Algérie

De sang



Ça ne se passe pas firamdane bien sûr. Comme tous les «otiteurs» (otiteur c'est elui qui, la journée durant, a son portable collé à l'oreille), il reçoit un message de on ne sait où, sur son mobile. «Offrez un peu de votre sang, rejoignez le centre le plus proche». Il demande quelques heures d'absence à son chef qui ne les lui refuse pas. Non sans le prévenir qu'elles seront défalquées de sa fiche de paie. Qu'à cela ne tienne. Il se dirige vers le centre des donneurs de sang. C'est tout ce que j'ai à offrir, se dit-il, faisons donc une bonne action.
Arrivé sur place des donneurs l'accueillent avec le sourire. Un brin de causette, en attendant que tout se mette en place.
- Hé oui il n'y a que les msakine qui viennent offrir leur sang. Les autres on ne les voit que lorsqu'il s'agit d'en prendre. Donner n'est pas leur dada. Pourtant, ils sont les premiers servis en cas de pépins.
- Les pépins, leurs pépins, ils les règlent à l'étranger. En cas de problèmes de santé c'est là-bas qu'ils se soignent. C'est nous qui auront besoin de sang.
- On aura besoin de sang et de mille et une choses. On est entassés comme des sardines dans des cercueils et quand tu parles on te répond « il y en a qui n'ont même pas une pièce », de quoi tu te plains '. La bouffe, on attend la fin des marchés pour acheter ce qui est bradé, presque pourri. Les laitages on s'arrange à les acheter moins chers quand ils sont exposés sur des étals de fortune, vendus à la criée, car la date de péremption… Le steak-frites, nos enfants ne le connaissent qu'à travers la télévision. Des vacances, nos mômes n'en ont point ! Quand mon dernier a réussi son passage en cinquième, je n'ai pu lui offrir qu'un tour au manège municipal… Je pense déjà aux affaires scolaires de la prochaine rentrée… toute notre vie n'est que mauvais sang.
- Mauvais sang sur mauvais sang répète en ch'ur l'assistance renforcée par la voix aiguë le l'infirmière de service, qui continue en solo
- Docteur Hakim, tous ceux qui sont là n'ont que du mauvais sang, je pense qu'il faut les libérer, n'dirou mzia.


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