Algérie

De la stratégie linguistique à l'Université


Depuis plusieurs années maintenant, le pays connaît une multitude de réformes touchant des secteurs névralgiques tels que l'éducation, la justice, la santé, l'économie et les finances. Il est clair que l'opportunité de telles réformes est incontestable puisqu'elles sont dictées par l'évolution de la société pour répondre à ses nouveaux besoins et exigences et s'adapter aux profondes mutations que vit le monde. Seulement pour mener à bien ces grandes réformes, il faut les aborder dans les règles de l'art. Pour cela, il n'est pas inutile de rappeler qu'une réforme de tout secteur consiste tout d'abord en un diagnostic complet qui aboutira à une identification claire des dysfonctionnements et des incohérentes et ensuite en une élaboration d'un schéma directeur traçant les ajustements et les correctifs à entreprendre dans un ordre précis fixant des priorités bien définies, selon le degré d'importance des problèmes relevés. Parmi ces réformes il se trouve que, celle de l'enseignement universitaire qui est en cours laisse suspendu un problème de taille qui est relatif à la langue d'enseignement des sciences fondamentales. En effet, les étudiants optant pour ces disciplines poursuivent leur apprentissage de toutes les matières scientifiques exclusivement en arabe jusqu'à la fin de leur cycle secondaire. Une fois admis en faculté, ils sont brusquement confrontés à la dure réalité de suivre leur curcus en français, sans aucune préparation linguistique préalable. Leur connaissance rudimentaire de cette langue constitue pour eux un handicap très sérieux, tout le long de leur parcours universitaire, générant chez eux une frustration manifeste qui influe énormément sur leur intérêt pour les disciplines choisies. Cette situation manifestement anormale et le plus anormal dans cela est qu'elle perdure sans être abordée pour trouver une solution à ce fait singulier. Donc, ce problème reste entièrement posé avec acuité. Personnellement, mon intérêt pour ce problème s'est affirmé au cours de mon contact pédagogique d'enseignant de physique avec les étudiants suite au constat que l'écrasante majorité d'entre eux, préparant un diplôme de graduation en physique, éprouvent d'énormes difficultés à suivre leur cursus en français. D'après mon expérience, ce problème s'avère un facteur majeur dans l'échec et la déperdition constatés dans cette discipline. Je l'ai d'ailleurs signalé avec force à maintes occasions dans mes écrits antérieurs relatifs à la réforme de notre système éducatif (1-2). Je crois que c'est un problème de fond qui est au coeur de la défaillance actuelle de notre enseignement universitaire des sciences fondamentales. Il devrait être impérativement abordé en le prenant au sérieux. Mon objectif principal dans cette contribution est de mettre en évidence les répercussions les plus négatives de cette situation sur l'acquisition et l'assimilation des matières enseignées et sur les échanges négatifs de cette situation sur l'acquisition et l'assimilation des matières enseignées et sur les échanges interdisciplinaires au sein de l'université. Par la même occasion, je propose ici une démarche visant la solution adéquate à ce problème. Afin de cerner la problématique et argumenter mes propositions je rappelle, ici, quelques évidences linguistiques qui sont malheureusement souvent ignorées ou carrément occultées. Aujourd'hui, il n'est plus à démontrer de la nécessité de la maîtrise de la langue dans le processus d'apprentissage de toute discipline académique. En effet, la langue est réellement la clé du savoir. Par conséquent, ce dernier est accessible à celui qui maîtrise l'outil linguistique. De plus, en matière linguistique, un certain équilibre doit être minutieusement préservé chez les apprenants entre besoin de s'exprimer clairement et fluidement dans leur langue maternelle et le besoin d'apprendre efficacement les langues étrangères pour l'accès au savoir universel et s'ouvrir sur les autres cultures en dépend leur épanouissement intellectuel. Avant d'énumérer les anomalies issues de la situation présente, il est utile de rappeler le paysage linguistique général actuel au sein de l'université pour éclairer davantage le problème. Il y a d'un côté les sciences humaines et sociales qui sont enseignées en arabe et de l'autre les sciences fondamentales et celles de l'ingénieur qui sont dispensées en français. Par ce choix des langues d'enseignements, on a créé de fait une université dichotomique où ces xxxx académiques sont éparpillés en des îlots isolés sans canaux de communication au sein de la même institution. Pourtant cette dernière est censée être l'espace par excellence de l'interaction et l'échange entre les différentes disciplines et cette interdisciplinarité va aujourd'hui en croissant. Parmi les anomalies découlant de cette situation, je me contente ici de mentionner particulièrement les plus apparentes. Il y a, bien sûr, dans les disciplines scientifiques un déficit flagrant chez les étudiants d'expression orale et écrite dans la langue d'apprentissage. Pour le besoin de s'exprimer, ce handicap est automatiquement compensé par le recours au parler hybride «francarabe». A l'inverse d'une hybridation maîtrisée en biologie qui aboutit souvent à une amélioration des qualités des espèces, une hybridation linguistique ne peut engendrer qu'une indigence intellectuelle qui se manifeste par le manque de clarté et de rigueur en communication. D'ailleurs ce phénomène ne nous est pas spécifique et beaucoup d'écrivains ont averti de sa nocivité à tel point qu'il est qualifié de «pollution linguistique». Aussi, pour contourner l'obstacle linguistique, il est très fréquent de relever dans les mémoires des étudiants des textes intégraux «copiés-collés» de documents téléchargés et d'assister à des récitations par coeur en séances de soutenances de mémoires. Comme conséquences déplorables de cette situation, ces pratiques linguistiques compensatoires auxquelles ont recours les étudiants gaspillent inutilement leur effort intellectuel qui, au lieu d'être essentiellement concentré sur le contenu des matières, se trouve dispersé à cause de l'effort supplémentaire épuisant pour surmonter l'obstacle linguistique. Par conséquent leur acquisition des enseignements ne peut être que superficielle. Donc, il est évident que l'enseignement des sciences fondamentales en français à des étudiants peu et mal préparés linguistiquement est certainement antipédagogique du fait du gâchis qu'il entraîne nécessitant depuis longtemps un remède. Alors, comment peut-on sortir de cette impasse? Vu le grand retard qu'on accuse en production et traduction des manuels scientifiques de base, il et clair que l'usage des langues étrangères productrices et véhiculaires des avancées scientifiques et technologiques nous est incontournables. Donc, l'adoption d'un bilinguisme universitaire s'avère nécessaire pour un enseignement rentable des sciences fondamentales. Ici, je dois préciser que ce bilinguisme suggéré sera un bilinguisme fonctionnel où la langue étrangère sera d'appoint purement académique. Avec un effet soutenu pour la traduction et une bonne volonté de traduire des ouvrages scientifiques de qualité en langue nationale, à long terme la langue nationale trouvera sa place naturelle comme langue principale de formation dans tous les domaines. Pour atteindre ce bilinguisme universitaire tant souhaité, il est évident que les étudiants doivent être linguistiquement préparés au préalable. Pour cela la revalorisation de l'enseignement des langues étrangères s'impose le long de tous les cycles scolaires. Concrètement, à la fin du cycle secondaire, les étudiants doivent maîtriser parfaitement la langue nationale et avoir une bonne connaissance du français, plus ou moins équivalente au niveau exigé par les universités françaises aux étudiants étrangers pour l'accès au premier cycle universitaire. En plus, en optant pour une discipline scientifique ou technique, cette deuxième langue doit être automatiquement l'anglais. En cours de leur cycle universitaire, on devrait les encourager et les inciter à se perfectionner dans ces langues étrangères en suivant des cours de perfectionnement dans des classes dédiées à ce effet. Je crois que la rentabilisation de l'enseignement actuel des sciences fondamentales est conditionnée par ce perfectionnement linguistique. * Département de Physique Université de Tlemcen


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