Deux villes, deux destins, deux mondes séparés par un fossé de plusieurs siècles creusés par l'Histoire. Une terre qui ne suffit plus à supporter le libéralisme et son enfantement, la pauvreté et l'exclusion. Pendant que les riches s'enrichissent davantage, les pauvres s'appauvrissent d'une manière irréversible pour la plupart. La cause? Des richesses mal réparties au point où l'extermination pacifique par la seule faim, par les seules maladies, par la rareté de l'eau, pour ne citer que celles-là, fera disparaître de la surface de la terre des peuples entiers et leurs cultures en prime. Paradoxalement au moment où l'Homme des pays riches découvre les vertus de la modernité, du bien-être, celui des pays pauvres se transforme en cadavre vivant rampant sur les routes de l'exil, jusqu'à ce que mort s'ensuive. Une sorte de chasse à l'Homme enrobée dans d'apparentes visions humanistes au nom des Droits de l'Homme, justement. Une supercherie du libéralisme pour imposer un rêve incertain aux pauvres. Pour leur faire croire en l'amour du prochain en y semant la haine. L'aide au développement, promesse de l'âne et de la carotte, ne servait en fait qu'à presser plus encore les populations des «non G8» pour rembourser le plus possible une dette dont on se demande à quoi elle a servi, si ce n'est qu'à fabriquer des bourgeoisies crétines alliées indispensables pour le pompage des ressources naturelles. Et de leur fabriquer le mythe de l'Etat par un processus de raccourci historique. Ils sont tombés dans le piège perdant une source de négociation non négligeable, par orgueil ou par bêtise politique. Peut-être même par complicité. Pressés par l'embellie financière fruit d'un hasard des ressources naturelles ou de la location d'un sol jouant le rôle d'un Etat, tout juste bon à y installer quelques bases militaires stratégiques pour surveiller la circulation des capitaux, les grandes routes maritimes. Au sommet de Gleneagles, en 2005 l'engagement a été pris de porter à l'horizon 2010 l'aide au développement de l'Afrique à 50 milliards de dollars, en plus d'une assistance technique sans transfert technologique. Mais l'horizon a toujours été une ligne imaginaire, une création de la littérature pour transmettre un peu d'espoir aux marins pour qu'ils aillent pêcher plus loin. Les experts de la Banque mondiale déclarent, après analyse, que les avantages promis ne sont pas parvenus dans les pays demandeurs, malgré leurs efforts relatifs dans l'amélioration de la gouvernance. Relatifs selon les pays puisque ce concept même de gouvernance fait couler plus de sang que de salive. On préfère l'image de quelques produits alimentaires, jetés à partir du ciel et qui font figure de miracle en même temps qu'ils produisent des images sensationnelles pour les télévisions des riches. De la pitié. Le fonds du problème reste le même sauf que les populations s'accroissent naturellement dans les taux et autres artifices de la Statistique. Les chefs de guerre que sont devenus les gouvernants du G8, ne sont que les représentants de la spoliation durable par la diplomatie, destinée à leur électorat et par les armes destinées à imposer une vision du monde où la liberté devient un registre de commerce permettant toutes les transactions malhonnêtes, au profit des multinationales et seulement à leur profit. Le reste n'est qu'une pièce tragique, une théâtralité où les gouvernants des pays pauvres jouent les bouffons du roi, se bousculant aux portes du progrès par petites accolades intimes, pour faire croire, par télévision interposée, qu'ils sont importants aux yeux de leurs peuples. Qu'ils sont porteurs d'un projet d'avenir. Une fois le partage du monde décidé en conclave, entre grands, ils sont conviés à figurer deux heures durant sur un tableau de chasse avant la «photo de famille» qui en dit long sur les causes qu'ils ne défendent pas ou qu'ils ne défendent plus. Entre temps les consignes à suivre et la condition de leur ralliement aux plans diaboliques que tracent les idéologues du libéralisme, font l'objet d'une pause-déjeuner où la bière déborde du verre américain par trop-plein de richesses. Un cahier de charges savamment préparé pour qui veut rester au pouvoir. Du côté du Groupe des Huit, un lien commun, une Histoire commune, une vision de l'avenir où seule la force domine. Quel est le membre du groupe qui n'a pas eu sa période coloniale conçue comme une mission civilisatrice inscrite dans le prolongement évangélisateur de ses idées fondatrices? Vérifiez! Aucun. Et ce n'est pas un hasard. Du côté des visiteurs d'un jour, alignés par leurs propres programmes de soumission, mendiants d'une aide et «rembourseurs» zélés d'une dette étouffante, partie en fumée, quel est le membre qui n'a pas été colonisé? Aucun et ce n'est pas un hasard non plus. Alors pourquoi rembourser avant de faire les comptes de l'Histoire? Juste pour prouver que la colonisation n'a pas été positive pour les ressources naturelles au moins. Pour prouver qu'ils sont à la tête d'Etats souverains ou alors ne pas s'exposer en refusant tout dialogue infructueux avant de se tourner vers leurs propres ressources humaines dispersées aux quatre coins de l'Occident, libéral par définition et uni quels que soient ses différends à propos d'un bouclier antimissile, à placer quelque part. Avant de rejoindre les rangs de leurs peuples réunis symboliquement à Sikasso, à 370 km de Bamako où ils étaient plus d'un millier à dire non au désordre mondial, non à la Banque mondiale et au FMI. Non au remboursement de la dette. Non aux subventions qui tuent le coton de Sikasso. Non aux OGM. Non aux gouvernants qui n'ont pas conscience des dangers qui guettent leurs populations et qui n'arrivent pas à imposer la ratification de Kyoto, parce qu'il y va de l'avenir d'une planète où le premier danger est justement le libéralisme et sa course folle vers plus de profit, vers l'exploitation, de plus en plus, effrénée des ressources naturelles. Et les milliers de manifestants qui accompagnent chaque réunion du G8 pour dire tous les nons possibles au libéralisme globalisant par la culture fast-food et Coca-Cola. Le spectre de l'illégitimité des gouvernants des pauvres, brandi par le G8, les soumet au chantage de l'interventionnisme qui leur impose le silence. A quoi servent alors les armées des pauvres si ce n'est pour se défendre? A rien d'autres qu'aux parades budgétivores et à la répression des leurs au cas où. Ou plutôt à cette lutte ambiguë contre ce phénomène tout aussi ambigu du terrorisme fabriqué, préparé par l'Occident sous forme religieuse ou plus précisément identitaire et qui a fini par soulever des questions dangereuses pour la civilisation du G8. Quel est le sens du «partenariat» auquel on veut nous faire croire lorsque se rencontrent les aviateurs de guerre du nord avec ceux du sud de la Méditerranée pour «discuter» des questions d'intérêts communs, dans la lutte antiterroriste quand on n'a pas de porte-avions ou quand la flotte aérienne se limite à transporter des vivres et des personnes? Et à quoi a servi l'aviation des USA, lors de l'attaque des deux tours, un certain 11 septembre, dont on a fini par faire une date symbole? Notre intérêt n'est-il pas dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, sources premières du terrorisme? Mais là n'est pas le souci du nord de la Méditerranée parce qu'il faut mettre la main à la poche pour rembourser les richesses spoliées, des siècles durant, par la force. Mais là n'est pas le souci des gouvernants du Sud, préoccupés par la continuité de leurs pouvoirs imaginaires. C'est ce qui ressort de la rencontre de Sikasso. Parce qu'à Heiligendamm les dés étaient pipés malgré la mobilisation de l'alter-mondialisme et la petite ballade des chefs de peuples pauvres n'aura servi qu'à quelques embrassades par tic incurable pendant que les chefs des peuples riches se serrent la main et les coudes envers et contre tous. Envers et contre les peuples pauvres.
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Posté Le : 14/06/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saïfi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com