Algérie

De l'usage absurde du droit de préemption



La répétition et les récurrences, les contradictions, la politique de deux poids, deux mesures incitent à penser que le droit de préemption n'est qu'une arme politique entre les mains des responsables.Il y a quelques jours, le ministre de l'Energie, Mohamed Arkab, criait à qui veut l'entendre que l'exercice par Sonatrach de son droit de préemption sur les actifs d'Anadarko en Algérie, dans le cadre d'un contrat de partenariat dans le périmètre de Hassi Berkine, "est une opération purement économique".
Le ministre était allé jusqu'à dire que "cette opération (exercice du droit de préemption, ndlr) s'inscrit dans le cadre de l'application de la loi sur les hydrocarbures en vigueur en pareil matière". Anadarko devait initialement céder ses actifs en Algérie à l'autre compagnie américaine Occidental Petroleum, lequel groupe devrait ensuite revendre ses participations dans le périmètre de Hassi Berkine au Français Total, dans le cadre d'un accord global avec Occidental Petroleum portant sur le rachat de tous les actifs africains d'Anadarko par Total.
Ce contrat n'est donc pas du goût de la compagnie publique des hydrocarbures qui, malgré des conciliabules en coulisse et le déplacement du patron de Total en Algérie, décide d'opposer son veto à la reprise par Occidental Petroleum des actifs d'Anadarko en Algérie. Sonatrach exerce ainsi son droit de préemption qui stipule, faut-il le rappeler, qu'en cas de cession d'actifs d'entreprises étrangères activant en Algérie, leur rachat revient en priorité à l'Etat algérien.
Une séquence bien connue et qui rappelle des situations rocambolesques dans lesquelles le droit de préemption a été exercé et qui a conduit à des scandales retentissants. Le cas Djezzy est encore dans les mémoires. Mais il n'est pas le seul. La répétition et les récurrences, les contradictions, la politique du deux poids, deux mesures et l'usage de la loi selon la tête du client incitent à penser que le droit de préemption n'est qu'une arme politique entre les mains des responsables.
Autrement, comment peut-on expliquer son usage à coups de milliards de dollars lorsqu'il était question de racheter les parts de Sawiris dans Djezzy, le blocage de la transaction Cevital-Michelin, Cevital-NCA Rouiba et, depuis peu, la transaction Total-Occidental Petroleum, alors que la même loi n'avait pas été appliquée lorsque Wataniya Télécom Algérie avait cédé ses actifs algériens (Nedjma) à Ooredoo. Le droit de préemption était également resté muet lorsque Alver (entreprise publique de production et commercialisation d'emballage en verre) a été rachetée par le français Saint-Gobain en 2011.
Depuis peu, le groupe Haddad est entré dans le capital de Fertial en rachetant les participations de l'espagnol Vilar Mir sans que l'Etat souffle mot. Autant de contradictions qui accréditent l'idée selon laquelle ce droit, institué par la loi de finances complémentaire 2009, ne serait tout compte fait qu'un droit de veto applicable sur certains, en fonction de la tête du client. Le cas d'Anadarko pose de sérieuses interrogations sur l'applicabilité du droit de préemption, étant donné que les actifs en question ont été acquis par la compagnie américaine avant l'institution même de cette loi.
Du reste, il est à craindre que le blocage indirect de la transaction Total-Occidental Petroleum en opposant le droit de préemption sur le rachat des actifs d'Anadarko par Occidental Petroleum ne donne lieu à un arbitrage international si ledit droit venait à être exercé par Sonatrach.


Ali Titouche


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