Algérie

De l'ouverture islamo-arabe au repli



A l’instar de ses précédentes publications toutes consacrées magistralement à l’Algérie, à dessein aux titres accrocheurs et percutants, au demeurant  avec des approches  innovantes et dûment fondées, depuis l’Algérie révélée, la Première Guerre mondiale et le premier quart du XXe siècle (1981) à, entre autres, L’Algérie des origines (2007) en passant notamment par l’Histoire intérieure du FLN 1954-1962, documents et histoire (avec Mohammed Harbi, 2004), plus précisément la présente synthèse destinée aussi bien à un large public francophone qu’aux enseignants, tous cycles confondus,  plus particulièrement aux élèves des Ecoles normales supérieures en leur offrant  le manuel des plus perfectibles : L’Algérie, cœur du Maghreb classique. De l’ouverture  islamo-arabe au repli (698-1518)(1) constitue bel et bien la publication que tout féru d’histoire et attaché à  l’interculturalité appréciera durablement et en fera assurément son livre de chevet. Effectivement, à elle seule, autant précise et alléchante  que focalisante,  cette brillante synthèse couvre une période-clé, une si longue période, d’autant plus qu’elle est densément  riche et qu’elle concerne directement non seulement la genèse et l’évolution générale du Maghreb classique, soit les siècles contemporains de la période médiévale du continent européen et à merveille les étapes  contribuant aux territoires  constitutifs  d’une  Algérie en voie de formation. Seulement, en se limitant à ce Maghreb médian imposant ferme, coûte que coûte, sa raison d’être  face à ses deux voisins immédiats, Mérinides et Hafsides, l’un autant que l’autre  s’acharnant à l’éliminer comme en fait foi le  traité de 1339  conclu pour dix ans à… Tlemcen même, entre  Jacques III (roi de Majorque) et Abo-u l’Hassan le Mérinide. Quoi qu’il en soit,  pour les assidus et attentifs  observateurs,  pareille synthèse était attendue impatiemment. Elle  ne peut surprendre outre mesure, s’agissant de l’un de ces authentiques représentants des générations tant motivées et sensibilisées par la poursuite acharnée des luttes des peuples fermement engagés dans la lutte pour s’affranchir résolument du joug colonial. Plus que jamais, l’auteur, en l’occurrence le professeur émérite  Gilbert Meynier, n’est plus à présenter pour tout lecteur ayant déjà lu et examiné attentivement au moins l’une de ses œuvres maîtresses parues régulièrement durant les trois décennies écoulées, au surplus  riches d’évènements. En serait-il réellement ainsi s’il ne s’agissait pas essentiellement d’un illustre chercheur remplissant toutes les conditions nécessaires et largement suffisantes, se consacrant, régulièrement, assidûment dès le recouvrement par l’Algérie de sa souveraineté nationale, du reste fermement engagé pour sa juste cause durant les longues années de feu et de sang. Par excellence, c’est le polyglotte maîtrisant, outre les principales langues européennes voisines de sa patrie (allemand, anglais et italien) avec le latin remontant jusqu’aux siècles les plus reculés, la langue grâce à laquelle  il a pu cerner excellemment L’Algérie des origines, au surplus  en soulignant  les liens étroits assimilant les contemporains de Saint-Augustin  à ces  huffaz (mémorisation). C’est aussi et surtout l’arabophone exceptionnel, mieux encore l’apôtre de l’interculturalité, en fait, aisément vérifiable dès que la lecture de la terminologie empruntée à la langue  universellement  imposée durant les siècles d’or de la  civilisation islamo-arabe, s’étendant alors de l’océan Atlantique à Al Andalous jusqu’au fin fond du  golfe du Bengale. Toutes les passerelles sont ainsi jetées pour permettre une meilleure compréhension, grâce au choix judicieux d’une terminologie passant allégrement d’une culture à l’autre, tant les concepts juridiques, littéraires et philosophiques utilisés en arabe sont autant cités en premier lieu qu’aussitôt suivis et précisés par leurs équivalents les plus adéquats en français ou, à défaut, un autre terme d’une  langue consacrée à cet effet. Tels sont  les qualités exceptionnelles,  les mérites de l’excellent pédagogue Gilbert Meynier !
Aussi est-il parfaitement à l’aise pour nous offrir, à travers cette vaste aire culturelle islamo-arabe, la présente publication. L’œuvre en question, à la fois analyse fine dûment étayée du  Maghreb dans tous ses éclats, ses hauts faits, en s’attardant notamment sur  les deux empires Almoravide et Almohade (XIe - XIIIe siècles)  afin de mieux appréhender le Maghreb médian zyanide, partie intégrante de l’ensemble maghrébin : «Ce que les deux siècles almoravide/almohade ont à leur actif dans l’art et la pensée  guère d’équivalent en matière politique : ils représentent une phase de l’évolution du Maghreb dont l’histoire n’a pas donné tort à Ibn Khaldoun, analyses des procédures de l’accès au pouvoir dans une société marquée par l’emprise tribale : il y a bien ‘açabiyya’galvanisant les énergies premières  autour des leaders  du rameau fondateur d’un pouvoir patrimonial, uni par des archétypes modelant identité et comportements.» Et de préciser : «Il y a bien  ‘di’âya’ (propagande) sur un message à diffuser comme doctrine hégémonique de rassemblement fondant la légende sacré de l’Etat patrimonial armé pour la conquête.» Sans complaisance,  il enchaîne : «Il y a bien, enfin, saisie du  ‘mulk’ (pouvoir), ce ‘mulk’ qui s’affaiblit et se dénature avec l’installation de  créatures du terroir dans des villes délétères, où se dégrade la ‘açabiyya’ originelle : terres propices aux égarements de ses  fondements doctrinaux religieux et à la dégénérescence de son idéologie.» ( p. 130) Manifestement et de toute évidence, c’est une rétrospective, une sentence riche   d’enseignements, voire d’actualité à l’échelle aussi bien du Maghreb que du Machreq. Une tout autre approche, percutante et innovante, incitant à  de nouvelles et fécondes analyses à entreprendre par tout chercheur rompant résolument avec l’histoire telle qu’enseignée et réappropriée par les uns et les autres de part et d’autre de la Méditerranée. A  point nommé, elle précède l’approche dès l’organisation en 2011 de «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Bien plus, en raison même de sa finalité et sa richesse, par essence  l’illustration magistrale  de l’interculturalité telle qu’elle s’est imposée et consacrée dans l’espace et dans le temps, ne devrait-elle pas réagir sur les manifestations islamophobes tendant à se banaliser ' De plus, n’est-ce pas aussi la voie salutaire à emprunter en lui réservant objectivement une large diffusion, en encourageant toute traduction dans les meilleurs délais possibles, dans l’intérêt même des lecteurs monolingues, désormais largement majoritaires '
 


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