Des auteurs étrangers, essentiellement français, se sont inspirés tantôt des paysages de l'Algérie tantôt des années qu'ils vécurent en tant que coopérants. Les épisodes qui ont mis à rude épreuve la mémoire commune ont été un filon inépuisable. Outre Benjamain Stora, dont les travaux bénéficient d'un écho médiatique exceptionnel, on peut, en vrac, évoquer le roman de Louis Gardel « La baie d'Alger » qui ressuscite les années de colonisation. Etrangement, c'est une période que des auteurs Algériens comme Abdelkader Djemai ou Yasmina Khadra ne cessent d'interroger. Chacun se replonge dans une sorte de paradis perdu oubliant un peu les épines hérissant cet éden supposé. La littérature algérienne a été longtemps l'expression et le reflet de réalités strictement nationales. Les personnages évoluaient dans des villages, des villes où la confrontation et la domination marquaient les rapports avec l'autre. Ce dernier était le représentant, le serviteur de l'autorité coloniale. Les romans et des nouvelles de Dib, chez Mammeri, foisonnent de ces figures qui incarnent l'exploitation, le mépris des droits les plus élémentaires. Sous la plume de Benhadouga, de Ouettar et d'autres comme Bourboune, Far et Mimouni, elle s'est voulue un lieu d'interrogations sur les ambitions ou les errements de l'Algérie indépendante.L'épreuve de l'exilL'exil sera un autre terrain de confrontation avec l'autre. L'Algérien sera déraciné dans des villes étrangères où il perd beaucoup de ses repères. Rachid Boudjedra dans « Topographie d'une agression caractérisée » illustre ce courant qui évoque la perdition de l'Algérien loin des siens. Ce thème est récurrent chez Malek Haddad. Ce n'est pas l'étranger en tant que tel, ses rapports avec l'Algérien qui intéressent. Le romancier Algérien est plus attentif à son frère exilé en terre étrangère, au pays des mirages pour reprendre le titre du film d'Ahmed Rachedi. Dans « L'invention du désert », Tahar Djaout décrit les pérégrinations d'un homme ébloui et perdu dans l'univers lumineux de Paris. On suit pas à pas l'Algérien happé par l'exil, perçu comme une menace et non comme une possibilité d'ouverture et d'épanouissement. La tendance s'inversera toutefois avec l'irruption du terrorisme quand beaucoup d'auteurs décriront l'Algérie comme un pays où les droits de la femme sont piétinés et les intellectuels brimés. L'espace des exilés est valorisé. Le regard a surtout changé car des auteurs algériens se sont mis à poser un regard moins soupçonneux sur les sociétés étrangères où ils vivent. Et beaucoup d'entre eux sont installés à l'étranger. Sur le registre de la nostalgie, Anouar Benmalek a écrit un livre sur ses années d'études en URSS, pays que décrit aussi Mouloud Achour dans « Le vent du Nord », Mohammed Dib, suite à son long séjour en Finlande, a produit trois romans connus sous le nom de trilogie nordique. Réédités par les éditions Chihab « Les Terrasses d'Orsol » (1989), « Le Sommeil d'Eve » (1989) et « Neiges de marbre » (1990) traitent de problématiques philosophiques sur la vie, la transformation d'un homme déraciné qui voit ses repères se brouiller, sa mémoire et jusqu'à son identité se déliter. « Le sommeil d'Eve » donne la parole, tour à tour, à deux amants : Faïna la Finlandaise et Solh l'Algérien. C'est un roman racontant les faits d'un amour passionnant entre deux êtres venus de continents différents. « Dans le village de l'Allemand » de Boualem Sansal, le narrateur débarque aussi dans une ville d'Allemagne. L'histoire d'un jeune parti sur les traces de son père passe, certes, par un village des Hauts-Plateaux. Elle débute aussi dans la banlieue parisienne dont il décrit le quotidien, les frustrations des habitants et se poursuit en Allemagne. Kateb Yacine, dans sa pièce de théâtre « L'homme aux sandales de caoutchouc » a puisé son sujet de la lutte du peuple du Vietnam où il a séjourné. Anouar Benmalak s'est servi de l'histoire des aborigènes pour son livre « L'enfant du peuple ancien ». On peut citer l'expérience romanesque de Amara Lakouas qui, vivant en Italie, se révèle un observateur lucide des réalités de l'émigration dans ce pays. Le phénomène des harragas est, dans « Le Bunker ou le requérant d'asile en Suisse », du journaliste Djamel Ferhi, paru chez Chihab, le prisme par lequel se révèle la société suisse et le quotidien des jeunes à la recherche d'une meilleure situation . Des terres aussi lointaines que l'Afghanistan, la Somalie ou l'Irak ont fourni matière à l'imagination de Yasmina Khadra. Dans la communauté des Algériens installés à l'étranger vivent aussi des artistes, des écrivains qui s'inspirent de leur vie au quotidien dans des pays aussi divers que les Pays-Bas, l'Afrique du sud, le Qatar ou le Canada. Il y a quelques années, Rachid Tridi publia « Du soleil sur Montréal ». A travers une idylle entre Karima Arribi, une jeune Algérienne dont la famille s'était installée au Québec et Michel un jeune Canadien il décrit les difficultés de l'intégration. Dans un monde où les hommes seront de plus en plus enclins à changer de pays, notre littérature s'enrichira sûrement à l'avenir de nouvelles voix qui s'inscrivent dans le concert tumultueux de l'universalité. Il y a toujours un trait, un signe, qui rappellent que même loin, la musique qui sourd des mots est celle de son pays ou des siens. Il est vrai, comme l'écrit Jean Daniel dans un texte sur Kateb Yacine, que « nous vivons une période particulière où la recherche de racines réinventées l'emporte sur les richesses de la fraternité ».
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Posté Le : 10/02/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R Hammoudi
Source : www.horizons-dz.com