiel d'accélérer les actions visant à s'adapter au changement climatique et à en atténuer les conséquences.
L’Algérie a ratifié la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1993, le protocole de Kyoto en 2004 et l'Accord de Paris en 2016 et s'est fixé un objectif ambitieux en matière d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de sa CDN.
L’Algérie possède un environnement relativement intact qui est menacé par le changement climatique. Par conséquent, le renforcement de la résilience par l'adaptation est un objectif important pour le pays.
Bien que le pays se concentre sur la mise en œuvre de mesures d'atténuation et d'adaptation consignées dans son plan national du climat (PNC), l’Algérie doit encore mettre en place les systèmes nécessaires au suivi et à l'établissement de rapports sur les progrès réalisés.
La mesure, la déclaration et la vérification (MRV) désigne le processus en plusieurs étapes visant à mesurer la quantité d'émissions de gaz à effet de serre (GES) réduite par une activité d'atténuation spécifique, telle que la réduction des émissions dues à la déforestation et au torchage des gaz brûlés, au cours d'une période donnée, et à communiquer ces résultats à une tierce partie accréditée. Cette tierce partie vérifie ensuite le rapport afin que les résultats puissent être certifiés et que des crédits carbone puissent être délivrés.
Le MRV vise à démontrer qu'une activité a effectivement évité ou supprimé des émissions de GES nocives afin que les actions puissent être converties en crédits ayant une valeur monétaire. Un crédit équivaut à une tonne de réduction des émissions de GES exprimée en tonnes d'équivalent CO2 (tCO2eq).
En outre, les trois éléments du MRV sont souvent différenciés, mais chacun d'entre eux est complémentaire et dépendant des deux autres.
La surveillance comprend la mesure des données relatives aux émissions. Un système de déclaration efficace facilite une déclaration précise et rapide, ainsi que la distillation des données dans des formats compréhensibles par les installations déclarantes et les utilisateurs des données.
Le système de déclaration permet aux parties prenantes, y compris les installations émettrices, de suivre l'évolution des émissions et des réductions d'émissions dans le temps.
La vérification est l'étape finale et nécessaire pour garantir la véracité des données déclarées ainsi que leur cohérence et leur conformité avec les exigences de déclaration. Elle est particulièrement importante pour donner aux décideurs la confiance nécessaire pour formuler des politiques fondées sur les données.
Selon les accords de Cancun, Mexique de 2010, pour bénéficier d’un financement des pays développés, les pays en développement sont appelés à développer un système MRV.
Etant un outil indispensable pour accéder à la finance climat, et conformément aux exigences de l’Accord de Paris, l’engagement de l’Algérie à réduire de 7% à 22% ses gaz à effet de serre au titre de sa CDN exige la conception et le développement d’un système MRV national.
L’objectif du MRV est de garantir les financements extérieurs et d’assurer la transparence en matière de réduction des émissions de gaz a effet de serre GES.
Il s’agit de mettre en place deux types de systèmes MRV : un MRV national et un MRV spécifique à chaque secteur (centralisant les systèmes MRV de chaque mesure d'atténuation appropriée au niveau national (NAMA), particulièrement un MRV spécifique au secteur de l’énergie.
Les intervenants dans sa mise en œuvre peuvent être regroupés principalement en 4 grands groupes que sont les ; pouvoirs publics, les institutions de recherche, les partenaires techniques et financiers, et le secteur privé.
Par ailleurs, la mise en œuvre de la contribution nationale déterminée (CDN) est régie par le concept des NAMAs qui définissent la feuille de route de Bali comme étant les actions d’atténuation appropriées au contexte national, réalisées d’une manière volontaire par les pays en développement, qui conduisent à une réduction de GES et une contribution au développement durable.
Ce concept a vu son émergence en 2007 par la feuille de route de Bali qui a recommandé l’implication des pays en développement dans la réduction des émissions mondiales de GES pour limiter l’augmentation de la température à deux degrés Celsius, conformément aux recommandations du quatrième rapport d’évaluation du Giec.
La mise en place d’un système MRV par le pays sera plus efficace dans la définition, l'élaboration et la mise en œuvre des politiques et des mesures, sur la base d'informations, d'un suivi et d'une évaluation plus rapides et plus précis des instruments appliqués pour faire face au changement climatique.
Une approche sensible au genre sera incluse dans les méthodologies d'évaluation de l'adéquation, de l'efficacité et des effets des actions d'adaptation et d'atténuation et des effets des politiques. Les résultats attendus sont un mécanisme institutionnel renforcé pour suivre les contributions déterminées au niveau national et le développement d'un cadre de transparence plus solide. Le projet est structuré comme un ensemble de produits et d'activités organisés en deux composantes complémentaires, avec quatre résultats attendus :
L'Algérie compte développer un outil intégré de suivi, de rapport et de vérification (MRV) sous l’égide du ministère de l'Environnement et des Energies renouvelables (MEER). L'outil servira de base de données essentielle pour l'établissement de rapports au niveau national sur l'inventaire des gaz à effet de serre, les mesures d'adaptation et d'atténuation. En outre, l'outil visera à améliorer la coordination entre les principales parties prenantes des secteurs public et privé (y compris les services publics, les fournisseurs d'équipements et de combustibles, d'autres ministères et départements gouvernementaux, les services publics, les autorités de régulation et d'autres partenaires de développement) sur les émissions de GES, les mesures d'atténuation et d'adaptation, les flux financiers et l'alignement sur les objectifs de développement durable (ODD), l'impact des mesures d'atténuation et d'adaptation et le suivi et les progrès accomplis dans la réalisation des ODD.
Par ailleurs, l'outil MRV contribuera à l’amélioration de la collecte de données et développer des rapports sur le changement climatique, tels que le rapport annuel CDN sur la façon dont les objectifs du pays ont été atteints et le rapport semestriel sur la transparence (BTR). Par ailleurs, le MRV relie les données sur les émissions de GES et les réductions d’émissions aux registres nationaux ou internationaux. L’apparition et l'évolution rapides de nouvelles technologies, à l’instar de la blockchain, peuvent en outre contribuer à une plus grande transparence et à s’assurer que les crédits carbone ne soient attribués qu’à un seul pays : soit au pays qui a évité ou éliminé les émissions de GES, soit à celui qui a acheté ces réductions sous la forme d’un crédit carbone.
Un système MRV et IGES national robuste requiert des données de qualité et représentatives tant au niveau des données d’activité qu’au niveau des facteurs d’émission résultant de la plupart des cas des résultats de la recherche.
Au regard du rôle majeur des institutions de recherche comme les centres de recherche et les laboratoires universitaires dans la lutte contre le changement climatique et dans les inventaires des gaz à effet de serre (IGES), l’Algérie dispose d’instituts et centres de recherche prenant en compte, de plus en plus, certains aspects du changement climatique et des IGES. Toutefois, l’absence de synergie entre les centres et instituts de recherche et les institutions de gouvernance des IGES ne permet pas une meilleure capitalisation des résultats afin d’améliorer la qualité des IGES.
En conclusion, un système national MRV inclusif et fonctionnel, comme recommandé par l’Accord de Paris en son article 13 et à son paragraphe 84, constitue un préalable pour assurer la promotion de la transparence climatique dans un pays.
Le système MRV est une solution tangible pour l'établissement de rapports sur les CDN dans notre pays. Il répond aux objectifs du travail de l’Algérie mis en œuvre dans le cadre de son plan national du climat pour l'atténuation du changement climatique.
La mise en place de ce dispositif de suivi des émissions de GES et de leur évolution matérialisera les progrès réalisés en termes de suivi des mesures prises afin d’atténuer les émissions des GES et celles visant l’adaptation aux impacts du changement climatique, de faciliter l’accès aux financements publics et privés, notamment internationaux, et enfin d’assurer un transfert de technologies et un renforcement des capacités.
N. D.

(*) Directeur de recherche
Centre de recherche en technologie des semi-conducteurs pour l’énergétique



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