Algérie

De la démocratie participative



Par Zoubir Zemzoum
«Qu'ils partent tous ? les gouvernants actuels, qu'ils nous laissent gouverner nous-mêmes le pays, et instituer la nouvelle République que nous voulons.» Ce sont là les mots d'ordre les plus représentatifs des revendications de toute la jeunesse qui défile tous les vendredis pour réclamer le changement du régime politique actuel. Ils traduisent les préoccupations majeures du citoyen, surtout sa volonté d'imposer, dans la nouvelle loi fondamentale du pays, ce droit de participation dans le contenu doctrinal et le contenant institutionnel de la nouvelle République qu'il voudrait instaurer.
L'autre slogan, qui retient l'attention, est celui insistant sur l'unité du peuple et la communauté de son destin «un seul peuple, frère-frère». Cela reflète et démontre, à la fois, un état d'esprit dont la maturation s'est nourrie des antagonismes idéologiques et politiques qui provoquèrent les drames de la décennie sanglante vécus par le peuple, de la démocratie représentative basée sur le multipartisme. Ce slogan confirme, aussi, la détermination du citoyen de préserver l'unité du peuple, de protéger la solidarité et la fraternité qui lient ses citoyens et les protègent des méfaits des antagonismes politiques et idéologiques caractérisant le multipartisme dominant, un multipartisme qui, loin de résoudre les préoccupations de l'heure, a semé, surtout, la division dans ses rangs et l'ont plongé dans la lutte fratricide de la décennie sanglante.
Tirant les leçons de ce douloureux et dramatique passé, la jeunesse d'aujourd'hui a compris que la meilleure manière de sauvegarder et de conforter cette unité du peuple, cette fraternité et cette solidarité revendiquée par ses citoyens, c'est de transcender les luttes idéologiques et politiques qui ont semé la division, attisé les haines et provoqué les drames que l'on sait, de rompre avec la vision imposée par l'Occident se rapportant à la notion de démocratie représentative que les peuples de ce continent rejettent aujourd'hui. L'avènement du mouvement souverainiste des «Gilets jaunes» en France en est la preuve édifiante.
La montée du souverainisme dans les pays européens et le rejet de la gouvernance des partis de droite comme de gauche inféodés aux multinationales qui leur imposent des réformes allant à l'encontre des intérêts majeurs des peuples et leurs Etats doivent être médités sérieusement par l'avant-garde de ce mouvement révolutionnaire enclenché par notre jeunesse. Cette avant-garde doit concentrer sa réflexion sur le comment faire pour instaurer le système politique régi par une démocratie participative qui a le mérite de protéger la société des maux soulignés plus haut et de réponde réellement et positivement aux véritables attentes de la société de ce XXIe siècle.
Mûrie par toutes les expériences vécues, depuis l'indépendance nationale, par les pratiques du pouvoir des différents dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays, au nom de la démocratie représentative, instruite, aussi, par les enseignements tirés de la lutte actuelle des peuples des pays occidentaux contre ce même système de démocratie représentative qui les régit, notre jeunesse a pris conscience de la nécessité d'opter pour une démocratie participative qui sauvegarde l'unité du peuple et permet au citoyen de participer directement à l'élaboration, à la réalisation et au contrôle de la décision qui sera prise demain, en son nom, par les pouvoirs publics, au niveau de toutes les institutions du pays, sans pour autant recourir à une quelconque représentativité partisane politique et idéologique qui nuise à l'unité de sa souveraineté, aux principes et valeurs qui nourrissent sa solidarité.
Cette jeunesse qui circule sur les autoroutes de la communication, de l'information et du savoir est au fait de ce qui agite aujourd'hui les sociétés occidentales. Elle a pris conscience que dans un monde régi, désormais, par une seule idéologie, celle du capitalisme libéral, le multipartisme a perdu toutes les raisons de son utilité pour le citoyen. Après ce constat, elle a compris que pour sauvegarder l'unité du peuple, pour développer ses liens de fraternité et de solidarité, d'une part, et pour permettre, d'autre part, à chaque Algérien de participer directement à la gestion des affaires du pays, elle n'est nullement obligée de s'affilier à une organisation politique pour faire valoir ses droits dès lors que le citoyen a la possibilité de s'organiser autrement et librement, dans un mouvement associatif, pour participer directement à la prise de décision qui détermine son devenir.
Cependant, pour imposer le nouveau système politique basé sur la démocratie participative, il faut que le peuple reconquière, tout d'abord, sa souveraineté une et indivisible. Cet objectif atteint, il aura toute la latitude de définir le modèle de l'organisation démocratique de la société qui favoriserait l'instauration d'un système de démocratie participative, basé sur l'organisation démocratique de la société, dont les principes et les modalités d'application devront être précisés dans la Constitution de la nouvelle République qu'il compte instaurer.
Dans le cadre de ce débat qu'il est urgent d'ouvrir, sur les problématiques de la souveraineté et de la démocratie, le lecteur pourra apprécier notre contribution consignée dans l'essai que nous avons publié en 2012 sous le titre Une nouvelle République pour une nouvelle société édition Sned.
Ce qui a raffermi notre conviction pour cette nouvelle conception de la démocratie fondée sur l'organisation démocratique de la société, c'est les multiples discussions que nous avons eues avec les citoyens que nous avons rencontrés à l'échelle de la circonscription administrative de base du pays : la commune. Tous les citoyens interrogés, sur les raisons de leur colère, sur le comportement de leurs élus et leur incapacité à prendre en charge leurs problèmes, à satisfaire leurs demandes à caractère matériel et immatériel, tous se plaignent de la mauvaise gestion de leur municipalité.
Les causes avancées pour expliquer cette situation sont diverses mais leurs origines découlent, toutes, du modèle de démocratie représentative et des pratiques électorales qui le soutiennent.
L'antagonisme idéologique et politique dans lequel baignent les élus des différentes formations politiques qui composent le conseil communal conjugué aux conflits d'intérêts matériels et immatériels individuels visés par les ambitions des élus constituent les principales raisons des carences relevées. A cela il faut ajouter l'influence néfaste du pouvoir de l'argent sur les élections, la représentativité de la population, le fonctionnement et la gestion des communes. Dans ce contexte, les membres du conseil municipal, représentant la ou les formations politiques qui composent la majorité et sont mandatés pour diriger le conseil passent beaucoup plus de temps à combattre les man?uvres de déstabilisation de l'opposition qu'à régler les problèmes du citoyen. Les méfaits de cette démocratie représentative expliquent les carences constatées et justifient la colère montante des administrés. Aujourd'hui, lorsqu'on analyse le discours énoncé par cette jeunesse, l'on comprend mieux cette volonté du citoyen de tourner la page de l'ancien système et sa détermination à promouvoir un nouveau mode d'action et de participation qui puisse assurer sa la liberté et son droit de défendre ses intérêts au sein du conseil municipal.
De par la nouvelle configuration sociale, non partisane politiquement et idéologiquement, qui sera issue de cette représentation démocratique de la société, le conseil communal qui en découlera sera certainement plus à l'écoute des préoccupations du citoyen, plus résolu à apporter les solutions idoines à ses problèmes qu'à répondre aux intérêts des directions de leurs partis ou à ceux des «bagarine, de la chkara». Ce mode de représentation et de participation du citoyen trouve toute sa légitimité et son efficience dans un tel modèle de l'organisation démocratique de la société. Une telle option implique, il est évident, la création d'un mouvement associatif des citoyens, à l'échelle nationale, assez vaste et dense que possible, dont le tissage institutionnel servira de socle à une organisation ? horizontale et verticale ? de la société, laquelle permettra aux élus, mandatés par les adhérents des associations, d'activer au niveau des institutions de l'Etat, à caractère politique, économique, social, culturel et autres organisations caritatives et de participer réellement à l'élaboration, à la prise de la décision et au suivi de sa réalisation sur le terrain. A des problèmes communs, les solutions envisagées, dès lors qu'elles transcendent les clivages idéologiques et politiques de la représentativité partisane, ne peuvent être que collégiales et consensuelles. De ce fait, celles-ci seront justes et efficaces dès lors qu'elles sont le fruit d'une collégialité et d'une solidarité au service de l'intérêt commun.
La démocratie participative souhaitée par le citoyen de ce XXIe siècle qui circule sur les autoroutes de la communication, de l'information et du savoir, trouvera toute la plénitude de son expression lorsqu'elle émanera de cette nouvelle organisation démocratique de la société énoncée plus haut.
Z. Z.


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