Algérie

De Paris à...Tamanrasset



Une certaine génération se souvient de la devise «de Dunkerque à Tamanrasset» par laquelle les tenants d'une Algérie à jamais rattachée à la France voulaient ignorer la volonté d'un peuple engagé irrémédiablement dans la lutte de libération nationale. Aujourd'hui, l'allégorie nous ferait dire «de Paris à Tamanrasset», en référence au soutien apporté par l'Elysée à Abdelaziz Bouteflika, alors en visite dans la grande ville du sud, par lequel Nicolas Sarkozy vantait les mérites de sa politique de réconciliation nationale. L'écho lointain et étrangement simultané de Paris se veut aussi spontané que les appels de la rue de Tamanrasset, adjurant le locataire du palais d'El Mouradia de renouveler le bail présidentiel. Certes, nous sommes rompus à ces démonstrations populaires savamment drapées de spontanéité, comme sait si bien le faire le parti resté longtemps seul au pouvoir. Nous le sommes moins lorsque ce qui s'apparente, fortuitement peut-être, à un appui sans faille à un homme avec lequel les relations n'ont pas toujours été exemptes de nuages. L'ambiance qui avait présidé aux préparatifs des deux visites récentes du chef de l'Etat français en Algérie avait plutôt fait redouter le pire. Si finalement elles s'achevèrent par des accolades, cela relevait davantage d'une stratégie médiatique que d'un débordement affectif. Les intérêts réciproques valent bien quelques singularités protocolaires. Un de ces intérêts est précisément le soutien sans détour de Sarkozy à Bouteflika «sans lequel les talibans seraient au pouvoir». Cette flatterie excessive convaincrait quiconque ignorerait l'histoire du terrorisme intégriste en Algérie. Alors qu'il était pratiquement en déroute, le terrorisme a trouvé dans la réconciliation nationale une prime inespérée à sa démarche criminelle pourtant en fin de parcours. Que de morts depuis cette absolution! Malgré les démentis quotidiens aux prétendus bienfaits de la politique de réconciliation, le président Bouteflika s'obstine et persévère dans ce qui apporte son lot quotidien de deuils et de larmes à une Algérie exsangue où l'on précipite dans l'oubli les sacrifiés de la folie meurtrière. Chaque jour nous apporte aussi son lot de victimes et de révélations. C'est ainsi que nous apprenons que tel kamikaze est un «repenti» qui, au demeurant, n'a rien demandé, pas même la grâce qui lui a été _gracieusement offerte. Etrange pardon que celui qui est accordé sans avoir été imploré! Voilà l'option qu'a choisie le président français par son soutien à son homologue algérien, faisant mine d'ignorer qu'à quelques encablures de son pays, le terrorisme est aussi un danger pour l'Europe, singulièrement pour la France. Une véritable inquiétude s'est emparée de l'hexagone depuis quelques jours suite aux menaces diffusées sur internet et prises au sérieux par le contre-espionnage français. De hauts responsables policiers se seraient rendus récemment au Maghreb, et certainement en Algérie, pour resserrer la coopération anti-terroriste. Alors que le danger pourrait bien inquiéter la France, ce n'est sûrement pas en soutenant la réconciliation nationale en Algérie que la menace sera écartée. Le véritable hommage que pourrait rendre le président français serait à adresser au peuple qui, précisément, oppose une résistance citoyenne au terrorisme, en payant très cher d'ailleurs son refus de la soumission. Sans cette résistance, l'Algérie serait déjà tombée entre les mains des partisans d'un Etat théocratique, avec les conséquences que l'on peut prévoir, pour notre pays-même, mais aussi pour nos voisins. L'Europe n'en serait pas à l'abri. Le danger est réel, pour nous et les autres, tant que subsisteront les maux qui rongent l'Algérie et entretiennent le terreau du terrorisme: mythe d'un pays riche qui paupérise son peuple, incapacité à mobiliser la manne pétrolière pour le développement, corruption érigée en mode de gestion et devenue un véritable cancer qui gangrène tous les secteurs, réduction progressive des quelques espaces de liberté si chèrement conquis en matière d'information, sans oublier la jeunesse entièrement abandonnée et qui n'a même plus de raisons de rêver de lendemains meilleurs, au point de se lancer dans des aventures suicidaires pour fuir la misère, pas seulement matérielle, la mal-vie, l'impossibilité de s'épanouir: les harragas sont l'illustration du désespoir qui la ronge. Au demeurant, l'immigration, même clandestine, n'est pas la véritable menace pour l'Europe, bien que l'on en agite l'épouvantail pour en faire une préoccupation majeure chez les Français. L'Europe a demandé aux pays maghrébins d'assurer la police pour empêcher les Africains et autres harragas d'atteindre la rive sud du vieux continent. Restreindre la coopération internationale à ces accords bilatéraux n'est pas à la hauteur des enjeux socio-politiques, technologiques et stratégiques que représente l'espace euro-méditerranéen. On ne saurait accepter comme fondement à l'ambition euro-méditerranéenne une politique qui a fait la preuve de son inanité, pire, de sa dangerosité. Les intérêts réciproques requièrent la prise en charge des questions communes. La présence de notre communauté en France en est une. Ballottée au gré des lois qui se succèdent, elle a besoin de la sollicitude de son pays d'origine dont le gouvernement s'engage tous les ans à défendre les intérêts. Elle attend encore! *Député RCD de l'Emigration (France-Nord)


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