Algérie

De l'idéologie arabe contemporaine



Le 19ème sommet arabe de Riadh a focalisé l'opinion internationale et arabe sur une énième initiative de paix avec Israël, tout en sachant que celle de 2002 à Beyrouth n'a pas empêché Beyrouth version 2006 de ressembler aux villes allemandes de Dresde et Leipzig version 1945, littéralement incendiées par l'aviation américano-britannique, faisant payer à la population civile la facture de l'aveuglement d'Hitler. Le rideau tombé sur un consensus de gouvernants arabes fera-t-il oublier que l'Histoire a toujours laissé «l'initiative de la paix» aux plus forts ? L'unanimisme des palais du Hidjaz, formulé par la Déclaration de Riadh, a aussitôt entraîné la réponse cynique d'Olmer, la qualifiant de «révolutionnaire», la veille de cette Journée palestinienne de la terre. L'expropriation des oliveraies s'arrêtera-t-elle et leurs rameaux auront-ils encore un sursis d'Ehud Olmer «de cinq années pour espérer s'épanouir ?». «L'initiative» saoudienne peut être aussi interprétée par certains comme une bouée de sauvetage au programme US du GMO (Grand Moyen-Orient), mis en difficulté par une augmentation des pertes militaires en Irak, une contestation manifeste tant au Congress que dans une certaine opinion américaine souvent «hallucinée» par les réminiscences du syndrome asiatique (guerres de Corée, du Vietnam, du Cambodge, du Laos...). Les mass media ont fixé pour l'éternité et l'Histoire la fuite en catastrophe du personnel de l'ambassade US de Saïgon par hélicoptère, en 1975, suivie peu de temps après par l'entrée des chars du FNL et nord-vietnamiens. La plus puissante des machines de guerre occidentales, avec les plus performantes technologies de destruction massive (chimique, bactériologique) s'est embourbée dans la vase et les pièges des rizières indochinoises tenues par les résistants d'un peuple qui combattait un ennemi extérieur venu de très loin occuper son territoire, tout en étant pourtant très pauvre en ressources énergétiques. L'initiative arabo-saoudienne n'est pas la première du genre et ne sera pas la dernière. Les tentatives furent d'abord palestiniennes, et il y a lieu de rappeler cela à l'opinion publique qui doit comprendre la maturité du mouvement de libération palestinien réticent à toute tutelle ou satellisation de sa destinée par les autres Etats arabes. Déjà en janvier 1969, Abou Ayad (de son vrai nom Salah Khalaf, tué dans un raid héliporté israélien dans la banlieue de Tunis), à l'origine professeur de philosophie, puis fondateur du mouvement palestinien Fatah avec Yasser Arafat, chef des services de sécurité de l'OLP, illustrant un raisonnement devant un cercle de personnalités étrangères et arabes, eut recours à cette allégorie: «Un homme secoue vigoureusement un arbre pour faire choir une splendide et appétissante orange qu'il a remarquée. Mais, tandis que le fruit convoité demeure solidement accroché, tous les autres, treize au total, tombent les uns après les autres...». Les oranges pourries, expliqua alors le leader palestinien, représentent les treize membres de la Ligue arabe; celle qui n'est pas assez mûre pour être cueillie symbolise l'Etat sioniste». Abou Ayad fut aussi le premier dirigeant du Fatah à formuler, en octobre 1968, l'objectif stratégique de la Résistance, à savoir la transformation de la Palestine en un état démocratique dans lequel juifs, chrétiens et musulmans vivraient en citoyens égaux. Il fut aussi le premier à préconiser publiquement, en février 1974, la création d'une «mini-Palestine» arabe au côté de l'Etat d'Israël. Remontons encore le temps dans l'horloge de l'Histoire ! Au cours d'une conversation qu'eut l'écrivain et historien Benoist-Méchin (2) en 1958 avec Michel Aflak dans l'Orient-Palace à Damas, en pleine liesse populaire après le discours fondateur de la République Arabe Unie par Nasser, le père spirituel du Parti socialiste arabe (Baâth) conclut: «La Ligue arabe ? C'est une formule qui a pu être utile autrefois, mais qui a fait son temps. On ne résoudra jamais les problèmes brûlants qui se posent à nous en réunissant quelques ambassadeurs autour d'un tapis vert. Il faut que quelqu'un gagne, que quelqu'un cède, et je puis vous assurer que ce ne sera pas nous. L'unité ne se réalisera qu'au moyen d'une commotion générale, qui balaiera tout comme une tornade de feu !». «La foule est une masse d'individus réunis par les circonstances. Le peuple est une entité permanente, façonnée par l'histoire. Contrairement à la foule, le peuple sait ce qu'il veut. Il le sait même beaucoup mieux que la plupart de ceux qui le dirigent. Il ne sait pas comment y parvenir. Voilà la difficulté. C'est pourquoi il a besoin de chefs. Il se donne aveuglément à eux, tant qu'ils se donnent à lui. Mais lorsqu'ils se prennent non pour des guides mais pour des maîtres, lorsqu'ils trahissent ses aspirations par bêtise, par cupidité ou par ambition personnelle, alors il les renverse. Il brûle ce qu'il a adoré, et il a raison de le faire, car il brûle ce qu'il a eu tort d'adorer. Il ne se donne pas des chefs pour qu'ils s'enrichissent ou se couvrent de gloire. Il ne s'en donne pas non plus pour qu'ils le conduisent au désastre. Il s'en donne pour qu'ils le fassent accéder à de meilleures conditions de vie. Ceux-là, croyez-moi, il ne les abandonne jamais !» (2). Terminons cette synthèse non exhaustive mais référentielle par l'analyse de l'historien marocain Abdellah Laraoui (3): «Ce qui échappe à l'observateur étranger, c'est que la fréquence des crises interarabes, l'incapacité d'arriver à une véritable coexistence entre régimes différents, en acceptant sincèrement le principe de non-intervention dans les affaires du voisin, prouvent l'existence d'un système interarabe réel, quoique informel». Dont acte. 1- «Abou Iyad, Palestinien sans patrie», Editions Fayolle: «Entretiens avec Eric Rouleau », Paris 1978, page 9. 2-«Un printemps arabe » de Benoist-Méchin, Editions Albin Michel, Paris 1974, pp. 283 et 291. 3-« L'idéologie arabe contemporaine », Abdellah Laraoui, Maspéro, Paris, édition revue en 1977, page 217.


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