Algérie

De Grenade à Guantanamo



Dans l'Andalousie de Zyriab, il existait 24 noubate couvrant toutes les heures d'une journée ! Quel raffinement ! Sans doute un tel luxe devait être réservé aux princes et aux notables. Il n'empêche que ce patrimoine a survécu et, comme la musique classique européenne, auparavant confinée aux palais, on peut désormais y avoir accès par la radio, la télévision, l'achat d'un CD, voire le téléchargement, honni mais salutaire aux yeux ' ou plutôt aux oreilles ' de ses adeptes. Le temps et la technique restent finalement les meilleurs tremplins de démocratisation de l'art. L'actuel Festival international de musique andalouse et des musiques anciennes vient évoquer toute la splendeur d'un art lié à un art de vivre. Pour autant, l'adage qui veut que « la musique adoucit les m'urs » a pris du plomb dans l'aile. Car si l'histoire a donné Grenade, elle a enfanté plus tard Guantanamo, ce laboratoire de l'horreur conçu, disait-on, pour combattre la terreur. Et l'horreur a tant progressé en ce lieu que même la musique y est devenue un instrument de torture. Une des scènes les plus marquantes du film de Coppola, Apocalypse now, était celle de l'attaque d'un village vietnamien par une escouade d'hélicoptères armés de mitrailleuses, de lance-roquettes et de baffles tonnant La chevauchée des Walkyries de Wagner. Mais c'était de la fiction, encore qu'elle renvoyait à une réalité bien tragique. A Guantanamo, mais aussi en Irak et en Afghanistan, l'armée américaine a diffusé du hard rock à plein volume dans les cellules des détenus pour les briser moralement. Associated Press rapporte le traitement subi par un Américain, sous-traitant de l'armée US en Irak, qui, soupçonné d'aider les « insurgés », a dû subir dans une cellule glaciale de 2,3 sur 2,3 m, un déluge continu de décibels, l'amenant au bord de la folie et du suicide. L'agence précise que cet homme « était au moins familier de la musique rock, contrairement à de nombreux détenus ». qui généralement, « finissaient par hurler et se frapper la tête contre les murs, incapables d'en supporter davantage ». Depuis une semaine, plusieurs artistes ont lancé une campagne pour exiger que leurs musiques ne soient plus utilisées à de telles fins. Parmi eux, le fameux groupe Massive Attack, AC/DC, le musicien Tom Morello, ancien de Rage Against, etc. Des actions de protestation sont prévues et, notamment, des minutes de silence lors des concerts et festivals. Tout cela honore ces artistes. Mais il n'est pas précisé si cette contestation ne concerne que leurs musiques ou toute musique utilisée à ces fins cruelles, ou tout usage cruel de l'art, ou tout « art » de la cruauté ! La nuance est pourtant une vertu essentielle de la musique. Mais pourquoi chipoter ces artistes quand il y a toujours des négligents de la météo qui se demandent d'où peuvent bien pleuvoir les chaussures !


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