Algérie

De la tolérance ici et ailleurs



De la tolérance ici et ailleurs
Sincérité feinte ou naïveté excessive ' La remarque fuse toujours au détour d'un échange sur le Net ou lors d'une discussion autour d'un thé et d'un kalbelouz. Les Occidentaux s'accommoderaient de la présence des musulmans, de l'expression ostentatoire dans les lieux publics de leurs expressions culturelles. « Chez nous, on ne fait pas preuve d'une même tolérance. On en est à regretter que ceci soit halal et cela relève du haram », pestent de nombreux compatriotes qui vivent sur les bords de la Seine ou du Saint-Laurent. Les vertus de l'Occident se trouveraient dans la floraison de mosquées, de centres culturels. Témoignent aussi de cette ouverture : la qualité des débats, le nombre de livres sur l'Islam et sa civilisation plus nombreux en France, en Allemagne que tous les pays arabes réunis. La différence de croyance ne pousse surtout pas à tuer celui qui est différent. Les horreurs de Daech paraissent ressusciter le Moyen Age. Dans ces sociétés tant vantées, cette tolérance est une réalité produite par un long processus historique et intellectuel. Elle est aussi une nécessité. On y répond en premier lieu à une demande. L'Islam fait de plus en plus partie du paysage du Vieux Continent et depuis peu de l'Amérique du Nord. Il y a tout de même plus de chances de rencontrer plus de Maghrébins, des adeptes de la Tidjania venus d'Afrique de l'Ouest vivant à Paris et Bruxelles, que des catholiques savoyards ou des anglicans d'Ecosse à Alger ou Casablanca. Les Turcs sont plus visibles à Berlin que les Teutons dans les faubourgs d'Izmir. Et si des migrants partent à l'assaut de la catholique Italie, on ne connaît pas encore un mouvement migratoire dans le sens Grande-Bretagne-Somalie. L'Occident conduit des guerres, massacre des innocents et s'acoquine pour ses intérêts avec les dictatures. Il n'est pas que tolérant. Conséquence d'abord de la colonisation, l'émigration de milliers d'hommes, au bout de la troisième génération, a façonné le visage de l'Occident. Il imprègne de plus en plus ses dynamiques socio-politiques et économiques. Ceux qui y vivent et qu'on consent à accepter ne sont plus ces émigrés déracinés. Leurs descendants ne rasant plus les murs et ne rêvent plus de retour au pays. Les enfants n'ont presque que des relations d'ordre émotionnel avec le pays des aïeux. Au fil du temps, elles vont se distendre. Ils sont des citoyens d'Europe. A ce titre, ils évoluent dans un contexte de liberté politique, de démocratie, notions relativisées, par ailleurs, par de grands penseurs. Le citoyen est de plus en plus ringardisé et cède sa place au consommateur encensé et valorisé. Le modèle bâti depuis des siècles peine à répondre à toutes les attentes économiques et à satisfaire les besoins de sociétés vivant un déficit de spiritualité. L'heure pour paraphraser Régis Debray « l'époque est au glas, davantage qu'à la gloire ». Ces musulmans sont supposés jouir de tous leurs droits. Il suffit pourtant d'un écart de conduite pour que leurs origines soient rappelées. Si on est mal placés pour donner des leçons, il ne faut pas non plus chanter béatement l'Occident et sa tolérance sans limite. D'aucuns voudraient pourtant que les mentalités soient les mêmes à Alger et Paris ou Madrid. Le progrès se décrète-t-il d'un trait de plume ' Un homme comme Mustapha Atatürk a engagé il y a près d'un siècle son pays dans un processus de modernisation autoritaire. Ces dernières années, la société turque semble bifurquer. Elle s'engage dans une voie autre que celle indiquée par le fondateur de la Turquie moderne. Alerter sur les dérives d'une société est un devoir. La contraindre à renier les valeurs surtout religieuses en terre d'Islam est un péril. Ce n'est pas en gonflant le moindre fait isolé, en criant avoir débusqué des salafistes partout qu'on fera avancer la cause de la liberté et de la tolérance. Cette attitude hérisse en Algérie, ou ailleurs dans les sociétés musulmanes (voir polémiques actuelles au Maroc sur le film de Nabil Ayouch et les déhanchements de Jennifer Lopez). Elle a aussi pour effet immédiat de braquer les simples et inoffensifs fidèles qui refusent les outrances des uns et des autres. Eux rêvent d'une société ancrée dans ses valeurs et ouverte. A l'ombre du fameux Islam de nos aïeux ou de Cordoue. C'est le bon vieux Marx qui a compris, il y a longtemps, qu'une société ne se pose que les problèmes qu'elle peut résoudre.




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