Algérie

De l'envol à la faillite d'Aigle Azur : Les raisons d'un crash



En difficulté depuis quelques années, tout s'est précipité pour la compagnie aérienne française Aigle Azur, qui assure une bonne partie des liaisons entre la France et l'Algérie, 50 à 60%, à travers six villes.Les informations autour de ce dossier ont commencé à circuler le 8 août dernier, avant que la situation ne se développe rapidement. Démission du patron, arrêt des vols et pénalisation des passagers sans dédommagements, putsch de son actionnaire minoritaire, Gérard Houa, désignation d'un administrateur, avant de clôturer, le 9 septembre, la réception des dossiers de manifestation d'intérêt. Au total, 14 offres ont été enregistrées. Elles seront examinées aujourd'hui par le tribunal de commerce d'Evry.
En attendant, le comité d'entreprise, réuni le 13 septembre, a rendu un avis favorable sur deux projets : celui de Lionel Guérin (ancien PDG de Hop !, filiale du groupe Air France, ndlr) et celui de l'actionnaire minoritaire d'Aigle Azur, Gérard Houa. Ce dernier, pour rappel, détient 19% des actions et est proche du chinois HNIA, majoritaire (49%).
Avant de connaître l'épilogue de ce feuilleton, l'on s'attend déjà à voir rebondir, quel que soit le repreneur, la réclamation du passif antérieur à 2012 concernant une partie des dividendes qu'Aigle Azur n'a pas pu transférer en France. Au total, Aigle Azur réclame à l'Algérie 15 millions d'euros, selon Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'Etat français aux Transports.
Deuxième compagnie française derrière Air France, Aigle Azur (1150 salariés, dont 350 en Algérie), après une longue période de turbulences, s'est retrouvée cet été au centre de grosses difficultés qui l'ont poussée à déposer le bilan et mené son patron, Frantz Yvelin, vers la démission. Depuis début août, ce dossier anime l'actualité, pas seulement en France, mais aussi en Algérie, où se fait la grande partie (50 à 60%) du trafic de cette entreprise, dont l'arrêt des vols, le 6 septembre, a fortement pénalisé les passagers algériens, surtout en pleine période de retour de vacances. Ce feuilleton n'est pas encore près de connaître son épilogue.
Le sort de la compagnie, en redressement judiciaire depuis le 3 septembre, est en attente. C'est justement cette période complexe qu'Aigle Azur a choisie pour réclamer les quinze millions d'euros bloqués en Algérie, selon Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'Etat français aux transports, qui s'exprimait sur cette affaire à BFM TV, reconnaissant que le rapatriement de ce montant vers la France s'annonce des plus complexes. Un autre dossier qui fera encore débat. Cela dit, l'intérêt est plutôt focalisé ces derniers jours sur l'avenir de la compagnie et de ses travailleurs.
Les choses devraient justement s'éclaircir davantage dans les tout prochains jours, puisque le tribunal de commerce d'Evry examinera les dossiers de reprise aujourd'hui. Et ce, pour des offres dont la réception a été clôturée le 9 septembre. C'est dire qu'en l'espace d'un mois, les développements se sont accélérés pour une affaire censée pendre beaucoup plus de temps, selon les observateurs. «Déjà les études préliminaires nécessitent une longue période», nous rappelle un expert en la matière, qui estime que tout était prévisible. «Les entreprises françaises savaient depuis longtemps qu'Aigle Azur allait être liquidée, elles ont eu le temps de préparer leurs offres. Ce n'est pas en un mois que tout s'est fait», nous précisera-t-il encore. Et d'ajouter : «Je pense que l'administrateur ne va pas se référer à la date fixée pour la sélection des offres.
Il va différer sa décision, le temps d'être mieux informé sur la situation de l'entreprise, même si dans un premier temps, il va éliminer certaines offres.» Mais ce qui est certain, c'est que cette semaine s'annonce décisive pour l'avenir de cette compagnie aérienne, dont l'administrateur a reçu 14 manifestations d'intérêt, que ce soit pour l'achat d'actifs ou pour la reprise globale de l'entreprise. Parmi ces offres, l'on citera celle de Gérard Houa (via sa société Lu Azur), actionnaire (19%) proche de l'actionnaire majoritaire, le chinois HNA, qui détient 49% du capital de l'entreprise (contre 32% pour l'américain David Neeleman), Air France, Air Caraïbes, Vueling, Easy jet et celles de deux anciens dirigeants d'Air France, en l'occurrence (Lionel Guérin et Philippe Micouleau), selon notre source. Réagissant à ces offres, le comité d'entreprise (CE), après concertation, s'est prononcé en faveur des propositions de Lionel Guérin (ancien PDG de Hop!, filiale du groupe Air France) et de l'actionnaire minoritaire d'Aigle Azur, Gérard Houa.
Air Algérie face au défi managérial
Pour cette course, faut-il le noter, l'Algérie ne s'est pas montrée intéressée via la compagnie nationale. Air Algérie, dans un communiqué rendu public, a précisé qu'elle n'a pas encore proposé d'offre, mais serait intéressée de mettre la main sur Aigle Azur pour renforcer sa position sur le marché aérien. «Concernant la proposition du rachat des actions d'Aigle Azur, cette démarche doit intervenir après une étude sur la situation de la compagnie, définir la somme de ses dettes cumulées, connaître la situation de son personnel, ainsi que les slots à partir des aéroports français», a expliqué la compagnie nationale qui n'a finalement pas déposé d'offre, alors que son premier responsable, Bekhouche Allache, a indiqué le 8 septembre (soit la veille de la clôture du dépôt des manifestations d'intérêt), que la compagnie nationale a «les moyens» de racheter Aigle Azur.
Mais la décision revient à l'Etat algérien. «Les moyens sont disponibles pour racheter Aigle Azur, mais il y a un ministère de tutelle qui est celui des Transports, et un Etat. Ce sont eux qui décident», avait-il précisé. Mais, réellement, l'Entreprise nationale a-t-elle réellement les moyens pour se lancer dans une telle aventure ' Pour Nasr-Eddine Lezzar (lire l'entretien), ce n'est nullement une «affaire» de ratée, d'abord au vu de la situation complexe d'Aigle Azur. Aussi, nous dira-t-il : «Air Algérie n'a pas le management nécessaire et les moyens financiers pour reprendre Aigle Azur.»
Certes, son trafic se fait majoritairement en Algérie, en desservant six villes, mais ça reste une compagnie étrangère. «Le fait qu'elle ait appartenu, par le passé, à une famille algérienne ne la rend pas davantage intéressante et n'ouvre pas un droit ou un devoir de préemption a posteriori», estime encore M. Lezzar pour qui la question «ne doit pas être discutée, débattue, sur une base passionnelle ou polémique», comme ont tenté de le faire certains.
Le plus important est de se pencher sur la situation de quasi-monopole (après le fiasco de l'expérience Khalifa Airways) du transport aérien en Algérie et plus précisément sur celle de la compagnie nationale qui devrait plutôt, selon Rachid Gorri, spécialiste en développement d'entreprise (lire entretien) «acquérir les fondamentaux du véritable management et l'art de donner une vision plus ambitieuse, mais claire, en se mettant au diapason de la gestion de la relation client pour partir à la reconquête et à la fidélisation d'une clientèle qui ne demande que cela». Il reste à savoir maintenant que fera Air Algérie pour reprendre la clientèle d'Aigle Azur, avec l'arrivée de son repreneur qui, sans nul doute, déploiera des efforts pour garder sa part du marché. En tout cas, la concurrence sera au rendez-vous dans un espace aérien toujours fermé au privé.


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