Algérie

De la mozzarella palestinienne



De la mozzarella palestinienne
Grâce à une coopération entre l'Union européenne, une ONG italienne et une association d'éleveurs palestiniens, les Palestiniens de Cisjordanie peuvent déguster une mozzarella « palestinienne ». Mozzarella à Ramallah, il ne s'agit pas du titre d'une comédie à l'italienne sur fond de check-points israéliens. Depuis quelques mois, le célèbre fromage transalpin est produit, vendu et dégusté par des Palestiniens de Cisjordanie. Ce transfert inédit de savoir et de saveurs est le produit d'une coopération entre l'Union européenne, l'ONG italienne Ucodep (Unity and Cooperation for the Development of People) et l'association d'éleveurs palestiniens PLDC, (Palestinian Livestock Development Center : Centre palestinien de développement du cheptel). Le premier de ces acteurs, l'UE, a débloqué en 2005 une enveloppe de 1,2 million d'euros, dans le cadre de son programme de sécurité alimentaire. Le deuxième a employé cette somme pour bâtir des bureaux et une ferme sur les Hauts-Plateaux de la région de Tubas, dans le nord de la Cisjordanie. Le troisième, le PLDC, a investi les lieux et a développé, avec l'aide de son partenaire italien, une activité de soutien aux éleveurs de chèvres et de moutons de la région.La production de fromages, mozzarella mais aussi ricotta, scamorza et pecorino, a découlé d'un simple besoin d'autofinancement. « On cherchait un moyen de ne pas concurrencer les membres de notre association », raconte Marai Shawani, le directeur du PLDC. « Un de nos collègues italiens a suggéré la mozzarella. On l'a tous regardé avec de grands yeux. On connaissait les fromages hollandais, norvégiens et israéliens, mais celui-là, on n'en avait jamais entendu parler ». Il faudra un voyage d'étude en Toscane et la venue d'un expert italien à Tubas pour rattraper ce retard et mettre en place la ligne de production. Aujourd'hui, les fromages du PLDC sont en vente dans quelques épiceries fines de Naplouse, Bethléem et Ramallah.À Tubas, un centre pour la modernisation des techniques d'élevageLe bénéfice dégagé par cette activité improbable vient en soutien de l'activité première du PLDC, à savoir la modernisation des techniques d'élevage caprin. Le centre de Tubas offre aux quatre cents adhérents de l'association le moyen de recourir à l'insémination artificielle pour leur troupeau de chèvres. « C'est un service unique en Cisjordanie, dit Atef Bani Odeh, directeur adjoint du centre. Cela permet d'accroître le nombre de portées par an et de les planifier par avance, ce qui facilite le travail des éleveurs. » Le PLDC dispose par ailleurs d'un petit laboratoire destiné à tester la qualité du lait et à repérer d'éventuelles pathologies. Il gère aussi une clinique mobile qui dispense des services vétérinaires jusque dans les zones les plus reculées. Enfin, il met à la disposition des fermiers deux centres de distribution en alimentation animale, composée principalement de rations d'orge de qualité supérieure. Dans la région de Tubas, une zone très sèche avec des pâturages plutôt maigres, un tel ravitaillement est crucial pour l'avenir de l'élevage caprin, d'autant plus que la crise est déjà là. En l'espace de vingt ans, la taille du cheptel palestinien est passée d'un million à cinq cent mille têtes. Dans les années 1980 et 1990, de nombreux « shebab » (jeunes) ont troqué leur existence de berger, souvent rude, pour un poste d'ouvrier sur un chantier de Tel Aviv ou de Netanya, précaire mais mieux payé. Le bouclage de la Cisjordanie et de Ghaza, généralisé après le déclenchement de la seconde Intifada en 2000, n'a pas entraîné de retour à la terre. Autour de Tubas, l'omniprésence de l'armée israélienne dissuade ou épuise souvent les vocations. « Nous sommes entourés de colonies, de check-points et de champs de tirs, dit Atef Bani Odeh. Dès que nos bêtes s'égarent sur des terres interdites d'accès aux Palestiniens, l'armée les confisque et les parque dans une base militaire. Pour les récupérer, il faut payer une lourde amende. A cause de tous ces obstacles, de nombreux fermiers ont vendu leur cheptel ».L'enclavement de Tubas, à l'écart des grands axes de transport, n'a pas non plus facilité son développement. L'Autorité palestinienne n'y est guère présente et les ONG internationales s'y font rares. Pour l'instant, le PLDC a surmonté ces handicaps. Sa gestion, assurée initialement par les Italiens d'Ucodep, a été récemment transférée aux Palestiniens. Conscients que le projet est encore fragile, les quatorze employés travaillent d'arrache-pied pour le viabiliser, en jonglant entre les tâches d'administration, de production et de marketing. « Nous devons prendre le tournant de l'agrobusiness, dit Marai Shawani, le directeur. Améliorer notre organisation et notre productivité. C'est à cette condition que nous pourrons rester sur cette terre ».Par : Benjamin Barthe, Ramallah, L'Orient-Le Jour.  >   


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