«La pédagogie est
la science la plus dialectique, la plus mouvante, la plus compliquée et la plus
diverse…» Makarenko (1888-1939).
Suite aux
articles parus sur l'évaluation des étudiants par Brahmi[1] et Derbala[2],
peut-on parler d'évaluation pédagogique des enseignants universitaires ? La
réponse est non. On peut parler ou on peut prendre en considération
l'impression des étudiants sur tel cours ou telle façon de donner un cours par
un professeur ou un tel autre. Les enseignants universitaires sont normalement
qualifiés, puisqu'ils détiennent des doctorats ou diplômes universitaires
supérieurs, des publications d'articles scientifiques et des communications
faites dans des conférences. Leurs évaluations scientifiques sont déjà faites
respectivement par les membres de jury de thèses de doctorat, des membres des
comités scientifiques des journaux et des conférences. Ces membres ou arbitres
sont de notoriété reconnue parfois même mondialement. L'enseignant à
l'université est un fonctionnaire qui connaît les exigences de la fonction
enseignante et de la responsabilité qui s'y attache, et comprend l'importance
d'une éthique professionnelle. Il n'est pas mauvais d'avoir présent à l'esprit
le statut des enseignants chercheurs du supérieur, le Décret exécutif n° 08-130
du 03 Mai 2008 où les droits et devoirs des enseignants, tous grades confondus,
professeurs, maîtres de conférences et maîtres assistants, sont stipulés en
plusieurs articles.
L'enseignant-chercheur a vocation
d'instruire, éduquer et faire de la recherche. Il exerce un métier en constante
évolution. Il doit posséder une culture générale lui permettant de maîtriser
les grands concepts relatifs à sa spécialité et maîtriser les connaissances de
base des langages fondamentaux (orthographe, expressions écrite et orale, etc.).
Origine des
enseignants universitaires
Pour accéder à
l'Université algérienne, il est indispensable de détenir au moins un magister,
un doctorat, un doctorat d'Etat ou une thèse d'habilitation pour devenir
respectivement maître assistant classe-B, maître de conférences classe-B,
maître de conférences classe-A ou «professeur habilité «, nouvelle appellation
du maître de conférence-A. Il est à remarquer que le «professeur habilité
«n'est pas du même grade que le professeur détenteur d'une «thèse d'habilitation
à diriger la recherche», dénomination usitée en France !!! Le grade de
professeur est obtenu après au moins cinq années d'expérience dans le grade de
maître de conférences-A, avoir publié au moins un article scientifique, avoir
fait au moins deux communications dans des conférences internationales et
encadrer des magisters, etc. Des «professeurs agrégés» des lycées détenteurs de
doctorat peuvent enseigner simultanément aux lycées et aux universités. En
France, grâce à leur expérience très pédagogique, les professeurs agrégés
éditent même beaucoup de livres du «cycle supérieur».
Leur affectation
pédagogique
Les maîtres
assistants classe-B sont affectés à des travaux dirigés dénommés TD ou des
travaux pratiques TP. Les maîtres assistants classe-A sont nommés parmi les
maîtres assistants classe-B ayant une expérience de trois années et inscrits au
doctorat. Anciennement, ils étaient appelés «chargés de cours»et étaient
autorisés à dispenser des cours magistraux dans les amphis. Seuls les
professeurs et les maîtres de conférences-A ou B sont habilités à dispenser des
cours. Dans des universités ou centres universitaires où un manque flagrant
d'encadrement est signalé, des maîtres assistant-A ou B dispensent encore des
cours. Les enseignants universitaires doivent connaître la place de
l'Université dans le système éducatif et la société. Ils doivent connaître les
relations entre l'Université et son environnement social, économique et
culturel afin d'adapter leur enseignement à la diversité des trois cycles de
l'Université. Ils doivent savoir créer une dynamique d'amphi, de classe et de
laboratoire de travaux pratiques pour développer les potentialités des
étudiants. Ils doivent évaluer et gérer les apprentissages des étudiants et
utiliser des techniques pédagogiques récentes, tels que le data show,
l'ordinateur, l'Internet, etc. Ils doivent repérer les compétences et les
difficultés des étudiants. Ils doivent faire de l'étudiant un acteur de projets
de recherche et portent un regard positif sur lui.
Leur compétence pédagogique
Une seconde fois,
en France, et en mathématiques, pour devenir «professeur agrégé», il est
indispensable de connaître «par coeur «le cursus de la graduation, «énoncés de
théorèmes, de propositions, d'axiomes, etc.» et leurs démonstrations !!! Ce
genre de professeurs sont très pédagogues. Ils ont l'habitude d'apprendre leurs
cours. Ils donnent des cours magistraux très agréables sauf s'ils perdent le
fil de ce qu'ils ont appris. Dans ce dernier cas, le cours peut s'arrêter et on
a vu des enseignants quitter leur amphi ou leur classe. Leur pédagogie est
révélatrice de la «transmission du savoir». Par contre, au début de leur
carrière, certains enseignants «non agrégés», détenteurs de «doctorat» n'ont
pas cette élégance dans la dispense des cours mais ils ont la capacité de bien
assimiler les problèmes, de pouvoir chercher dans la présentation de leurs
cours et de leur amélioration perpétuelle. Ils sont déjà initiés à la
recherche. Rien ne les fait peur scientifiquement. Cette pédagogie est celle de
la «construction du savoir». La résolution de problèmes doit occuper une place
importante dans les apprentissages mathématiques. L'enseignant doit accepter
que l'étudiant produise des erreurs sans que lui-même se sente coupable et sans
que l'étudiant soit culpabilisé. L'erreur doit être une occasion de réflexion
et de progrès pour celui qui l'a commise. Les erreurs des étudiants, du moins
celles qui reviennent fréquemment, ne doivent pas être envisagées comme une
preuve d'une ignorance mais plutôt comme le signe d'un savoir mal construit ou
en cours de construction. L'étudiant qui fait des erreurs le fait souvent avec
logique : ses erreurs sont organisées. Il faut les analyser pour pouvoir
envisager une aide efficace. A l'université algérienne, le niveau des
magistérants, des doctorants et des professeurs en est quelquefois pour quelque
chose dans la faiblesse de la présentation pédagogique, c'est une réalité
amère. Beaucoup d'entre eux ne sont pas «orateurs». Pour le devenir, il faut
que les enseignants-chercheurs disposent de leurs amphis et de leurs classes.
Pour se réunir ou discuter du devenir de leur Université, tous les amphis et
les classes sont interdits à des réunions d'enseignants en dehors des heures de
cours. Les réunions entre enseignants se font rares si elles ne sont pas
carrément proscrites. Par affichage, les enseignants ne peuvent même pas
appeler à une réunion de réflexion, de Brainstorming. Beaucoup d'enseignants ne
connaissent même pas les techniques de groupe de réflexion, telles la table
ronde, le triangle, le front à front, etc. Parfois même, des appels à des
réunions ne brassent pas beaucoup de monde. Les enseignants ne participent pas
à la vie de l'Université. Les études créent évidemment des liens scientifiques,
d'autant plus solides qu'ils se sont tissés précocement. Dites ce que vous
voulez, nous ferons ce que nous voulons, ainsi marche le système hostile que
des responsables algériens utilisent tout en le contestant.
Leur affectation
scientifique ou de recherche
Seuls les
professeurs et les maîtres de conférences-A sont autorisés à encadrer des
magistérants et des doctorants. Les problèmes que surmontent ces enseignants
sont rapportés dans plusieurs de mes contributions [03, 04 et 05]. Un
professeur des universités qui n'a jamais écrit des correspondances, des
articles de quotidiens nationaux ou étrangers, deux articles de journaux
scientifiques pour le moindre journal international, ne peut exister qu'à
l'Université algérienne !!! L'enseignant-chercheur doit être rigoureux, honnête
et indépendant d'esprit. Il doit être élégant, net, qui se tient droit et
regarde droit, qui parle droit. Cette race se fait rare chez nous. On peut
distinguer trois ordres d'esprit, à savoir: ceux qui comprennent par eux-mêmes,
ceux qui comprennent lorsque d'autres leur démontrent, et ceux enfin qui ne
comprennent ni par eux-mêmes ni par le secours d'autrui. Les premiers sont les
esprits supérieurs, les seconds les bons esprits, les troisièmes les esprits
nuls. Le chercheur a toujours besoin de valeurs, à vouloir vivre sans besoin de
valeurs est mortel. Les scientifiques sont des créateurs de valeurs, normalement,
ils commandent et légifèrent, orientant le destin de notre peuple. Le savoir
est dans un esprit fort, esprit libre, affirmatif, courageux, allègre, il est
la réponse à la triste science abstraite.
La position de
l'enseignant chercheur dans l'enceinte même de l'Université
Au lieu de couper
une branche, il est préférable de déraciner l'arbre de la bureaucratie, en
espérant qu'un autre arbre de la science pourra croître à sa place. La
bureaucratie continue d'écraser la communauté universitaire, et
l'analphabétisme et l'illettrisme d'étouffer leur cri de liberté [05]. Selon
Marx, la bureaucratie est le règne de l'incompétence fondée en système puisque
«la tête s'en remet aux cercles inférieurs du soin de comprendre le détail et
les cercles inférieurs croient la tête capable de comprendre le général. Ainsi
ils se trompent mutuellement «. Dans Deldime et Demoulin[06], Marchand a
définit trois types existentiels de couples éducatifs
a. Couple
éducatif caractérisé par l'égoïsme de l'enseignant-chercheur et l'indifférence
de l'étudiant.
L'enseignant-chercheur
ignore la vie intime de l'étudiant qui n'a de raison d'être que s'il place à
son service. L'amphi, la classe ou le laboratoire n'ont d'autres buts que de
lui fournir des avantages personnels, telles une bonne réputation, la
réalisation de certaines ambitions, etc.
On trouve parmi
ces enseignants-chercheurs des amateurs de vie confortable, des amateurs de
prestige professionnel et les amateurs de travail facile. Indifférents à
l'égard des étudiants considérés dans leur vie personnelle, leur position en
face du groupe provoque des réactions plus intellectuelles et scolaires
qu'affectives.
b. Le couple
éducatif caractérisé par l'impérialisme de l'enseignant-chercheur
L'enseignant
chercheur conquiert la vie de l'étudiant selon les exigences de son
égocentrisme et considère l'étudiant comme un objet à dominer. Ce sont les
enseignants avides d'affection et d'admiration, les enseignants dominateurs.
Voulant tout régenter, ce type de formateur se comporte en despote et organise
les études sans se soucier de ce qui convient à la section des étudiants. Un
conflit peut s'installer à l'intérieur de l'amphi, la classe ou le laboratoire.
c. Le couple
éducatif caractérisé par l'échange et le renoncement.
On distingue les
enseignants camarades et les enseignants désintéressés. L'autorité
bienveillante de l'éducateur ne vient pas du désir de dominer mais de son
besoin d'agir en souverain éclairé qui n'a d'autre souci que celui d'apprendre
aux membres de la section à se conduire d'une manière responsable et autonome.
L'étudiant passe de l'obéissance à la sympathie en passant par le respect et
l'admiration.
Conclusion
Comme le LMD
s'inspire du système pédagogique américain, BMP (Bachelor, Master et Ph.D), aux
USA, les étudiants peuvent participer à l'amélioration pédagogique des cours en
notant leurs propres enseignants sur la façon d'exposer le cours, la façon de
créer l'animation scientifique, etc. Mais là surgit un problème existentiel de
l'étudiant, le vrai étudiant, conscient de ses intérêts pédagogiques et
scientifiques et non des étudiants ne demandant que de la compensation, le
«rachat «et l' «aumône pédagogique» !
* universitaire
Notes :
1. Rachid Brahmi.
De l'évaluation de l'apprenant dans le système éducatif. El Watan, Mardi 4 mai
2010, Rubrique : Idées-Débats, p.23.
2. Ali Derbala.
L'évaluation des étudiants à l'université, Le Quotidien d'Oran, Mardi 25
mars2008, Rubrique: Débats, p.06.
3. Ali DERBALA. A
quand la valorisation des enseignants-chercheurs de l'Université ? El Watan du
02 Mai 2010, Rubrique : Idées Débats, p.23.
4. Ali Derbala.
La formation doctorale dans un laboratoire de recherche. El Watan, Mardi 26
Janvier 2010, Rubrique: Idées-Débats, p21.
5. Ali DERBALA.
Halte à la bureaucratie dans la gestion des laboratoires de recherche en
Algérie. El Watan, en deux parties. - 01-02 Décembre 2009, Rubrique :
Idées-Débats, p.22.
6. R. Deldime et
R. Demoulin. Introduction à la psychopédagogie à l'usage des étudiants. OPU
Alger 1975.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 15/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Derbala *
Source : www.lequotidien-oran.com