Algérie

De l'âge et de la barbe du mufti!



De l'âge et de la barbe du mufti!
Dans une déclaration qui a dû étonner plus d'un, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs a décliné l'image qu'il se fait du (futur) mufti en Algérie et l'on note au passage qu'il a bien pris la précaution de souligner que son appellation relève de la présidence de la République. Si l'on met de côté la question controversée de l'appellation, il est tout de même un autre aspect de la chose qui mérite que l'on s'y attarde.En effet, Mohamed Aïssa déclare que le mufti sera jeune, pas nécessairement vieux, ni avec une grande barbe, qui se dresserait sur le minbar pour émettre des avis. C'est une vision qui dévoile toute une conception de l'homme en la matière.Un mufti sans barbe'Lorsqu'il a donné ces traits physiques de l'éventuel mufti, il est tout à fait plausible de penser que le ministre a déjà une idée sur la personne qui occuperait ce poste. Il se peut même qu'une proposition en ce sens ait été faite là-haut et que, pour préparer une opinion publique, plutôt habituée à un cliché qui désigne un autre type de personne à ce poste, Mohamed Aïssa a préféré prendre les devants et annoncer la couleur pour que personne ne soit «choqué» par la suite. Mais choqué par quoi' Par la barbe' Par l'âge' Est-il normal qu'un mufti n'ait pas de barbe ou qu'il n'en ait qu'une toute petite et qu'elle ne soit pas nécessairement «une grande barbe blanche»' Et est-il aussi normal qu'il ne soit pas âgé mais plutôt jeune' Pour répondre correctement à ces deux questions, voyons d'abord ce que mufti signifie et quel est le rôle du mufti de nos jours. Nous n'avons pas la prétention de donner une définition universelle de ce mot, mais sans peur de tomber dans l'erreur, nous pouvons dire qu'un mufti est une personne dont le rôle principal est, en s'appuyant sur une connaissance solide en la matière, d'aider les gens à mieux comprendre et, donc, à aborder leurs problèmes qui touchent de près ou de loin à leur religion. De cette rapide définition, il découle que le mufti a pour fonction principale de répondre correctement aux interrogations des hommes dans le domaine qui relève de sa compétence et qui est celui de la religion. Il répond aussi à leurs inquiétudes, leur indique les réponses en fonction du courant (madheb) duquel il relève. L'avis d'un mufti est consultatif, il n'est jamais obligatoire, certes, mais il a tout de même, dans l'imaginaire des croyants, une place fort importante.Maintenant on comprend surtout que pour être mufti, on a besoin de posséder beaucoup de connaissances et beaucoup de sagesse aussi. Or, la barbe n'a jamais été un signe de connaissance ni une preuve de sagesse. Même ceux qui prétendent qu'elle est obligatoire dans notre religion, ne peuvent citer aucun verset ni aucun hadith à part celui relatif à cette bataille avant laquelle, pour qu'ils se différencient des ennemis, le Prophète (Qsssl) avait demandé aux siens de raser les moustaches et laisser la barbe.Si la barbe ne constitue nullement un indicateur des compétences et du savoir, pourquoi faudrait-il alors qu'un mufti ait nécessairement une barbe' Non, cela n'est pas obligatoire. Tantaoui, l'ex-mufti égyptien n'avait laissé pousser sa barbe, nous semble-t-il, que bien après qu'il ait commencé cette fonction, Omar Hachem, l'ex-recteur d'El Azhar, lui non plus, n'avait pas eu de barbe, si nos souvenirs sont bons, qu'après sa sortie à la retraite. Et cheikh Mohamed El Ghazali n'avait porté de barbe qu'au crépuscule de sa vie. Pourtant, nul ne peut remettre en question les connaissances de ces trois hommes. De là, on peut aisément se rendre compte qu'un mufti n'est pas obligatoirement barbu. Il peut l'être, et dans ce cas, il correspondrait au cliché existant à propos de cette fonction, mais il peut ne pas l'avoir et, bien que cela puisse choquer certains, cela n'aura rien d'extraordinaire.Un mufti jeune' Que signifie jeune, d'abord'Le second trait physique sur lequel a insisté le ministre Mohamed Aïssa est que le futur mufti ne sera pas nécessairement âgé. Mais, là, il y a, à notre avis, problème ou, pour être plus précis, il pourrait y avoir problème. Tout dépend du sens que l'on donne à «jeune». A 17 ans, un joueur de football est considéré comme jeune, à 34 ans, il est déjà regardé comme trop vieux. Or, 40 ans est un âge trop précoce pour être mufti et à 80 ans on n'est pas encore regardé comme vieux dans ce domaine.La question de l'âge est très importante dans la fonction en question. Pourquoi' Tout simplement parce que sans l'âge, il n'existerait point de sagesse. Oui, si la connaissance peut être acquise aussi bien par les jeunes que par les vieux, la sagesse, quant à elle, n'est l'apanage que des personnes âgées. Et l'on parle bien de la sagesse ici, pas de l'intelligence, ni de l'éveil. Une précision, toutefois, dans le domaine de la sagesse, l'âge est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Autrement dit, l'âge est obligatoire pour être sage, mais il n'y a pas que l'âge, il y a beaucoup d'autres choses. C'est ainsi que l'on a la possibilité de trouver, souvent même, de vieilles personnes sans sagesse même lorsqu'elles détiennent une certaine connaissance. Mais là est une autre question qui ne nous intéresse pas pour le moment. On comprend donc que le mufti ne doit pas être jeune. Les responsabilités qui sont siennes sont si grandes qu'il a besoin de beaucoup de sagesse pour les prendre, sa tâche est si importante que, en plus des connaissances sérieuses et correctes, il se doit d'avoir atteint cet âge où l'on n'est plus capable de céder aux appels du brillant de la vie et où l'on arrive à dépasser le vulgaire, le banal et le quelconque pour s'élever vers ce qui est correct, honnête, juste, indifféremment de celui qui est en face, indifféremment de celui qui est derrière. Indifféremment de ce que cela pourrait coûter, indifféremment de ce que cela pourrait rapporter. Et cela est impossible avant un certain âge. Il nous est impossible de dire ici de quel âge il s'agit, mais ce n'est certainement pas 30 ans, ni 40 ans ni parfois même, 50 ans. La notion de jeunesse est bien relative, en fin de compte. Il se peut que, pris par un désir de changer et d'introduire du sang neuf dans certaines de ses institutions, le ministre ait décidé de propulser les jeunes, c'est un acte courageux, surtout à un moment où tout parle de ces individus qui ont, semble-t-il, pris racine à tous les niveaux et dans tous les secteurs pour sucer, encore sucer et toujours sucer le sang, la sueur et la sève des Algériens, mais le changement ne signifie pas la même chose dans tous les secteurs. Ce qu'il y a lieu de changer, c'est d'abord notre perception de la chose religieuse. C'est notre compréhension de cette chose qui doit changer. C'est notre discours, notre comportement, nos habitudes, notre mode de vie... tout cela doit évoluer. La religion, on le sait, ne change jamais, c'est aux hommes qu'il appartient de changer. La barbe n'est qu'un signe extérieur qui ne reflète ni notre connaissance, ni notre foi, ni notre sagesse mais l'âge, M.le ministre, l'âge...'




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