Les pays démocratiques, de par le monde, ont trouvé leur équilibre dans le confinement de leur président de la République dans une fonction d'autorité, certes, mais bien délimitée, encadrée et surtout étroitement contrôlée par les autres pouvoirs, que sont le législatif, le judiciaire et bien entendu le scrutin populaire.Pourquoi cela n'a jamais été le cas en Algérie où, depuis l'indépendance, la fonction présidentielle a été confisquée ou attribuée à un homme qui, la plupart du temps, en a usé et abusé à sa guise, au point de devenir la source principale de toutes les décisions ' Même les lois et les Constitutions n'ont pas été suffisamment pensées pour que le président de la République n'ait pas la tentation de se transformer en une sorte de monarque ou de César. Il est vrai que la plupart du temps, c'est lui-même qui fabrique ou inspire les textes. Au fil des décennies, la population a fini par s'en accommoder : marquée quelque peu par la culture du zaïmisme, elle pouvait juger que l'Algérie, du fait de son sous-développement, a besoin d'un leader tout puissant pour émerger.
Mais aux Algériens, on n'a jamais jugé utile de demander leur avis aussi bien sur cette question que sur toutes les autres. C'est après un coup de force sanglant que Ben Bella est devenu président de la République, suivi par Boumediène qui a fait sortir les chars dans la rue. C'est un arrangement entre les services de renseignement et quelques officiers supérieurs et des civils dévoués qui a permis à Chadli Bendjedid d'occuper le palais d'El Mouradia, tout comme Bouteflika au demeurant. Zeroual a été le choix de la haute hiérarchie militaire de l'époque trouble du terrorisme et Boudiaf a été ramené du Maroc par d'anciens compagnons à lui. Il a été assassiné en tant que président d'Etat, les autres ont eu recours au plébiscite pour occuper le poste de président de la République.
La population n'est sollicitée que pour applaudir des choix décidés dans les hautes sphères civiles et militaires, dont les motivations ne sont, souvent, pas liées à l'intérêt suprême de la nation. Il s'agissait pour elles de trouver l'homme qui serait le plus susceptible de défendre leurs intérêts politiques et économiques, voire idéologiques. Et pour cela, elles n'ont pas été trop «regardantes» sur les qualités politiques, intellectuelles, professionnelles et humaines de leur protégé.
Ces sponsors ne s'aperçurent de la catastrophe pour le pays qu'une fois les dégâts étalés en long et en large. Chadli Bendjedid fut impuissant devant le chaos économique de la décennie 1980 qui survint après le démantèlement de l'appareil industriel des années 1970, suivi par la manipulation de l'intégrisme islamiste, alors aux abois. Bouteflika opta pour une stratégie économique reposant sur l'usage abusif et stérile de la rente pétrolière qui, une fois tarie, laissera le pays sans ressources et entre les griffes des institutions monétaires mondiales. Il n'eut de cesse de museler les libertés publiques et individuelles, régnant sans partage, à l'image de Boumediène qui mourut en fonction, ce qui serait une intention inavouée de Bouteflika. Si Boudiaf fut assassiné, Chadli fut contraint à lâcher le pouvoir après le chaos du 5 Octobre et la déferlante intégriste du début des années 1990, laquelle eut également raison de Zeroual qui toutefois ne chercha pas, fait rare, à s'accrocher à son poste, mais laissa le champ libre à son successeur. Ce que l'on retient de fondamental de ces 60 ans d'exercice présidentiel, c'est la grave dérive de cette fonction. Dès lors, comment faire pour que tout prétendant à ce poste prestigieux soit une réelle émanation populaire et comment éviter que celui-ci, une fois élu après un scrutin libre et honnête, ne succombe à la tentation de se transformer en monarque ou en autocrate ' C'est la question fondamentale d'aujourd'hui.
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Posté Le : 10/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Bahmane
Source : www.elwatan.com