Algérie - A la une

De «La Déchirure» Fronton


De «La Déchirure»                                    Fronton
Il est indéniable que les récentes productions de quelques chaînes de télévision françaises autour de la commémoration des Accords d'Evian ont marqué un pas important par rapport à l'occultation qui a généralement régné en France. Dans ce panel de productions que Mouloud Mimoun présente et analyse ci-après (p. 16), «La guerre d'Algérie, la déchirure» de Gabriel Le Bomin, était particulièrement attendu, du fait d'une promotion intense et surtout de la co-signature d'un historien comme Benjamin Stora, devenu l'incontournable spécialiste de la question. Mais, si la qualité de la réalisation a fait l'unanimité, le contenu du documentaire s'est avéré en deçà.
D'un point de vue méthodique, «La Déchirure» reste symptomatique d'une manière de traiter l'histoire, proche de l'enquête policière : enchaînement de faits et de cadavres, accumulation de détails, recherche des mobiles immédiats des protagonistes' Bien sûr, cela n'est pas inintéressant. Bien sûr aussi, un documentaire doit choisir une focale d'approche et délimiter son champ. Mais, en se contentant de rappels impressionnistes sur l'antériorité de cette guerre, «La Déchirure» agit souvent comme un rétro-journal télévisé qui braque ses projecteurs sur l'anecdotique en rendant opaque son objet. Non, on ne peut comprendre cette guerre sans aborder la campagne d'occupation militaire qui, dès 1830, n'a reculé devant aucune férocité, au point d'être dénoncée par de rares et justes Français ; la dépossession des terres et des autres moyens d'existence, entraînant une misère effroyable ; la destruction des structures d'organisation sociale et culturelle du peuple algérien ; la mise en impasse de la voie politique pour la vider de tout sens et possibilité et, d'une manière générale, la fabrication industrielle du désespoir et de l'humiliation. Sans cela, comment peut-on expliquer la guerre d'indépendance et donc aussi sa violence, sauf à la réduire à une manifestation quasi-spontanée, forcée, voire arbitraire '
Là est la véritable «déchirure» de ce film qui, en se confinant assez strictement à sept années et demie de guerre, occulte ses causes et ses modalités forgées durant un siècle et quart. Même dans les limites temporelles de son sujet, le film passe étonnamment sur certains faits. Dans le débat souvent décousu qui a suivi, il a fallu que ce soit Danielle Michel-Chich, qui, enfant, avait perdu sa grand-mère et une jambe dans l'explosion de la bombe du Milk Bar, le 30 septembre 1956, qui rappelle, avec une indéniable grandeur, que c'était notamment l'attentat de la rue de Thèbes (10 août 1956, 16 morts et 57 blessés), dans la Basse-Casbah, perpétré par des ultras contre des familles algériennes, qui avait déclenché ces opérations du FLN ! Mais où sont les documentaires algériens qui pourraient, à un niveau comparable d'investissement financier et d'élaboration technique et artistique, défendre d'autres points de vue ' Là est notre déchirure.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)