Refoulant dans
l'hérésie marxo-freudienne tout ce qui est liberté,
droits de l'homme et démocratie, la catharsis du régime algérien induit une
radicale transformation de la culture post-coloniale.
Se refusant sous
des airs avenants, à toute refondation de sa pensée archaïsante, et se
ressourçant sans cesse pour ce faire, à cette culture patriarcale, dès lors
qu'il s'agit de recomposition de ses rapports de castes entre maîtres et
serviteurs, toute étique morale tend alors à cet effet à s'effacer ou à
s'automutiler.
• Comme
l'idéologie néocoloniale, cette culture de l'humiliation, avec ses fixations dégradantes
et ses tendances itératives, dont il est une de ses émanations, les plus
sournoises mais néanmoins biaisées par certaines accointances sociales,
caractéristiques d'un localisme primaire, telles que l'immaturité politique de
la société algérienne, voire ici cette proximité sémantique entre indigne et
indigène, le renforcement de l'autoritarisme du père géniteur ou l'autodérision
sécurisante, le néo-nationalisme post-indépendance a tenté de créer un
prototype d'algérien déconsidéré moralement et politiquement, échappant au
processus de l'ontogenèse.
Ce modèle
normatif, de longévité époustouflante se reproduisant à l'identique par simple
articulation organique depuis un demi siècle environ, broie tel un compresseur
tout ce qui cherche à moderniser sa machine anthropophage. Serait-on en
l'occurrence en présence d'un singulier biopouvoir, au sens de logique
mécaniste, instrumentale pour gérer la physio- genèse ?
La traduction de
sa pensée politique en idéophagie est prise en charge
par son appareil répressif ou goulag des esprits dissidents.
Sa pesanteur, son
inertie atavique réside en cet immobilisme ravageur et stérilisant, et toujours
renouvelé par le même dogmatisme. La consolidation de la servilité donne à sa
superstructure, ce pouvoir absolu, cette raison pure d'être et de penser,
l'ataraxie en somme.
C'est précisément
ce trait psychologique qui nous semble caractériser la fébrilité actuelle de
certains ténors autour de la question de la ré-forme
constitutionnelle.
En fait, de
quelle constitution parle-t-on aujourd'hui ? De cette parodie de loi
fondamentale qui n'a jamais constitué quoi que ce soit ? Ou s'agit-il, encore
d'un nouveau renforcement institutionnel au sens de ce qui est là, d'établi, de
l'embrigadement et de la caporalisation de ce qui reste de cette valeureuse
société civile afin de prévenir en ces temps de bourrasques populaires, la
montée des périls ?
La réponse nous
paraît sourdre tout prosaïquement du type même d'acteurs en scène.
• Le système
politique algérien, fortement hiérarchisé, est fondamentalement prébendier de
par l'origine sociale de sa couche constitutive de son fonctionnement. Cette
prébende liée aux différents maillons de la chaîne politique a foncièrement
corrompu sa dynamique de reproduction et, a fini par mettre en évidence cette
mouture prédatrice de tout le système en fait. Cette prédation n'a généré que
déréliction et délitement de l'Etat-nation. Après
avoir longtemps usé le corps social, la grande nouveauté aujourd'hui est
l'usure des esprits libres ou leur abdication, car la poursuite du
pourrissement de la structure sociale risque d'enflammer et de généraliser une
conscience politique plus que jamais excédée par un système complètement
fossilisé. L'apparition récente de la généralisation de la prébende à certaines
catégories socioprofessionnelles, voire les régents des lieux de pouvoirs,
universitaires, magistrats, enseignants etc. Confirme bien que la fossilisation
du régime est achevée et ce, après avoir tout soumis, y compris le prosélytisme
ou discours religieux.
• L'ancrage
patriotique, et au-delà de quelque relent tribal, né théoriquement dans la
première moitié du 20e siècle, et sa fusion corporelle et idéologique dans la
société, avec l'émergence du P.P.A – M.T.L.D, en tant que premières associations
politiques, ouvertement anti-coloniales, a donné naissance aux premiers
nationalistes algériens que nous qualifions volontiers de sujets messaliens,
c'est-à-dire en tant qu'individus en construction. Ces derniers portés par leur
double clivage indigène et colonial, se sont projetés a fortiori dans une
position transcendantale pour réinterpréter leurs conditions sociopolitiques.
Cependant le
processus de casse de ces sujets a posteriori historiques, classiques
dirions-nous pour la pensée moderne, entamé au cours de la seconde moitié du
20e siècle, et que leur charge symbolique paraissait indéniablement
imprescriptible, a fini pourtant par les débouter, hors de l'histoire
officielle en recourant arbitrairement à un révisionnisme idéologique, constitutif
de cette grande chaîne assimilationniste, diffuse dans l'imaginaire populaire
mais fort prégnante dans le système politique.
Replacée dans le
mouvement de l'histoire pour articuler subséquemment ces références de notre
rapport au monde, la mémoire de ces sujets classiques en pâtit malgré tout, par
les vicissitudes d'une pensée amnésique.
L'abjuration de cette mémoire, avec une
facilité sidérante, est patente aujourd'hui, par ceux-là mêmes, que le Messalisme a pétris. Cette mémoire fondatrice de la société
algérienne et ce, jusqu'à ce signe de ralliement - l'étendard de notre liberté
-, que l'on pensait impérissable et à l'abri des turbulences des régimes issus
des crises de l'histoire du développement social, est toujours l'objet de
discrédit sans aucune retenue déontologique.
• Et de ce fait,
bien des agitateurs avérés, ou bouffons de l'histoire et autres phraseurs
patentés, tapis dans les échelons du système nourricier, continuent à sécréter
des formes de travestissement du cours de l'histoire nationale mais oublient
cependant que cette sorte de perennis quÅ“dam philosophia (Leibniz.G.W. 1646-1716) dans laquelle s'est formé le Messalisme, est immanente à notre histoire nationale, à
moins évidemment de changer en sus le symbole de la patrie.
Ces sujets
d'histoire, latents certes, dans la mémoire collective, sans pourtant avoir
perdu de leur nécessité, constituent implicitement de véritables ferments d'un
creuset philosophique, où peut se répertorier, s'élaborer et s'affirmer une
identité nationale rationnalisée et rationalisante
tant au plan politique que sociologique.
La pensée en
cours, réfractaire à tout changement, sourde et aveugle à tous ces cris de
détresse d'une société profondément psychotique, se referme de façon compulsive
autour de cette idée primitive de l'homme fort – ER RAJEL - .
Cette Rojla se fonde sur l'idée de l'homme providence, et que
celui-ci a par conséquent droit aux privilèges du Maître, du Seigneur. Ce Rajel ou sex-symbol en l'occurrence, réfère au plan
psychosocial à la phallocratie. En d'autres termes, cette Rojla
politique aujourd'hui a toujours une fonction
symbolique forte dans certains courants de la mouvance sociale et ce, jusque
dans certains milieux universitaires abêtis par le discours idéologique et un
louvoiement affligeant.
Toute tentative
transcendant cette philosophie politique pour fonder d'autre valeur sociale et
politique, est désormais récusée et relève du pire des sacrilèges. Il n'y a en
fait que la servitude qui est appréciée à l'aune de l'excès de zèle.
Les hommes libres
sont sommés de se débarrasser de leurs charges symboliques pouvant délier les
sujets sociaux de leur aliénation.
En ce sens, toute
valeur d'émancipation est ainsi démantelée au profit de l'archaïsme, de sorte
qu'aucune considération philosophique ou politique, ne puisse éluder les
schèmes de la bigoterie en place.
• Le
conditionnement social par le jeu politique crée de facto cet amorphisme
anthropologique.
Dès lors, toute
pensée libre, voire symbolique s'auto-dilue ou est
liquidée. C'est donc ce conditionnement à la limite du pavlovien, qui est en
jeu. Cela implique ipso facto que les sujets ne doivent plus s'accorder à un
symbolisme transcendantal ; mais se plier au matraquage de l'appareil
idéologique. En un mot, c'est le même individu qui est requis un peu partout
par celui-ci.
Telles ces
idéologies qui se sont déchaînées au cours du 19e – 20e siècles : colonialisme,
communisme, Nazisme, notre autisme politique de type ecclésiastique
inquisitoire n'a donc cherché rien d'autre que la fabrique de ces canards vaucansoniens du 18e siècle, par la mise en place de
programme d'é-ré-éducation et de conditions
coercitives d'accompagnement de l'adaptation des sujets au desiderata de
l'oligarchie en place. Ce dressage mu par une schizophrénie latente, s'effectue
au nom de ce nationalisme vaudevillesque à quoi les couches sociales veulent
mieux consentir que s'opposer, car elles voient bien la féroce violence qui se
dissimule dans les interstices du discours patriotique.
• Depuis que le
pouvoir ne pouvant plus entretenir son dogme primaire en face des objections de
la société civile, s'y est bunkerisé, opposant la
légitimité historique à la raison sociale comme un devoir absolu et
indiscutable, depuis que la société découvre la liberté et la démocratie dans
le monde, et depuis aussi que certaines élites désorientées et corrompues ont
abdiqué leurs droits pour choir dans un scepticisme morbide, une césure
profonde s'est faite dans la pensée sociale comme dans celle des individus.
Cette lésion a
fini par générer abattement et impuissance pour se transmuer en dégoût et Harga. Le pouvoir politique tient aux besoins de la rente,
de là sa raison d'être, la société à ceux de l'équité et de la liberté, de là,
sa force invincible. Depuis toujours ces deux raisons ne savent plus
s'entendre. Le pouvoir politique, sans état de droit, et la société sans éclat,
sont face à face sans pouvoir se convaincre de la
nature de la souveraineté à se partager.
Mais le mal
politique devient à la longue, un mal de la conscience collective, c'est-à-dire
un mal social. Tant que le nationalisme post-indépendance ne fit qu'affirmer sa
foi, son attachement aux valeurs de la libération de l'homme asservi dans une
société quasi-rurale et fortement analphabète, il fut d'une grande force morale
pour la cohésion nationale, dans cette région nord-africaine laminée par ces
variables que certains qualifient de chevaliers de l'apocalypse : la misère,
les guerres coloniales et les maladies. Il fut à cet égard reconnu et respecté.
Mais une fois,
cette thématique épuisée, ce néo-nationalisme est devenu cause d'impuissance et
de dessèchement social.
Seules, la
liberté et la démocratie, peuvent constituer une base solide à la cohésion
sociale, aux progrès de la modernité, et une vie commune aux citoyens à
construire pour l'avenir de l'humanité.
La vie de demain
est à ce prix.
* Auteur libre.
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Posté Le : 27/10/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Rames Sarsour*
Source : www.lequotidien-oran.com