Algérie

De la décision à la concrétisation, un chemin et des écueils



De la décision à la concrétisation, un chemin et des écueils
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, s'est exprimé, mercredi dernier, sur le plateau de la Télévision nationale, pour réitérer des décisions et positions du gouvernement concernant différentes questions de l'heure. La problématique de l'exploration -non l'exploitation, pour l'heure du moins- du gaz de schiste, l'impact de la baisse des prix du pétrole sur les dépenses du pays, et son économie par conséquence, ainsi que la politique de rationalisation adoptée par l'Algérie pour faire face à cette conjoncture, ont constitué l'essentiel de l'intervention de M. Sellal. En fait, le premier responsable de l'exécutif n'a fait que rappeler des décisions déjà communiquées, explicitées par différents ministres de son gouvernement et décortiquées à longueur d'articles par les médias. Pourquoi le Premier ministre s'est-il donc astreint de redire et expliquer ce qui a été déjà dit et expliqué par ses ministres, qu'il n'était pas question d'exploiter le gaz de schiste, mais juste d'explorer pour avoir des relevés plus précis sur les potentialités existantes, que la rationalisation des dépenses ne concerne que la mise en veille de projets de seconde nécessité et ne touchera pas les subventions ni les secteurs socioéconomiques, que l'Etat recourra au marché financier pour soulager le Trésor public... !'La réponse coule de source : la communication institutionnelle n'atteint manifestement pas ses cibles ou n'arrive pas à convaincre, ce qui revient au même. Les manifestants contre le gaz de schiste, qui sont des étudiants, donc réceptifs à des arguments scientifiques et/ou économiques, ne seraient pas sortis dans la rue s'ils avaient trouvé un représentant local de l'Etat maîtrisant le sujet, pouvant dialoguer et les convaincre, si ce n'est de changer de position, de différer pour le moins les manifestations jusqu'à épuisement de toutes les voies de dialogue. Or, qu'ont-ils eux ' L'information que l'Etat creusait au c?ur du parc naturel de l'Ahaggar, que l'affaire était entendue, sans que cet Etat juge nécessaire d'expliquer sa démarche et sa décision aux habitants de la région. En temps normal, l'Etat n'a pas à demander l'avis, encore moins l'autorisation, de ses citoyens pour toute décision d'intérêt commun qu'il prendra. Mais peut-on parler de «temps normal» quand le ministre des Finances dit que les Algériens devront s'acquitter de leurs loyers, taxes, factures d'électricité et toutes les contributions qu'ils doivent payer 'Que font donc les responsables chargés d'encaisser les factures et recouvrer les dettes des institutions publiques par tous les moyens légaux ' Rien, parce qu'ils ont souvent les mains liées. Ils ne doivent pas faire de vagues, qui risquent de se transformer en raz-de-marée.Si les Algériens ne payent pas ce qu'ils doivent payer c'est parce que les autorités publiques les ont laissé transgresser la loi sans les rappeler à l'ordre. L'Etat préfère grever ses recettes et augmenter ses dépenses pour ne pas devoir gérer un mécontentement, même s'il n'est aucunement justifié.Cette permissivité, qui dure depuis des années, a encouragé l'Algérien à étendre les limites de ses «libertés», quitte à empiéter sur celles des autres et l'autorité de l'Etat. Les enseignants sont convaincus d'avoir le droit de bloquer tout le secteur pour arracher une revendication dont la ministre dit qu'elle ne relève pas de son autorité. La justice peut déclarer la grève illégale. Mais ça ne servirait à rien. Et la ministre se retrouve livrée seule à un problème dont elle n'a pas la solution, sans que l'Etat ne vienne la soutenir en prenant les décisions qui s'imposent, même si elles doivent trancher dans le vif. Une dizaine de capitaines de remorqueurs a jugé normal de bloquer le port de la capitale, un poumon financier, pour un conflit interne, parce qu'un responsable n'a pas assumé ses responsabilités. Là également, la justice a déclaré la grève illégale, sans plus. Qui endossera la responsabilité du manque à gagner ' Certainement pas les grévistes.Ces exemples d'actualité peuvent se démultiplier avec la quasi-totalité des manifestations populaires et émeutes que le pays a enregistrées lors d'opérations de relogement, d'éradication de marchés informels, de récupération de terrains jugés d'utilité publique... L'Autorité de l'Etat a reculé même lorsqu'il s'est agi d'imposer le payement par chèque pour un meilleur contrôle de la masse fiduciaire en circulation.Cette gestion sans rigueur et dispendieuse a ouvert la voie à tous les dépassements et les violations. L'Algérien croit pouvoir tout se permettre, de ne pas payer ses factures, de ne pas faire son travail, de ne pas respecter les lois si elles ne l'agréent pas et d'exiger tout ce dont il a besoin à l'Etat et au pays qui sont riches, surtout que les responsables ne se sont pas gênés pour se servir. Et quand l'Etat se plie aux desiderata de ses citoyens, comment peut-il penser qu'il lui suffirait d'un discours pour les amener à assumer leurs devoirs au lieu de faire valoir des droits qui n'en sont pas, surtout quand l'équipe chargée de mener les différentes politiques n'arrive même pas à accorder ses violons ' La communication est nécessaire, mais elle doit être utilisée à bon escient et, surtout, n'être qu'un prologue de l'action commune concrète, débattue et réfléchie qui, dès lors, ne doit souffrir aucun ajournement ou remise en question. Là, les discours officiels reprendront leur importance et leur crédibilité, car deviendront annonciateurs de décisions, d'orientations ou de projections élaborées par une équipe engagée en bloc pour leurs concrétisations, envers et contre tout et tous. Et quand on parle d'équipe, elle ne se limite pas à l'exécutif, mais implique tous les représentants de l'Etat et responsables intermédiaires qui, souvent, constituent le frein, sinon le maillon faible, de la chaîne de commande. Si on ajoute une désharmonie à la tête, on aura une belle cacophonie où ne se fera entendre que celui qui criera le plus. On n'en est pas loin...H. G.




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