Les situations de sortie de crise font apparaître le rôle central de l'Etat, que celui-ci soit défaillant ou prédominant. Généralement, les processus de transition et de réforme de l'Etat se justifient parce qu'ils sont nécessaires à la reconstruction et à l'avancée démocratique des sociétés et pays concernés et qu'il ne peut y avoir de paix et de développement durable sans institutions politiques légitimes et compétentes. L'on parle de la rationalité de l'Etat quand les politiques publiques sont adossées à la puissance publique (légitimité, organisation, surdirectivité, performance, animation, propulsion, réflexion...). En effet, les politiques publiques réussies en ce sens s'appuient sur les ingrédients traditionnels de la puissance publique et mobilisent les disciplines qui ordonnancent techniquement cette dernière. A ce sujet, les institutions internationales privilégient des critères formels de reconstruction des Etats : il faut savoir que pour comprendre les processus de transition et de réforme de l'Etat, il faut s'intéresser aux différents aspects qui déterminent l'efficacité de l'Etat et la légitimité de l'exercice du pouvoir. Au courant des années quatre-vingt, des réformes ont eu lieu dans de nombreux pays en développement, sous les injonctions des organismes internationaux. Ces réformes avaient pour objectifs, d'une part, d'assainir l'économie de ces pays et d'autre part de promouvoir la démocratisation du régime politique. Ces réformes sont ciblées sur l'Etat, considéré comme le pilier central du système d'action d'un pays. Au départ, les priorités se trouvaient dans la politique monétaire, la réduction du déficit budgétaire, la libéralisation du commerce et du régime des taux de change. Puis cela a conduit à la modification de la structure administrative et politique, c'est-à-dire des mécanismes de représentation, d'organisation et de légitimation du régime en vue d'obtenir une meilleure gestion publique et un retour à la croissance. A ce sujet, la Banque mondiale préconise que la gouvernance soit le produit des différents niveaux de restructuration. La gouvernance serait donc la technique ou le mode de conduite des affaires publiques qui accompagne la réforme de l'Etat dans le but d'obtenir une gestion de l'administration publique plus proche de celle de l'entreprise privée, de permettre une participation élargie des acteurs dans la prise de décision et de favoriser une plus grande transparence dans la gestion des deniers publics. Malgré les espoirs mis dans l'expression de « bonne gouvernance », on peut dire que la relation entre gouvernance et démocratie n'est pas triviale. En effet, la finalité de la gouvernance semble comporter une certaine contradiction : d'une part, il s'agit de renforcer le pluralisme en vue de l'amélioration de l'action politique, d'autre part, il s'agit d'alléger le pluralisme de ses éléments inutiles ou nuisibles à l'efficacité. Dans la plupart des pays en développement, l'Etat se caractérise par un grand centralisme qui se traduit par un style d'administration construite autour d'un agenda national et non à partir des spécificités et nécessités des communautés politiques locales ou régionales. Ainsi, le gouvernement, identifié à l'Etat, possède une marge de manoeuvre très large, avec un large pouvoir de décision dans la représentation des intérêts, la formation de l'agenda politico-administratif, le choix et la mise en oeuvre des politiques. Dans ces économies en développement, l'Etat a souvent fortement réglementé les conduites économiques; les choix économiques ont souvent été faits à partir de critères politiques et des tendances internationales. Cela s'est traduit par l'inefficacité, le gaspillage, des programmes incohérents... La mise en place de la réforme de l'Etat a mis en évidence le fait que les décisions ont un coût et que les ressources publiques sont rares. La réforme de l'Etat a opéré en plusieurs temps mais n'a pas été uniforme selon les pays. D'une manière générale, dans un premier temps, les restructurations ont été guidées par des recettes néo-libérales; à partir de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix, on observe un scepticisme envers la régulation par le marché, ce qui se traduit par un retour relatif de l'Etat. Mais dans certains pays, la réforme combine un retrait de l'Etat des sphères économiques et commerciales et sa participation plus importante dans la sphère sociale; l'ouverture sera alors très rapide sur le plan économique mais plus lente sur le plan politique. En réalité, la réforme de l'Etat dans les pays qui se caractérisent par une tradition étatique poussée contribue à institutionnaliser la coupure entre les domaines des politiques publiques, notamment entre les administrations sociales et les administrations financières. Cela contribue à l'atténuation des groupes de pression et de leurs alliés gouvernementaux, et permet de faire passer des mesures impopulaires dans les secteurs financiers avec plus de contrôle et d'évaluation. Le projet de modernisation vise à renouveler les mécanismes qui assurent le fonctionnement interne du système, tout en garantissant le maintien de la stabilité politique et un renouveau de la croissance économique sur la base des débats publics. Mais ces transformations risquent aussi d'amplifier les tensions entre stabilité et changement. La réforme de l'Etat comporte un dilemme car les nombreuses transformations requises créent un besoin de structures de coordination et d'action tandis que la capacité des gouvernements pour ce qui est de leur coordination et de la présentation de politiques intégrées et cohérentes a sensiblement baissé. En réalité, on assiste à une plus nette séparation entre Etat, secteur privé et société civile; pourtant cette relation qui est centrale dans la vision « démocrate-libérale » forme le noyau de la nouvelle gouvernance. Enfin, l'affirmation selon laquelle la réforme conduit à des changements positifs tels que le progrès et la modernisation est à modérer. Certes, les réformes font partie de la vie organisationnelle mais elles sont souvent vouées à l'échec et aux difficultés, et ont plus tendance à changer le discours des dirigeants qu'à changer véritablement le comportement des membres de l'organisation en question. En effet, pour décrire ce genre d'action publique contemporaine, Patrice Duran, cité dans un livre de Gilles Massardier, évoque « la tyrannie des processus » : les politiques publiques sont alors plus incrémentales que changeantes, plus lentes que rapides... A travers des études de la sociologie des organisations et de l'Etat, l'on s'accorde sur l'aspect limité de la rationalité des acteurs des politiques publiques (par exemple des politiques qui se chargent des réformes institutionnelles, des politiques de réformes économiques, des politiques qui devraient empêcher la fuite des cerveaux et de simples citoyens...). Selon le même auteur, les acteurs des politiques publiques « se débrouillent » plus qu'ils ne planifient une action rationnelle a priori et stable. Leurs actions cumulées ne peuvent aller au-delà d'un changement marginal. De plus, même lorsqu'ils innovent, les acteurs « bricolent » des dispositifs par voie d'apprentissages lents basés sur l'acquisition de connaissances à la fois controversées et incorporées sur le long terme dans leurs échanges. Mais il s'agit de faire en effet remarquer que l'action publique globale qui vise une réforme et une rationalité de l'Etat se trouve entre « changement et recomposition », toute cette action est censée être en ébullition permanente. Force est de conclure qu'il est important de prôner l'autorité et l'ordre politique issu de l'histoire des démocraties et de l'Etat pour redonner une visibilité au politique.
*Docteur en sciences politiques (politologue)
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Posté Le : 14/06/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Riadh Bouriche *
Source : www.lequotidien-oran.com