Algérie

De Ouagadougou, le cri de colère de Nadia El Fani Culture : les autres articles



De Ouagadougou, le cri de colère de Nadia El Fani Culture : les autres articles
La cinéaste tunisienne, qui a provoqué un tollé en Tunisie avec son film Ni maître, ni Allah, devenu, Laïcité, inchallah, revient avec un autre documentaire, Même pas mal, en compétition officielle au 23e Festival panafricain de télévision et de cinéma de Ouagadougou (Fespaco).
Coréalisé avec la Cubaine Alina Isabel Perez, le dernier documentaire de la réalisatrice Nadia El Fani rappelle la tempête soulevée par la sortie du film Ni maître, ni Allah en Tunisie et sur la maladie, un cancer du sein, de la réalisatrice. D'ailleurs, Même pas mal, débute par une ironie sur le concept de «cellule». «Cellule nerveuse, cellule de crise, cellule des prisons, cellule terroriste. Certaines cellules se développent de façon anarchique, d'autres de façon plus ordonnée. Parfois, des cellules agressives tapies dans l'ombre attendent le moment propice pour attaquer», narre Nadia El Fani qui vit à Paris depuis dix ans. Elle détaille ensuite l'évolution de sa maladie. Elle a perdu ses cheveux en raison de la chimiothérapie. En public, elle est apparue chauve lors de la présentation de son documentaire plaidant pour la séparation de la religion de la politique.
Un film perçu comme une provocation par les radicaux islamistes. Montrant des séquences vidéo et des extraits de commentaires publiés sur facebook contre elle, elle explique la manière odieuse avec laquelle les radicaux tunisiens avaient exploité sa maladie. «On m'a surnommée la truie chauve. J'ai reçu des menaces de mort. Certains ont proposé de l'argent pour me tuer», dénonce-t-elle. Après la chute de la dictature familiale de Ben Ali-Trabelsi, Nadia El Fani revient en Tunisie pour tourner son documentaire-plaidoyer pour la laïcité. «Question de vie ou de mort. En plein Ramadhan, filmer à découvert les résistants invisibles était pour moi un acte de désobéissance civile à la religion, mais surtout à la dictature et à l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Le film se construit autour de cette idée, puis sur celle de la résistance», argue-t-elle.
Croire toujours
Publiquement, Nadia El Fani proclame son athéisme et plaide «la liberté» de croire ou de ne pas croire à un culte. Elle est attaquée avec férocité par les salafistes usant des réseaux sociaux et des plateformes de vidéo sharing. Une plainte est déposée contre elle «pour insulte à la sacralité de Dieu». Le producteur, contre l'avis de la cinéaste, change le titre du film pour atténuer de la pression des distributeurs. Nadia El Fani résiste à la maladie. «Je ne peux pas mourir, la révolution n'est pas achevée», souligne-t-elle. Son documentaire contient des extraits de ses différents passages dans les médias français. Lors du débat qui a suivi la projection du film à l'Institut français à Ouagadougou, Nadia El Fani soutient que la situation en Tunisie n'est pas «tout blanc, tout noir».
«Parfois, ce sont eux qui gagnent (les islamistes, ndlr), parfois les démocrates. La lutte, c'est croire toujours. Malgré les moment de dépression intense. Si la Tunisie tombe, c'est tout le Monde arabe qui va tomber. Il faut absolument que la Tunisie résiste. La Tunisie est un laboratoire pour la modernité», déclare-t-elle accusant Ennahda (le parti au pouvoir, ndlr) de mener un travail de sape au sein de la société. Le parti islamiste gouverne, selon elle, mal la Tunisie. Elle fait un parallèle entre l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd (début février) et celui de Ferhat Hachad, le militant syndicaliste, par La main rouge, organisation fasciste française. Elle appelle à la constitution d'un «Front républicain» pour sauver économiquement et politiquement la Tunisie.
Attaques
«Les Tunisiens apprennent que la lutte, ça coûte. Il faut arrêter avec le jasmin, la plage, le thé à la menthe. De temps en temps, il faut aller à la rue, assister à des réunions, combattre. Cinquante ans de dictature, ça 'bousille une société pour long temps», souligne-t-elle, précisant que la dictature a empêché les Tunisiens de faire de la politique. «Les islamistes n'ont pas fait la révolution en Tunisie. Ils sont tout de suite allés sur le terrain de l'identité où ils labouraient depuis des décennies. C'est là où les progressistes ont fait une erreur monumentale d'analyse en allant sur le même terrain, lequel n'est pas politique», a regretté Nadia El Fani. D'après elle, les islamistes voulaient dès le début couper «la parole libre».
D'où les attaques contre son film Laïcité, inchallah (diffusé par TV5 Monde et en accès libre sur Dailymotion). «Il faut rompre avec la tradition et passer à autre chose. Est-on capable de le faire en Tunisie '», s'interroge-t-elle, accusant Ennahda de vouloir remettre en cause tous les «acquis» de l'ère Bourguiba. Pour Nadia El Fani, le Printemps arabe n'est pas un échec en ce sens que les populations ont détruit des dictatures. «L'histoire est en marche. Aujourd'hui, la liberté de parole est acquise en Tunisie, même si elle coûte cher. C'est fini. On ne reviendra plus à la dictature de Ben Ali. Le processus est long, mais la lutte est là», rassure-t-elle. Nadia El Fani a dénoncé la non-sélection de ses films au Festival de Carthage. «A part le Maroc, mon film Laïcité, Inchallah n'a été projeté dans aucun pays arabe. Ni Abu Dhabi, ni Dubaï...»


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